ALV #4 : 10 oeuvres de musique classique dans du metal extrême
mercredi 8 mai 2024Live reporter et chroniqueur occasionnel dans divers genres (principalement extrême).
Apprécie La Violence #4
10 œuvres de musique classique dans du Metal extrême
Sleap : Lorsqu’on se met à écouter du metal, il n’est pas rare de croiser des termes comme « symphonique », « gothique » ou encore « néoclassique ». Sans parler des pompeux adjectifs utilisés par ces empaffés de chroniqueurs (« baroque », « atonal » et que sais-je encore). Mais outre cette terminologie fort discutable – nous y reviendrons –, certaines personnes sont même prêtes à avancer que le metal entretiendrait depuis toujours des liens très étroits avec la musique classique…
Voici quelques points qui, selon moi, rendent cette affirmation assez caduque :
la perspective historique : le metal existe à peine depuis une cinquantaine d’années tandis que le répertoire classique a près de seize siècles d’existence
la dimension géographique : le metal et le rock en général (descendants du blues) sont des musiques typiquement américaines, là où le classique désigne avant tout la musique savante européenne
l’aspect formel : on parle simplement de morceau ou d’album pour désigner l’œuvre finale, alors que les formes classiques sont tout autres : symphonie, concerto, sonate, opéra, cantate et j’en passe…
les canaux et outils utilisés : d’un côté des instruments amplifiés (souvent en configuration guitare électrique/basse/batterie/chant), de l’autre une multitude d’instruments de toutes époques et cultures, pour la plupart non-amplifiés (et il en est de même pour le chant)
le clivage écriture / interprétation : le classique est avant tout une musique dite « de répertoire » (des œuvres écrites qui perdurent dans le temps grâce aux multiples versions qui en sont faites) tandis que le metal est une musique « vivante » (souvent composée et interprétée par les mêmes musiciens)
Je pourrais en lister des tas d’autres mais vous voyez à peu près l’idée.
Certes, de nombreux artistes metal ont pu s’atteler à reprendre des œuvres du répertoire classique : on pense évidemment à Yngwie Malmsteen, Savatage ou même à de plus gros noms comme Iron Maiden ou Metallica. Les branches power (Rhapsody, Stratovarius, etc.) et sympho (Therion, Epica, Haggard…) sont d’ailleurs remplies de ce genre d’exercices. Mais la démarche reste selon moi assez superficielle. Les chanteuses lyriques de metal ne sont souvent que de pâles imitations (sans squillo) des soprani classiques ; quant à l’aspect « symphonique », il se réduit bien souvent à l’utilisation de synthétiseurs. Et même lorsqu’un orchestre est impliqué – on pense à l’album Communion de Septic Flesh enregistré avec le Filmharmonique de Prague –, les compositions en elles-mêmes sont loin d’atteindre les standards académiques de l’écriture classique.
Le Czech National Symphony Orchestra sur scène avec Dimmu Borgir (Wacken Open Air 2012)
Mais trêve de bavardage, je ne suis pas ici pour parler modalité et tonalité mais plutôt pour causer metal extrême ! Dans ce nouveau numéro d’Apprécie La Violence, il va donc s’agir de lister quelques-unes des fois où les musiques extrêmes se sont appropriés des œuvres du répertoire – qu’elles soit classiques, romantiques, modernes ou même contemporaines. Je n’ai choisi que des titres où la compo initiale a été réinterprétée, réarrangée ou, à tout le moins, rejouée. Exit les samples ou basiques insertions d’une version préexistante, il faut au moins que les musiciens aient retravaillé une partie de l’œuvre de base, aussi courte soit-elle. On va donc alterner entre black et death, avec également quelques incursions thrash metal.
P.S. : pas de Bach, ni de Mozart ou Beethoven dans cette liste. Je me suis efforcé de choisir des compositeurs connus mais tout de même moins évidents que ces trois-là.
Satyricon – Dominions of Satyricon (The Shadowthrone, 1994)
Felix Mendelssohn – Symphonie « Italienne » n° 4 (1er mouvement : Allegro Vivace)
Pour la faire courte, les Norvégiens de Satyricon sont à la musique classique ce que Led Zeppelin sont au blues : des pilleurs de tombes. Certains se souviennent peut-être de Nemesis Divina et de ses ripoff d’Orff et Prokofiev sur la promo de « Mother North ». Mais aujourd’hui, j’ai choisi de m’intéresser à l’album précédent. Déjà parce que The Shadowthrone est – aux côtés de Dark Medieval Times – le seul album que j’apprécie du groupe, mais aussi parce que l’un de ses morceaux contient un ripoff un peu moins connu du grand public. Je parle ici de l’intro du cinquième titre « Dominions of Satyricon » qui vient reproduire note pour note un motif récurrent de la quatrième symphonie de Mendelssohn.
Même si vous ne connaissez pas Felix Mendelssohn et son œuvre, vous avez forcément déjà entendu l’air d’ouverture ci-dessous. C’est certainement le passage le plus célèbre de sa carrière après la « Marche Nuptiale » du Songe d’une nuit d’été. Mais le plan dont je parle est une fugue qui apparait à la moitié du mouvement. Elle est présente à plusieurs moments mais on la trouve pleinement développée aux alentours de 6:50. Ici, la hauteur des notes ainsi que leur rythmique ne laisse aucun doute sur l’« hommage » qu’en fait Satyricon, surtout au vu du passif du groupe. Mais le morceau – et l’album – n’en sont pas mauvais pour autant, bien au contraire. De même que cette version live de la quatrième par le grand Bernstein avec le Philharmonique d’Israël (1978).
Nile – Ramses, Bringer of War (Amongst the Catacombs of Nephren-Ka, 1998)
Gustav Holst – Les Planètes (1er mouvement : Mars, le porteur de la guerre)
L’ouverture des Planètes de Gustav Holst est souvent citée comme l’un des moments les plus « metal » de l’histoire de la musique classique. Et pour cause, ce mouvement « Mars, bringer of War » est un véritable hymne à la guerre. Sa rythmique martiale et son utilisation du triton en ont fait une source intarissable d’inspiration depuis les débuts du genre (les premiers Black Sabbath et Diamond Head pour ne citer qu’eux). Je vous laisse savourer ci-dessus la meilleure interprétation possible par le célèbre Karajan dirigeant le Philharmonique de Vienne en 1961 (à mon sens bien supérieure à sa version digitale avec Berlin vingt ans plus tard). De plus, ce grand classique de Holst est ici couplé à un autre incontournable du répertoire anglais : les Variations Enigma d’Edward Elgar, là aussi dans leur meilleure version par Pierre Monteux et le LSO (1962).
Mais ici, abordons l’un de mes groupes préférés : Nile. Sur « Ramses, Bringer of War » issu du tout premier album, le combo de Greenville ne s’en cache même pas : il réutilise carrément le titre en changeant simplement le nom du personnage. On passe du dieu grec de la guerre (latinisé) au pharaon le plus belliqueux de toutes les dynasties d’Egypte : Ramsès II. Mais là où d’autres groupes se seraient contentés de sampler l’intro des Planètes, Karl Sanders la réorchestre totalement. Certes, cela sonne plus cheap car c’est fait avec un logiciel, mais au moins ça colle à l’ambiance ! Percussions ethniques, roulements de caisse claire, réverbération, sonnerie d’un cor de guerre, bref, une véritable réinterprétation à la sauce égyptienne de cette marche militaire. Les premiers riffs du morceau viennent d’ailleurs se caler dessus avant que les hostilités ne débutent vers 1:25. Mais comme nous le verrons plus tard, Mars ne sera pas la seule planète du cycle de Holst à intéresser les groupes de metal extrême…
Marduk – Glorification of the Black God (Heaven shall Burn… When we are Gathered, 1996)
Modeste Moussorgski – Une Nuit sur le Mont Chauve
Je ne pense pas trop me mouiller en affirmant que la Nuit sur le Mont Chauve de Moussorgski est sans doute l’une des meilleures portes d’entrée vers la musique classique, en particulier pour des metalleux. On connait tous son ouverture aussi flippante que grandiose : de grands coups de cordes stridentes qui nous plongent dans une atmosphère tendue, puis un grave souffle de cuivres qui colle de véritables frissons avant l’arrivée de cette section bois galopante et sa fameuse mélodie tourmentée. Le tout sur un texte qui raconte l’invocation de Satan au sommet d’une montagne lors d’un sabbat des sorcières, rien que ça ! Histoire de vous remettre dans le bain, voici l’une des toutes meilleures versions par Leonard Slatkin et le Symphonique de Saint Louis.
On pourrait se dire qu’une composition aussi « metal » n’a pas besoin d’être reprise. Mais c’est mal connaitre les metalleux… Il existe en effet un nombre incalculable de versions metal de cette œuvre. Pour ce qui est de l’extrême, j’ai d’abord hésité entre « Mental Decay » sur le premier Necrophagia et la reprise complète par Mekong Delta sur Dances of Death. Mais j’ai finalement opté pour la plus populaire. Avec « Glorification of the Black God », Marduk nous offre une version hybride de la compo de Moussorgski. On sample d’abord l’intro aux cordes/vents avant de calquer les premiers riffs sur l’arrivée des cuivres/basses sous forme de martellement sentencieux ; la fameuse mélodie des bois étant ensuite utilisée comme riff principal. Mais même si l’exercice reste selon moi assez stérile, les Suédois ont le mérite de ne pas faire une simple reprise. Quelques plans typiquement black metal viennent combler les vides, en plus de l’accélération du tempo qui rend le tout plus personnel.
Sodom – Bombenhagel (Persecution Mania, 1987)
Joseph Haydn – Quatuor à cordes « L’Empereur » en ut majeur (2nd mouvement : Poco Adagio – Cantabile)
Chaque fois que j’écoute « Bombenhagel », je ne peux réprimer un sourire – voire un rire – à l’arrivée de ce riff (aux alentours de 3:35 ci-dessus). Cette petite mélodie guillerette tout en majeures fait tellement tache au milieu de ce maelstrom de thrash allemand. Mais loin d’être une simple faute de goût dans la composition, cette mélodie est au contraire une citation parfaitement consciente du second mouvement du quatuor à cordes L’Empereur de Haydn (opus 76 n° 3). En voici une des meilleures interprétations par le Quatuor Takács en 1987.
Comme son nom l’indique, « Bombenhagel » parle des nombreux bombardements causés par l’armée allemande lors de la Seconde Guerre Mondiale. L’insertion de ce passage vient donc souligner cela avec une touche d’humour noir qui n’est pas pour me déplaire. En effet, avant de devenir le deuxième mouvement de ce fameux quatuor, cette mélodie existait déjà sous la forme d’une prière intitulée Gott erhalte Franz den Kaiser (« Que Dieu sauve l’Empereur François »). Composée la même année par Haydn, cette œuvre servit successivement d’hymne à l’Autriche puis à l’Allemagne nazie. Et après un remaniement du texte et un changement de titre pour Deutschlandlied, c’est aujourd’hui l’hymne national allemand. Pour les curieux, le premier couplet de cette œuvre (dans sa version d’origine) est également utilisé par Grand Belial’s Key sur l’album Kosherat – certainement dans un sens un poil moins ironique ?
Bathory – Hammerheart (Twilight of the Gods, 1991)
Gustav Holst – Les Planètes (4ème mouvement : Jupiter, le porteur de la gaieté)
Eh oui encore les Planètes ! Mais contrairement au très va-t-en-guerre « Mars… » vu plus haut, « Jupiter, the Bringer of Jollity » est, comme son nom l’indique, beaucoup plus joyeux. Et, bien qu’il s’agisse du mouvement le plus populaire de l’œuvre, le monde du metal ne le cite clairement pas aussi souvent que le premier. Histoire de changer de l’interprétation de Karajan susmentionnée, voici celle qui fut longtemps considérée comme la version de référence. Il faut dire qu’Adrian Boult est le chef d’orchestre qui « créa » Les Planètes en 1918 (comprendre « qui dirigea la première mondiale de l’œuvre ») et à qui Holst dédicaça la partition originale. Et parmi les nombreux enregistrements que Boult en fit par la suite, sa version de 1966 avec le Philharmonia Orchestra demeure la plus prestigieuse.
Certes, l’incorporation d’un tel mouvement dans une compo de Bathory peut sembler incongrue. Mais ce n’est pas n’importe quelle compo : on ne parle pas ici de Hammerheart l’album, mais bien de « Hammerheart » le morceau (issu du disque suivant : Twilight of the Gods). L’ère pagan de Bathory est déjà bien amorcée et Quorthon semble plus enclin à chanter en voix claire sur des nappes de synthés qu’à blaster sur des riffs black metal. Et à ce titre, le morceau qui nous intéresse est totalement exempt de rythmique et de riffing. Positionnée en toute fin d’album, cette simple rengaine au clavier saupoudrée de chant clair est majoritairement issue d’un passage de « Jupiter… » (à partir de 3:05 ci-dessus). Il s’agit là du plan le plus mélancolique et contemplatif de la compo originale, et Quorthon brode autour du motif pour en composer tout un morceau. Même si cette période de Bathory ne me plait guère, le musicien a au moins le mérite de retravailler la mélodie et de ne pas en faire un simple copier-coller.
Necrophagist – Only Ash Remains (Epitaph, 2004)
Sergueï Prokofiev – Roméo et Juliette (1er acte, scène 2 : Danse des chevaliers)
Avec Chostakovitch, Rachmaninoff et dans un autre registre Stravinsky, Prokofiev fait partie de mes compositeurs russes favoris. Et lorsqu’on écoute des œuvres aussi puissantes et sombres que la « Danse des esprits maléfiques » dans la Suite Scythe, le premier mouvement de la Symphonie n° 3 en do mineur, ou encore la « Bataille sur la glace » d’Alexandre Nevski, comment peut-on choisir de citer la niaise « Danse des chevaliers » issue de Roméo et Juliette… Certes, ce ballet est certainement l’œuvre la plus connue de Prokofiev mais je trouve toujours dommage de se limiter à cet air surentendu. Voici néanmoins l’un des plus beaux rendus par l’illustre Karel Ančerl et le Philharmonique Tchèque (à partir de 2:05).
J’ai déjà évoqué en début d’article l’utilisation de cet air par Satyricon, mais attardons-nous un peu sur ce qu’en a fait un groupe comme Necrophagist. Eh oui, avec un sujet d’article pareil j’étais bien obligé de caser une formation death technique ! Dans l’inoubliable « Only Ash Remains », ce fameux thème de la scène 2 de Roméo et Juliette n’intervient que très brièvement à la toute fin du lead final (vers 3:45 ci-dessous). Après un tel parpaing techdeath, une fin de morceau aussi sirupeuse peut d’ailleurs laisser perplexe. Mais en réalité, il s’agit là d’un simple clin d’œil de Muhammed Suiçmez, guitariste/chanteur/compositeur/chef d’orchestre/grand manitou du groupe. On retrouve d’ailleurs sur le même album un autre hommage du même genre (un bref passage de la Lettre à Elise de Beethoven sur « The Stillborn One »).
Urfaust – Geist ist Teufel (Geist ist Teufel, 2004)
Arvo Pärt – Te Deum
Il est temps d’aborder à présent l’une des légendes vivantes de la musique contemporaine : Arvo Pärt. Mais rassurez-vous, la compo que nous abordons ici est accessible même aux auditeurs néophytes. Loin de l’hermétique style sériel qui caractérise son début de carrière, le compositeur estonien se livre en 1984 à l’exercice purement académique du Te Deum. Une louange à Dieu, la plupart du temps chantée en latin par un chœur complet accompagné d’un orchestre de chambre, et à laquelle de nombreux compositeurs se sont attelés depuis le Moyen-Âge jusqu’à nos jours. Pour l’anecdote, le tristement célèbre accident de Lully (qui causa sa mort après qu’il ait lui-même percé son pied avec son bâton de mesure) eut d’ailleurs lieu pendant une représentation de son Te Deum. Ici, Arvo Pärt construit le sien en un seul mouvement d’environ une demi-heure. Ce n'est pas un upload youtube officiel mais voici le tout premier – et meilleur – enregistrement studio par l’« équipe locale » : Tõnu Kaljuste et le Chœur de chambre philharmonique estonien (1993). Des partenaires de longue date du travail de Pärt qui ont d’ailleurs « créé » plusieurs de ses œuvres depuis les années 80 (et que j’avais eu la chance de voir à Nantes en 2018). Le principal motif instrumental qui nous intéresse est audible tout du long mais particulièrement vers 12:00.
Cette mélodie principale jouée par la section cordes a donc été samplée par Urfaust sur le titre éponyme du premier album Geist ist Teufel (2004). Le passage a ensuite été altéré numériquement puis passé en boucle grâce à un effet de loop pour constituer l’essentiel du morceau. D’abord pitché à plusieurs octaves en dessous, il est ensuite plus clairement discernable à partir de 2:15 ci-dessous, toujours agrémenté des vocaux plaintifs du chanteur IX. Bien que les autres plages d’ambiant qui constituent cet album aient été réalisées par les membres du groupe durant le milieu des années 90, cette avant-dernière piste ne laisse aucun doute sur la provenance de son contenu. Urfaust applique ici les mêmes techniques de sampling que les groupes de martial indus ou de dark ambiant de l’époque. On pense notamment à Sophia sur le titre éponyme d’Herbstwerk ou encore à Apoptose sur « Nidstång » (Nordland) qui, à peine trois ans avant Urfaust, avaient déjà samplé ce Te Deum d’Arvo Pärt.
Mekong Delta – The Hut of Baba Yaga (Mekong Delta, 1987)
Modeste Moussorgski / Maurice Ravel – Tableaux d’une Exposition (14ème tableau : La Cabane de Baba Yaga sur des pattes de poule)
Pour vous donner une idée, les Allemands de Mekong Delta sont un peu les Yngwie Malmsteen du technothrash. À la fois pour leur jusqu’au-boutisme technique, mais aussi pour leur immense catalogue de reprises classiques. J’ai longtemps hésité avec leur version du second mouvement de la 10ème de Chostakovitch (sur Lurking Fear), mais prenons plutôt ici leur tout début de carrière. Dès le premier album en 1987, Ralf Hubert et sa bande expriment un fort attrait pour le répertoire. Le troisième titre « The Hut of Baba Yaga » reprend l’une des sections les plus célèbres des Tableaux d’une Exposition. À grands coups d’harmoniques sifflées, de roulements de caisse claire et de riffing staccato, Mekong Delta signe donc sa première reprise classique instrumentale. C’est le début d’une très longue série, dans laquelle on retrouvera notamment la Suite Espagnole d’Albeniz ou même la Danse du Sabre de Khatchatourian.
J’ai déjà abordé Modeste Moussorgski dans cet article, mais ce qui nous intéresse ici est la version « définitive » des Tableaux d’une Exposition, et elle est signée Maurice Ravel. En effet, la compo de Moussorgski est, à la base, écrite pour piano solo. Et ce n’est que cinquante ans plus tard qu’elle connaitra une transcription pour orchestre symphonique grâce à Ravel. Voilà ci-dessous certainement la meilleure version possible sous la baguette d’Eugene Ormandy et l’orchestre de Philadelphie en 1966. Et à l’instar du supergroupe de prog rock Emerson, Lake & Palmer, Mekong Delta finira carrément par reprendre la totalité de ce Pictures at an Exhibition en version thrash technique sur l’album du même nom (1997).
Atrocity – Sky Turned Red (Todessehnsucht, 1992)
Richard Wagner – Le Crépuscule des Dieux (3ème acte, scène 2 : Marche funèbre de Siegfried)
Vous l’attendiez n’est-ce pas ? Dans une liste comme celle-ci, je me devais d’évoquer Wagner, et en particulier L’Anneau du Nibelung. En effet, beaucoup de metalleux se revendiquent fans de ce fameux cycle de quatre opéras – alors que la plupart n’en ont jamais écouté un seul en entier. On s’intéresse ici au dernier d’entre eux : Le Crépuscule des Dieux (ou Götterdämmerung pour les germanophones). L’un des passages les plus marquants est évidemment la mort du protagoniste principal Siegfried au milieu du dernier acte. Et la fameuse « Marche funèbre » ci-dessous fut réutilisée à toutes les sauces – jusque dans le film Excalibur de Boorman ! Parmi les innombrables versions de ce cycle wagnérien, il en est une qui fait autorité : celle du célèbre Georg Solti avec le Philharmonique de Vienne. Enregistré sur une période de sept ans (1958-1964), ce cycle complet de L’Anneau du Nibelung est la version de référence absolue.
Ce sont donc les premières notes de cette « Trauermarsch » ci-dessus qui ont intéressé les Allemands d’Atrocity pour leur titre « Sky Turned Red ». Issu de leur deuxième album Todessehnsucht, le morceau cite explicitement ce passage de Wagner dès les premières secondes. Le motif de la section basse des cordes est ici reproduit par la guitare lead. La section rythmique du groupe se charge quant à elle de remplacer les vents lors de la ponctuation. Ce n’est heureusement qu’une simple citation en début de piste et non une reprise complète. Le morceau officiel issu du deuxième album étant indisponible sur youtube, on se contentera de cette version démo 1991 remasterisée.
Cult of Fire – Vltava (Čtvrtá Symfonie Ohně, 2014)
Bedřich Smetana – Ma Patrie (2nd poème : La Moldau)
Les Tchèques de Cult of Fire ont réalisé un si bel hommage avec leur EP Čtvrtá Symfonie Ohně qu’il m’était impossible de terminer cet article sur autre chose. Ce deux-titres est en effet dédié à Bedřich Smetana qui est, derrière Dvořák, le plus grand compositeur Tchèque de l’histoire. Son cycle de poèmes symphoniques Má Vlast (Ma Patrie en français) figure aujourd’hui parmi les plus grandes œuvres de la musique romantique. Et c’est le plus célèbre de ces six poèmes qui est ici repris. Baptisé « Vltava » (ou « Moldau » chez nous) d’après le nom de la plus longue rivière tchèque – qui traverse d’ailleurs Prague –, ce second poème est aujourd’hui un monument national. Il n’est pas un seul Tchèque qui ne connaisse pas sa splendide mélodie principale, et beaucoup d’entre vous la connaissent sûrement aussi. Voilà l’interprétation du très réputé George Szell avec l’orchestre de Cleveland pour ce qui est certainement le rendu le plus fidèle à ce jour.
Avec la tronche zombifiée de Smetana représentée sur la pochette de l’EP, Cult of Fire ne se cache pas de l’inspiration. Le nom de ce quatrième disque signifie d’ailleurs « quatrième symphonie de feu ». Et c’est avec une reprise black metal de ce fameux « Vltava » que débute l’EP. La mélopée initiale de la section vents est d’abord reproduite aux claviers avec pas mal de reverb. Les premiers riffs viennent ensuite se poser dessus avant de retranscrire le thème principal (aux alentours de 1:45). Le procédé est répété plusieurs fois avec une rythmique blast beat et évidemment sans aucune ligne de chant. Avec cette sortie, le combo de Prague réalise en 2014 un véritable hommage à son répertoire national. Cet EP sera d’ailleurs interprété en intégralité pour la seule et unique fois lors de leur magnifique concert au Brutal Assault 2015 (notre live report est à retrouver ici).
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Pour aller plus loin, voici un petit quiz sur quelques autres occurrences d’œuvres baroques, classiques, romantiques, modernes et contemporaines dans des titres de metal – parfois simplement samplées, parfois réarrangées :
- Quel groupe de thrash canadien reprend un passage du Mandarin Merveilleux de Bartok ?
Voivod / Sacrifice / Annihilator
- Quel groupe suédois de black mélodique a intégré une partie du Requiem de Mozart à l’un de ses morceaux ?
Sacramentum / Mörk Gryning / Lord Belial
- Côté norvégien, quelle formation de black symphonique a utilisé un mouvement de la 9ème de Dvorak pour une intro ?
Emperor / Limbonic Art / Dimmu Borgir
- Une dernière plus difficile : quel groupe n’a PAS reproduit ou samplé de passage du Sacre du Printemps de Stravinsky ?
Gorguts / Voivod / Deiphago
- Bonus veste à patch : quel compositeur n’est PAS cité dans le tube « Metal Heart » d’Accept ?
Beethoven / Tchaïkovski / Sibelius
- Bonus coupe mulet : lequel de ces groupes n’a PAS repris la fameuse toccata de Bach ?
Cirith Ungol / Megadeth / Dream Theater
- Bonus normie : quel artiste synthwave a samplé un fameux mouvement de la Symphonie Fantastique de Berlioz ?
Perturbator / Carpenter Brut / Dance with the Dead
- Bonus hipster : laquelle de ces artistes a samplé une célèbre composition de Penderecki ?
Emma Ruth Rundle / Anna von Hausswolff / Lingua Ignota
- Bonus cosplay : ces groupes japonais ont réarrangé les Danses Hongroises de Brahms et la Symphonie Inachevée de Schubert, sauf un. Lequel ?
Dir en Grey / X Japan / Lunar Sea
- Bonus cour des miracles : quel projet français a samplé l’« Agnus Dei » du Requiem de Fauré ?
Rïcïnn / Pryapisme / Igorrr