Mes 17 ans en 12 albums : l'année 1999 de Prout
samedi 16 décembre 2023Chroniqueur musiques du monde. Parfois Brutal Death / Black / Grind mais rien au dessous de 300BPM sinon c'est trop mou et je m'endors.
Août 1999, mon beau-père me donne un Hard'n'heavy hors série, spécial black metal, pour se foutre de ma gueule. En effet, à l'époque il m'appelait le « gothique » de manière totalement péjorative. Je ne sortais jamais de ma chambre et celle-ci était tout le temps dans le noir. Ma famille ne comprenait pas trop que j'étais juste un otageek, et que je jouais aux jeux vidéos à longueur de temps car la vie virtuelle est bien mieux que la vraie ; cinéphile de surcroît, je regardais simplement mes trois films de kung-fu par jour dans les meilleures conditions qui soient (donc, les volets baissés). Bref, mon beau-père chauffeur routier me ramenait ces magazines qu'il transportait, parfois, tombés du camion, souvent. Cette fois-ci c'était ce magazine immonde, que je ne connaissais pas du tout ; à l'époque je ne lisais que Manga Player et Console + ; avec en pochette un mec chelou (c’était Shagrath de Dimmu Borgir) et un CD sampler que j'ai même pas pris la peine d'écouter, au début.
J'ai un pote qui s'appelle Jérémie. Pêcheur en haute mer, pote depuis le lycée. Il m'avait parlé un peu de son cousin « metalleux ». J'ai toujours été intrigué mais j'ai jamais creusé. Pas que je ne connaissais pas le « metal », j'avais déjà entendu "Refuse / Resist" de Sepultura sur les VHS de Manga Mania, ou "Blind" de Korn en générique de fin du film d'animation de Street Fighter II, et des merdes comme Metallica au collège, Cradle of Filth chez le grand-frère d'une copine, mais bon, rien de transcendant. Du coup j'ai filé le magazine et le skeud sampler à mon pote Jérémie, qu'il n'a jamais filé à son cousin. Jérémie a tout gardé pour lui, il a lu tout le magazine et bien écouté le sampler. Il nous racontait pas mal à la récré les histoires de fou de Mayhem, Dissection, Emperor et consort. Mais ce qui m'avait fait tilter, c'était le background de Summoning. Un groupe qui reprendrait en thème principal Le Seigneur des Anneaux. J'aimais bien Le Seigneur des Anneaux. J'étais un geek rappellez-vous, j'ai commencé le JDR papier quand j'étais en 6ème, et je voguais entre le mythe de Chthulu et les cartes Magic, même si je ne jouais pas officiellement au SDA, j'étais sensibilisé. Bref, un jour où Jérémie insistait encore pour que j'écoute son sampler, j'ai vacillé : « vas-y file ». Je l'ai d'abord laissé trainer longtemps sur le bureau, il faut dire que j'en avais vraiment rien à foutre du black metal, puis un jour je l'ai mis dans la platine : le premier morceau c'était "Sodomizing The Archedangel" de Anorexia Nervosa, laisse tomber, je m'en suis jamais remis...
La transition a été assez facile pour moi. Je m'habillais déjà en noir car c'est moins salissant, et grand fan de Thunderdome, j'écoutais de la techno hardcore et je recherchais uniquement la violence dans la musique, et ces visuels étaient juste monstrueux. Ce déclic n'a pas changé grand chose dans mon mode de vie ni à l'image que je donnais aux autres ; j'avais juste trouvé un truc plus méchant, plus violent, plus agressif que ce que j'écoutais avant, j'étais conquis, Satan m'avait recruté. 24 ans plus tard, je suis fan de Babymetal, dommage.
Après cette longue introduction je suis donc les mouvements nostalgiques de Malice et Dolorès pour partager avec vous les dix albums de mes 17 ans : mon année 1999 ! (oui chuis vieux, niktoa).
Anorexia Nervosa - Sodomizing the Archedangel
Il fallait bien évidemment que je commence cette retrospective par l'EP qui a tout déclenché. Même si depuis je suis très largement désenchanté par les propos complètement cons de Hreidmarr, j'étais à l'époque subjugué par ce nouveau type de chant que je n'avais jamais entendu alors. Pas que je trouvais ça talentueux, au contraire, je trouvais ça ridicule. Et j'adorais qu'on ose dans une scène musicale être ridicule. Entre les cris aigus, les jérémiades sensuelo-complaintives et le chant en français j'étais servi !
Mais surtout ce qui m'avait triggé déjà à l'époque c'était la batterie. Je ne connaissais même pas l'existence de la double pédale, je pensais que le batteur était tout simplement surhumain. Dans mon inconscience musicale, je découvrais totalement un nouveau monde, comme n'importe-quel normie, en noob total, ultra impressionné. Quand je réécoute l'EP aujourd'hui c'est un peu comme un mauvais épisode filler de Dragon Ball. La nostalgie est là, mais faut dire que ça a pas super bien vieilli, bien moins bien que Les Blessures de L'Âme de Seth pour ne citer qu'un autre pionnier français. Les textes me font toujours autant marrer, je passe toujours autant à côté du côté poétique et littéraire sans aucun doute recherché, et la batterie ne m'impressionne absolument plus puisque je peux jouer moi-même deux fois plus vite pendant 2 heures sans me fatiguer (instant auto-fellation). Mais bon, l'aura d'Anorexia sera toujours autour de moi, ce groupe a déclenché une passion, une passion qui a eu un impact terrible dans ma vie, puisqu'elle l'a tout simplement façonnée. Anorexia a été mon premier groupe de cœur et je l'aimerai toujours.
Summoning – Stronghold
Avec encore une fois un morceau sur ce fameux sampler du Hard'n'heavy hors série spécial black metal n°2 et les jérémiades de Jérémie (j'ai le droit à cette blague?), j'ai aussi donné sa chance à Summoning, et pour tout vous dire cet album reste un de ceux que j'écoute encore plusieurs fois par an. Summoning est un groupe immortel dans mon sillage musical, j'ai toujours aimé ça et j'aimerai toujours. Bien avant la notion de dungeon synth, ces pionniers du black metal atmosphérique ne faisaient pas l'unanimité à l'époque, les copains blackeux les plus trve me disaient que les ambiances de Summoning et la démarche du groupe étaient fake. Bon, je m'en foutais un peu de ce que pouvait me dire un copain qui se met du verni noir sur les ongles et se teint les cheveux au henné alors qu'il a 18 ans et qu'il répète sans doute juste ce que lui a dit son grand-frère fan de Darkthrone. Néanmoins, en constante recherche d'identité à l'époque (j'ai toujours été en retard sur tout), cette notion de « poseur » m'interpellait. Oui, parce-que c'est bien de ça qu'il s'agissait à l'époque. Si t'écoutais Dimmu Borgir, Anorexia Nervosa, Samael et Summoning plutôt que Darkthrone, Emperor ou Mayhem, t'étais un poseur. Vu que j'écoutais un peu tout ça sans distinction je savais pas trop où me foutre mais bon...
Je suis parti un peu trop loin dans ma quête de légitimité, là. Pour en revenir à Stronghold, que dire de plus que ce que je pourrais dire pour tous les albums de Summoning : c'est parfait. Summoning n'a pour moi jamais fait aucune faute, même sur Lugburz, qui est beaucoup plus trve que le reste de sa discographie et qui tranche totalement avec le reste. Ceci dit Stronghold a aussi été l'album où les autrichiens de Summoning ont commencé à intégrer beaucoup plus d'éléments « metal » dans leur musique atmo' comparé à Minas Morgul ou Dol Guldur qui étaient très très très clavier mais néanmoins excellents. Allez, je vais me refaire toute la discog' aujourd'hui au taf, je me suis auto-triggé !
Immortal – At The Heart of Winter
On va pas se mentir, c'est le meilleur album d'Immortal. Fin de la discussion. A l'instar d'Anorexia, j'ai pas tout tout compris la première fois que j'ai écouté cet album. Tout me paraissait chelou. Le son, les riffs, le chant, j'étais totalement hors zone de confort. J'étais plus impressionné, je pense, qu'amoureux aux premières écoutes. C'est d'ailleurs un disque que j'ai mis au placard quelques temps, le temps pour moi de mûrir musicalement et de le comprendre.
Toujours est-il qu'aujourd'hui c'est mon album préféré d'Immortal. Je suis un inconditionnel de ces passages en montée où tu as toujours l'impression que l'Apocalypse va débouler sur toi tel un rouleau compresseur. Immortal te prévient toujours sur cet album : « attention, dans quelques mesures tu vas te faire bouffer, mon gars » et ouais, tu te fais bel et bien bouffer... Et puis un jour tu vois les clips, ton monde s'effondre, Satan se fait retourner, mais tu kiffes encore plus au final. Abbath c'est Abbath, il est indétrônable.
Dimmu Borgir – Spiritual Black Dimension
Bah oui forcément, qui dit Shagrath en couverture de ce fameux magazine, dit Dimmu Borgir. Cette année là sortait l'album que beaucoup avancent être le meilleur de Dimmu Borgir, Spiritual Black Dimension. Perso' j'y préfère Abrahadabra mais à l'époque j'avais pas matière de comparaison. C'est étonnamment l'album que j'avais trouvé le plus accessible et s'il paraît dans cette année 1999, c'est plus pour son aspect historique / nostalgique que pour le véritable amour que je lui porte. Il faisait parti de mon environnement musical mais je ne lui vouais pas un culte, surtout pour une raison principale, le chant clair qui apparaît parfois et qui est toujours présent d'ailleurs chez Dimmu Borgir. J'avais déjà naturellement une aversion pour le chant clair, et ça ne s'est pas arrangé avec le temps...
Graveworm - As the Angels Reach the Beauty
J'avais une propension au black sympho au départ de mon aventure métallique, je dois l'avouer, et ça commence à se voir avec ce quatrième album avec encore une fois du clavier dedans. Du coup Graveworm, je l'ai découvert ailleurs, pendant ma boulimie black metal. Vous connaissez tous ça, ce moment où la passion pour la musique a pris le pas sur tout le reste et que l'on cherche à s'abreuver en continu, trouver toujours plus de groupes qui nous mettront une claque. Sauf qu'en 1999 je n'avais pas l'internet. Il fallait trimer pour trouver des nouveaux trucs, soit piquer des skeuds à la fnac, soit par d'obscures chances tomber sur le métaleux qui a échangé le fameux CD avec le grand-frère du voisin qui lui l'avait récupéré de son cousin qui revenait d'Allemagne, bref, vous voyez le genre. Heureusement que j'ai commencé le metal de manière lymphatique à l'époque des CD, j'imagine même pas si je devais me retaper les copies de tapes, comme je faisais avec mon Eurodance dans mes early 90's. Par chance, et magouille, j'avais investi dans un graveur de CD-ROM, pour faire du piratage de jeux Playstation, donc j'avais moyen de repiquer les CD aussi, c'est ce que j'ai fait avec ce Graveworm dont la provenance m'est en vrai totalement oubliée. Bref je n'aurai pas du tout parlé du skeud en lui-même mais pour un vif résumé, black sympho bien équilibré entre brutalité et romantisme, marches oniriques au royaume de la mélancolie mais avec violence quand c'est nécessaire. Le parfait équilibre entre ardeur et volupté.
J'arrête là pour la partie black metal car le but de cet article n'est pas non plus de faire un top 100 de l'année 1999, néanmoins je me dois de citer deux autres albums qui m'avaient bien plu, mais dans une moindre mesure, soient Panzer Division Marduk, de Marduk donc et IX Equilibrium d'Emperor.
Devourment – Molesting The Decapitated
Comme vous l'aurez compris, le black metal a été pour moi la porte d'entrée dans la scène et a été un facilitateur pour un autre style que j'affectionne tout particulièrement : le brutal death. Pas le death metal, le brutal death, qu'on se mette bien d'accord. Le death classique c'est vraiment trop chiant et mou. Bref, pas sûr sûr que ce soit vraiment en 1999 que j'ai découvert Devourment parceque, de mémoire, c'est "Babykiller" le morceaux phare qui m'a fait rentrer dans le BDM, et que celui-ci n'est sorti que l'année d'après sur 1.3.8 et que l'ensemble de Molesting The Decapitated est sur 1.3.8. Mais dans l'idée puisqu'on est sur mon année 1999 et que j'ai écouté ces morceaux en boucle pendant dix ans, je me permets de le rajouter dans cette rétrospective.
Hate Eternal - Conquering the Throne
Autre pépite brutal death de 1999 qu''il m'arrive encore d'écouter assez souvent, ce Conquering the Throne d'Hate Eternal résonne encore dans ma tête comme ma première rencontre à la « prod ». Vous voyez ce que je veux dire ? Cette surcompression qu'on a absolument partout désormais. Elle n'en était qu'à ses balbutiements en 1999 mais on sentait déjà l'ombre du truc surproduit qui allait arriver. Tim « The Missile » Yeung fût le premier batteur qui m'a hypé, le premier batteur à qui je pouvais foutre un nom comme zicos d'un groupe, tellement sa consistance et sa violence de jeu m'avaient scotché. Je voulais être lui quoi.
On sort du brutal death avec quand même mention spéciale pour Chainsaw Dismemberment de Mortician (j'y préfère très largement Zombie Apocalypse) et Failure for Gods de Immolation, que je trouvais un peu trop « mou ».
Unexpect – Utopia
Vous commencez à piger, à l'époque, j'écoutais tous les styles sans distinction (comme maintenant en fait) et j'adorais les trucs chelou (comme maintenant en fait). Unexpect est totalement ce que je foutrais même encore aujourd'hui dans la case des trucs chelou, des groupes bordéliques, mais dont la cohérence reste toujours aussi délicieuse. Je préfère largement In a Flesh Aquarium, sorti beaucoup plus tard, album culminent dans la carrière des canadiens d'Unexpect, qui perd le côté un peu death melo de Utopia pour partir totalement dans le prog', mais avec excellence. Je n'écoute plus du tout Unexpect, et c'est vraiment dommage, car en réécoutant Utopia, je me rends bien compte que ce groupe mériterait tellement d'être beaucoup plus connu et de tourner beaucoup plus.
Fantômas - Fantômas
Si il y a bien un autre album chelou, dont je ne comprenais absolument rien à la démarche à l'époque, c'est bien l'album éponyme de Fantômas, le spin off de Mr Bungle de Mike Patton. J'ai bien entendu été triggé d'abord par la pochette, ne comprenant pas le lien entre metal et Louis de Funès, mais à l'écoute j'ai bien capté : c'est Fantômas. Il faut écouter l'album, il faut regarder les films et tu comprends direct le lien. Et c'est encore meilleur en live !!!
Finntroll - Midnattens widunder
Aujourd'hui on met Finntroll dans le genre « pouet-pouet » et à juste titre. Mais remettez-vous dans le ton de l'époque. Finntroll était un des premiers groupes à faire ce qu'on appelait avec les copains à l'époque le « Disney metal », faute d'un autre subgenre fourre-tout qui faisait autorité. Désormais on dit folk, et Finntroll n'est même plus le meilleur représentant du genre, mais en 1999 j'étais ultra fan et néanmoins mort de rire àchaque écoute. Il y avait pourtant un côté black metal qui rendait le truc « solide » mais les clavecins et trompettes ça casse tout le truc. Je peux plus du tout écouter tout ce qu'on fout dans la catégorie folk metal sans gerber, mais Finntroll et Equilibrium sont les derniers que je supporte et qu'il m'arrive, très rarement, de remettre. Par contre exit Ensiferum, Eluveitie, Korpiklaani ou encore Alestorm, c'est vraiment l'enfer.
Sopor Æternus and the Ensemble of Shadows - Dead Lover's Sarabande (Face One and Face Two)
Je vais finir cette année 1999 me concernant avec deux trucs qui vont radicalement trancher avec ce que j'ai présenté précédemment. En pleine recherche d'identité, en '99 je ne savais pas si je voulais être un métaleux ou un gothique (ceci est une boutade), du coup j'ai écumé les deux scènes. Dans les trucs chelou que j'ai trouvés en soirée goth y'avait Sopor Æternus, et encore aujourd'hui je peux vous dire que j'adore Sopor. C'est assez chelou à présenter, c'est un one-man band pas vraiment one-man band allemand, qui mélange de la dark wave et de la dark folk onirique de manière transsexuelle, en gros. C'est absolument merveilleux et j'invite n'importe qui d'un peu curieux à tenter l'expérience si ça n'a jamais été fait auparavant.
Cinema Strange - Falling... Caterwauling
Dans un autre délire de vieil ado dépressif, j'affectionne tout particulièrement une autre pépite en direct du M'era Luna : Cinema Strange et son death rock / gothic rock très singulier. Ce serait compliqué à présenter également, on transite entre un punk très théâtral et de la dark wave dramaturgique. Ce mini-album m'avait retourné le cerveau à la première écoute car je ne comprenais en fait pas du tout cette expérience musicale. Avec le recul, je trouve ça moins impressionnant, mais j'ai quand même toujours envie de me balancer de gauche à droite dans un coin des caves Saint-Sabin, les yeux vitreux, en intraveineuse de rhum ambré dégueulasse, à rouler des pelles à la première personne qui passe, homme, femme ou autre. C'était cool d'être jeune au début des années 2000.
Ici s'achève mon année 1999 plus ou moins cheatée, j'aurais pu foutre 500 albums de plus, mais il y a un moment il faut trancher. Gardez à l'esprit que 1999 c'est aussi l'année où Anaal Nathrakh et Dragonforce se sont formés, si ça c'est pas un gage de qualité !?!