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lundi 4 mars 2024

Slift + Stuffed Foxes @Paris

La Cigale - Paris

Di Sab

Nous y reviendrons car c’est le cœur du propos et le principal intérêt du concert de ce soir, mais le vendredi 1er mars, Slift a gravi une nouvelle marche de son inarrêtable ascension. En remplissant la salle dans laquelle se sont produits les légendaires Slowdive quelques mois plus tôt, les Toulousains prouvent à quel point la doublette Ummon / Ilion a touché extrêmement rapidement un public large, varié et plus ponctuel que votre serviteur qui arrive en retard dans une Cigale bien remplie alors que Stuffed Foxes a déjà bien entamé sa prestation.

STUFFED FOXES

J’avais déjà vu le nom des Tourangeaux circuler sans pour autant m’y être intéressé avant ce soir. Vierge de toute connaissance, de toute attente et de tous préjugés, je me retrouve face à six musiciens dont la jeunesse n’a d’égale que la faim apparente. Si le nom de Stuffed Foxes est récurrent, c’est que le sextet semble parfaitement intégré dans ce qu’on peut appeler avec tendresse « Rock du MaMa », soit cette nouvelle scène de rock indé français dont les professionnels sont friands.

Musicalement, cela coche d’ailleurs toutes les cases : une bonne dimension psyché dans la volonté de faire boucler des plans quasiment exclusivement instrumentaux à laquelle est couplée une forte influence noise qui ne nuit pas à la lisibilité du propos et ne rend pas la musique de Stuffed Foxes indigeste pour autant. Ce côté « dissonant mais pas imbitable », la façon de concevoir sa musique comme un mur sonore ainsi que la très grande énergie déployée par le groupe à l’élaboration dudit mur rappellent grandement les débuts de Lysistrata. Pas la comparaison la plus infamante pour un groupe dont l’attitude me fait regretter de ne pas être arrivé plus tôt.  De belles promesses qui auront en toute probabilité l’occasion d’être vérifiées tant le groupe est jeune et présent.   

 

 

SLIFT

En octobre 2021, Slift remplissait un Petit Bain hyper réceptif à l’immense Ummon. Mai 2022, blindage de Trabendo en règle. Deux ans plus tard, c’est dans une Cigale dense que le groupe se doit de défendre Ilion, le nouveau-né et le successeur de celui à qui ils doivent leur exposition.

Si je me permets quelques lignes avant d’évoquer le concert, c’est parce que cette soirée ne peut être comprise que si on la replace dans son contexte. Fin février 2020, le taux de mortalité à Wuhan est anormalement haut, la faute à une maladie mystérieuse. Pendant ce temps, sur You Tube, une captation d’un trio de Toulouse sort sur KEXP dans le but de faire la promotion d’un voyage astral de plus d’une heure qui servira à beaucoup d’échappatoire lors de ce moment où les corps n'étaient pas libres de leurs mouvements. Un million de vues plus tard, un déconfinement et des dates partout, Slift s’est installé et domine très largement la scène rock à influence psychédélique de France. Leur succès et leur talent leur ont permis d’être le premier groupe français en 30 ans à avoir signé chez Sub Pop (label de Nirvana) pour transformer l’essai Ummon. Et c’est là tout l’enjeu de la soirée. Comment faire quand ton album précédent est si gros et a tant apporté ? Est-il possible de grossir quand une de tes grandes forces a été l’effet de surprise alors qu’actuellement tout le monde t’attend au tournant ?

Ilion est un très grand album. Il n’occupera peut-être pas la place qu’a eu son grand frère mais difficile de ne pas louer la qualité d’écriture de Slift et leurs différents partis pris. Plus abstrait, moins de riffs qui restent en tête mais possédant des lignes vocales plus catchy tout en conservant cette capacité à proposer des plans incroyables, difficile d'être déçu d'une quelque manière que ce soit. Si on s'interrogeait sur la façon dont les titres allaient rendre en live, le groupe décide de ne pas faire durer le suspense et ouvre son concert sur le titre éponyme du nouvel album,  au terme de la même intro que sur les tournées précédentes, à savoir le logo en rotation.

Comme par le passé, le groupe a l’intelligence de proposer un début de set (à savoir les 25/30 premières minutes) plutôt direct avec la triplette "Ilion" / "Nimh" / "Ummon" qui font câbler la fosse, avant de partir sur des titres peut être moins rentre dedans et plus exigeants. Lors de la tournée précédente, le groupe avait pour habitude de terminer le set avec un enchaînement tout en contraste qui était pour moi, le climax des concerts : d’un côté "Altitude Lake" et son intro voix / guitare dans laquelle on peut retrouver une dimension folk 60’s revisitée et son riff doomy auquel s’enchaîne "Lions, Tigers and Bears", titre qui commence up tempo, hyper festif, très direct qui, fort logiquement lorgne vers le punk (toutes proportions gardées bien entendu). J’ai toujours trouvé intéressant de proposer coup sur coup leur réécriture de deux courants quasi opposés qui ont dû les influencer et fort heureusement, ils ont décidé de le maintenir dans la setlist. A noter que "The Word That Have Never Been Heard" et "The Story That Have Never Been Told" sont jouées toutes deux mais pas enchaînées. C’est dommage car cela aurait pu être intéressant de réunir ces deux pièces qui dialoguent entre elles dans l’album. Une heure vingt ne permettent pas d’inclure "Uruk" ni "Citadel On A Satellite" mais c’est bien les deux seuls points d’ombre à une soirée radieuse.

Aujourd’hui, Slift n’a pas dû gagner beaucoup de fans tant le parterre mangeait déjà dans la main du trio. Cependant, ils ont confirmé qu'à l'inverse d'une étoile filante, le groupe n’était pas voué à briller puis disparaître en l’espace d’un instant. En février 2020, la fièvre Slift s’est propagée à travers le monde, pas de confinement nécessaire, pas de vaccin possible. Vaisseau mère, mets ta ceinture.*

Setlist :
Ilion
Nimh
Ummon
The Word That Have Never Been Heard
Weaver's Weft
Altitude Lake
Lions, Tigers and Bears
The Story That Have Never Been Told

*Ils ont rayé la Bentley, je dois refaire la peinture.   

***

Merci à Florent pour l'accréditation, à Radical Production et à la Cigale pour les travaux.