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Album

23 décembre 2022 - ZSK

Remina

Strata

LabelAvantgarde Music
styleGothic doom astral
formatAlbum
paysAllemagne
sortienovembre 2022
La note de
ZSK
8.5/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

Certains ont pu être déçus de l’annonce, il y a quelques mois, du départ de la chanteuse Heike Langhans de Draconian, après dix ans de bons et loyaux services et seulement deux albums enregistrés avec les Suédois (Sovran (2015) et Under A Godless Veil (2020)), ce qui laisse peut-être un goût d’inachevé au passage. Si le retour de Lisa Johansson permet malgré tout de sécher quelques larmes, Heike Langhans ne va pas non plus quitter totalement la scène musicale, bien au contraire. La prometteuse - ou déjà confirmée ? - vocaliste du genre goth/doom a encore des projets sur lesquels s’exprimer, même si le fait qu’elle n’ait pas poursuivi l’aventure avec Ison passé l’envirant Inner - Space (2019) avait - là aussi - laissé un goût d’inachevé. On avait pu retrouver la belle sud-africaine en 2020 avec Light Field Reverie, accompagnée des musiciens de Sojourner, pour un somptueux Another World qui explorait les variations d’un gothic doom prenant des accents très futuristes. Un an seulement plus tard, on apprenait la création de Remina, un nouveau projet qui regroupe… les 2/3 du line-up de Light Field Reverie, à savoir Heike et Mike Lamb. Ces deux âmes liées annonceront la création de cette nouvelle entité qui devait se sortir des pressions et publier des morceaux quand ça lui chantait. Mais chassez le naturel… Après 3 singles publiés entre juillet et octobre 2021, Remina annoncera finalement la sortie d’un album complet pour 2022, toujours chez Avantgarde Music qui héberge déjà Light Field Reverie. Comme Michaël et Di Sab vous en parlaient dans Vivement Doomanche, le format album n’est donc décidément pas prêt de mourir malgré des volontés initiales de se sortir de ce schéma. Remina est donc parti pour une aventure discographique somme toute classique. Et en parlant de classicisme… les 3 premiers singles publiés par Remina semblaient tout de même se placer dans la stricte lignée de Light Field Reverie, faisant douter sur l’intérêt de créer un nouveau projet pour partir sur une musique similaire. Mais Strata est maintenant là et avec le recul nécessaire, on voit bien où Remina a voulu en venir et quelles sont ses différences d’avec Light Field Reverie.

Les bases sont donc là : un gothic doom - j’omets volontairement de rajouter « metal » derrière à ce stade - aux nappes de guitare en fond, avec pas mal de synthés et un enrobage très moderne - c’est sûr que l’on est pas vraiment dans un esprit gothic doom du début des années 90. Avec la voix de Heike et les instrumentations de Mike, on est donc peu ou prou dans la même formule que Light Field Reverie. Sauf que… Strata sera bien, bien plus atmosphérique, encore plus que Another World qui l’était déjà franchement, à sa manière. Et là aussi, nous aurons le droit à une ambiance futuriste, aux influences de science-fiction assumées - le duo citant comme références « Blame! » de Tsutomu Nihei, la série « The Expanse » et le « Sunshine » de Danny Boyle. Autant dire que Strata sera encore plus astral et cosmique que Another World ne l’était déjà. Et sachant que ce dernier était déjà magnifique, autant dire que le potentiel est là. Est-ce que Strata aurait quand même pu être le second album de Light Field Reverie, pas vraiment au final (surtout qu’il y a un musicien en moins ici), car Remina va vraiment développer une ambiance encore plus éthérée, avec des structures différentes, aux développements plus lents et languissants. On est d’ailleurs accueilli par ce qui étaient les trois premiers singles de Remina, et dans l’ordre de sortie : « Aeon Rains », « Obsidian » et « Dying Sun ». Le premier pose directement l’ambiance, met les différents éléments en place les uns après les autres, fait donc bien son office d’introductif et on se laisse déjà emporter, pour peu que ce type d’ambiances futuristes nous enivre d’habitude. Les guitares, bien que discrètes dans le mix, sont entraînantes (surtout quand les compos deviennent plus mélodiques), et les breaks cotonneux sont déjà remarquables. Le final dégage déjà même un certain côté épique. « Obsidian » lui est déjà particulièrement éthéré et stellaire, et se conclut par un final flamboyant qui constitue déjà un des moments forts de ce Strata qui s’annonce d’une beauté et d’une pureté imparables. « Dying Sun » épure encore plus le propos, on flotte vraiment dans le cosmos et la différence d’avec Light Field Reverie commence à prendre sens, malgré une seconde partie un peu plus dynamique mais toujours très lumineuse et langoureuse…

Et maintenant que l’on va découvrir les 4 morceaux originaux concoctés pour ce Strata, on va constater que Remina avait gardé le meilleur sous le coude, donnant corps à la sortie d’un album complet. « Icarus Signal » est donc le momentum de Strata, pile au milieu du voyage, avec une epicness stellaire à son paroxysme, portée par des synthés très inspirés. Et surtout, Heike Langhans livre ici une de ses meilleures performances vocales, avec des montées incroyables. On savait que la Sud-Africaine avait du potentiel depuis toutes ces années passées avec Draconian, et dans la lignée de sa partition sur l’excellent Under A Godless Veil (malgré l’avis du vil Varulven), c’est Strata qui semble bénéficier de la quintessence de ce qu’elle a produire vocalement jusqu’ici, et on l’avait déjà constaté plus tôt dans l’album avec notamment le final de « Obsidian ». « The Endless City » est l’autre piste vraiment marquante de Strata, la plus lourde, la plus « metal » finalement ; avec des synthés savoureux c’est elle qui marque aux premières écoutes et nous fait dire qu’après approfondissement, on tiendra un album tout bonnement grandiose. Et Heike assure encore, avec des passages plutôt impressionnants et vraiment émotionnels, malgré le côté volontairement froid des influences de science-fiction. Qui sont évidentes sur « Ilos » (vous aurez ici reconnu la référence à « The Expanse »), morceau plus électronique qui est le moment le plus futuriste de l’album, et réserve encore quelques moments de grâce, grâce à Heike - toujours. On flotte donc encore dans le cosmos, et bien plus encore à l’écoute du final de l’album qu’est « Back in Time », pour le coup particulièrement ambiant et qui pousse donc à son extremum les velléités atmosphériques et astrales de Remina. Et si l’on apprécie la voix de Heike Langhans, c’est une dernière fois du pain béni. Autant dire que si ça n’est pas le cas et qu’en sus, le côté futuriste et SF ce n’est pas votre truc, vous passerez totalement à côté de Strata, mais ça serait justifié tant le mood est ici particulier et nécessite de rentrer dans le trip. Strata est donc à prendre ou à laisser, et dans le premier cas on voudrait presque que ce voyage interstellaire dure une éternité, tant il paraît se finir de façon abrupte après 43 minutes et malgré la conclusion cohérente sur « Back in Time ». Certes, pas de réelle surprise si on avait déjà poncé les premiers Ison et l’album de Light Field Reverie, mais Remina est une nouvelle variation de l’univers concocté par Mike Lamb et Heike Langhans, qui sont ici proches du sommet de leur art et le résultat est génial. Après Another World, Strata explore encore d’autres mondes, et c’est un magnifique voyage cosmique, tout simplement.

 

Tracklist de Strata :

1. Aeon Rains (6:21)
2. Obsidian (6:22)
3. Dying Sun (6:28)
4. Icarus Signal (5:33)
5. The Endless City (7:03)
6. Ilos (4:09)
7. Back in Time (7:02)