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Oser, tenter, renouveler, expérimenter, surprendre…surprendre…
En quoi peux-nous surprendre le plus prévisible des artistes ? En quoi peut-il prétendre pouvoir offrir à l’imaginaire une porte d’entrée vers un autre univers, un orifice vers lequel l’espace temps pourrait disparaître quelques instants pour s’évader d’une existence que l’on désire voir disparaitre ?
Maintenant donnons des noms et des visages à ces dénominateurs cachés…si ces fameux artistes se révélaient membres d’un groupe aussi fabuleusement populaire que Linkin Park. Groupe adulé des plus jeunes découvrant une autre facette musicale, combo ayant réussi l’exploit avec leur excellent premier opus "Hybrid Theory" de se classer meilleur vente toutes catégories confondues en 2000 avec plus de onze millions d’albums écoulés. Artiste prometteur qui pourtant succomba très rapidement au gouffre abyssal du succès pour tomber dans un néant artistique complet, symbolisé par deux albums navrant de médiocrité et pointant fièrement la facilité, suintant le pognon et puant les gonzesses à des kilomètres…nous avions ici l’immonde "Collision Course" et le bateau "Minutes to Midnight", juste bon à attirer les attardés en quête de sensations ( ?).
A l’orée d’un opus présupposé « expérimental » par le groupe lui-même, c’est face à un énième piège à billets que l’on pense avoir à faire…pourtant, une simple chose change la donne au premier regard. L’effort effectué sur l’artwork. Paradoxalement à cet effort, c’est dans une simplicité, un minimalisme travaillé, une fluidité stylisée et un essentiel retrouvé que Linkin Park signe sa plus belle pochette. Une simple ombre, furtive, mystérieuse…probablement annonciatrice d’un orage malgré un fond d’une blancheur éclatante…cette tache de noirceur serait-elle symbolique d’une rage de nouveau présente ?
Musicale non…créatrice oui.
"The Requiem", songeuse, plonge l’auditeur dans le doute et l’expectative, le met sous pression. D’une introduction au piano solennelle et ambitieuse, que l’on sent inspirée par 30 Seconds to Mars dans le placement des voix, un beat electro se fait entendre en toile de fond. Pas de Chester mais une voix féminine robotique qui abouti rapidement à "The Radiance", uniquement narratif, pesant, presque industriel, uniquement formé autour de sons mécaniques, à la manière de la magnifique BO de "The Island". Linkin Park surprend et quelques part, ne se fait pas réellement attendre…le plaisir de se sentir dépaysé et livré à un opus qui peut être nous emmènera exactement là où il le veut s’avère être très plaisant.
Suite à ces deux morceaux prenant la forme d’une longue introduction (à peine trois minutes à eux deux), le « véritable » album commence. Il demeure essentiel d’étudier la structure de "A Thousand Suns", volontairement anti-structurel justement. Enchainant les intermèdes et autres passages expérimentaux, principalement musicaux et samplés, que l’on pourrait sans trop frémir qualifier d’industriels, Linkin Park développe peu de réels morceaux, et surprends dans certains d’eux, sans pour autant complètement échapper à certains tics de composition malheureusement trop ancrés dans les gènes pour les voir complètement annihilés.
"Burning in the Skies" débute réellement le disque et tisse une atmosphère ambiante, intimiste, belle…très électronique, pop pour ne pas le dire, les guitares, la basse et la batterie s’effacent au profit d’un unique beat électro et de la voix pure et mature de Chester, inspiré mais jamais niais. Mr Hahn réalise d’ailleurs un travail relativement impressionnant sur ce cinquième album, pendant que les autres, plus occupé à composer ou produire, devait probablement regarder derrière la console s’assembler les pièces du puzzle. Et lorsque "When They Come For Me", c’est pour établir une ambiance apocalyptique que les samples apparaissent plus saturés que jamais. Ensemble de percussions tribales et de riffs saturés à outrance façon Nine Inch Nails, Linkin explore des contrées qu’il n’avait même encore jamais foulé, véhiculant des émotions inédites. Le chant rappé, ici de rigueur, s’accorde parfaitement au groove urbain et sale du rythme des percussions, sur lequel se pose des chœurs aussi originaux que perturbants musicalement, dont on ne sait que penser.
De même, on appréciera un "Blackout" laissant exploser la violence d’un groupe qui s’était beaucoup trop calmé. D’une mélodie de claviers niaise et pop (volontaire ?) déboule un nouveau beat sur lequel les vocaux vont s’enchainer, principalement hurlés et fortement réussi, superposés sur une ligne de piano complètement anachronique. Néanmoins, même si l’intention est louable, il manque un petit quelque chose, peut-être des guitares cette fois, pour ressentir cette complète violence. L’on trouvera à l’inverse dans "Wretches And Kings" un riff répétitif et aliénant, parfaitement secondé par des samples oppressants et parfaitement mis en valeur par une production aux petits oignons. Le chant rappé devient une nouvelle fois obligation et excellence. C’est de très loin dans ces compositions industrielles et étonnamment froides, sans refrain salvateur, que Linkin Park frappe un grand coup.
Malheureusement, réduire ce disque à cette unique facette serait ignoré ces fameux tics que l’on retrouve un peu partout sur des "Robot Boy", "The Cataclysm", "Waiting for the End" (une face B de "Minutes to Midnight" ?) ou encore un "The Messenger" acoustique finissant de manière bien fade l’album le plus excitant du groupe depuis des années.
Excitant car il surprend d’un titre à l’autre, mais frustrant car le groupe n’a pu s’empêcher de composer ses morceaux à minettes, dénués de musicalité et d’impact ("The Cataclysm" sera surement jouée en live avec ce refrain horripilant et cette mélodie pop insupportable…malheureusement), n’apportant strictement rien et enfermant le groupe dans une spirale négative et non-créatrice. Pourtant, on peut apercevoir, ici et là, de très bons points qui offrent de nouveau du crédit à un groupe ayant disparu de la circulation métallique depuis belle lurette. Paradoxalement, c’est dans son attitude la moins metal que le groupe se veut le plus intéressant. "A Thousand Suns" ose des choses (particulièrement cette volonté de créer des intermèdes un peu partout) mais encore un peu trop timidement…mais dresse surtout un constat ; il reste une part d’artistes en eux, et même si c’est sous une forme plus épurée que jamais (presque jamais de batterie, très peu de guitare et de basse), cela montre qu’un prochain opus pourrait peut-être révéler de meilleur chose encore. Faut-il que ce disque soit accepté pour cela…et dans la communauté stéréotypée et traditionnaliste des fans de quinze ans qui abreuvent les concerts des américains, ce n’est pas forcément gagné d’avance…
1. The Requiem
2. The Radiance
3. Burning in the Skies
4. Empty Spaces
5. When They Come for Me
6. Robot Boy
7. Jornada del Muerto
8. Waiting for the End
9. Blackout
10. Wretches and Kings
11. Wisdom, Justice and Love
12. Iridescent
13. Fallout
14. The Catalyst
15. The Messenger