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Raton et la bagarre #18

lundi 28 novembre 2022
Raton

Amateur de post-musique, de breakdowns et de gelée de groseilles.

Il aura fallu 18 numéros pour que je manque pour la première fois le rendez-vous bimestriel de la Bagarre. Remerciez l'état du marché immobilier parisien pour ce retard d'un mois. Mais maintenant que les cartons sont vidés, cet épisode peut enfin couvrir les mois d'août, septembre et octobre. Ce qui n'a pas facilité la tâche, c'est que les groupes semblent s'être passé le mot pour être plus productifs que jamais. C'est une petite trentaine d'albums que j'ai dû passer au crible pour cet épisode. En ressort une sélection très étatsuno-centrée, mais tout en gardant la diversité stylistique habituelle, du beatdown au screamo. Merci en tout cas d'être toujours au rendez-vous, votre soutien est inestimable.

Ma boîte mail (sur mon profil) et mes réseaux sont toujours ouverts si vous voulez m'envoyer vos retours ou vos projets hardcore et affiliés, j'essaie en général de répondre à tous les messages.

 

Inclination – Unaltered Perspective
Metalcore – USA (Pure Noise)

C'était probablement la sortie straight edge la plus attendue de l'année. Après deux EPs instantanément cultes dans la scène, mais qui manquaient pour moi de ce petit quelque chose qui permet à un disque d'être mémorable, les Américains (aussi membres de Knocked Loose, Expire ou Harm's Way) sortent leur premier long format après un faux départ plus tôt dans l'année dû au leak du disque.

Dès le premier et excellent morceau « Epidemic », féroce et brutal avec une solide variété de plans inspirés, on voit que la recette qui leur a permis d'accéder au succès d'estime qu'on leur connaît a été polie, affinée. La sauvagerie des titres demeure mais avec plus de variations, un chant encore mieux maîtrisé de la part de Tyler Short et des breaks divers et terriblement parlants (à l'instar du « My heart breaks » sur « Predetermined »). Tout est plus fin, plus habile que sur les EPs et c'est la première fois que j'ai véritablement l'impression qu'Inclination est plus qu'un side project sérieux de vétérans de la scène.

Autre preuve de l'ambition de ce premier LP : les invités. Inclination a mis les petits plats dans les grands en demandant à Russell de Magnitude et Ryan de One Step Closer de venir sur « A Decision » mais surtout au légendaire Tom Sheehan d'Indecision et Most Precious Blood de chanter sur « Epidemic ». Que des chanteurs vivant sous le signe du X avec des voix aisément reconnaissables qui apportent une plus-value aux morceaux. En définitive, un album extrêmement réussi qui rappelle les meilleures heures du metalcore straight edge tout en sachant s'ancrer dans la modernité.

 

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City of Caterpillar – Mystic Sisters
Post-hardcore / Post-rock – USA (Relapse)

Le COVID a l'air d'avoir remué les vieilles légendes du hardcore. Après 18 ans, Gospel a sorti son deuxième album avec un succès décrypté dans l'avant dernière bagarre ; Botch vient de sortir un premier single en plus de 15 ans et City of Caterpillar a annoncé il y a quelques mois son retour en grandes pompes, 20 ans après son unique chef d'oeuvre. Il y avait bien eu cet EP en 2017, mais il ne contenait qu'un réenregistrement d'un vieux morceau et une chute studio du premier album.

Je le disais pour Gospel et c'est toujours valable, on sait que l'exercice du comeback pour des styles aussi définis par l'énergie juvénile est extrêmement casse-gueule. Pourtant, City of Caterpillar réussit le pari avec une grande élégance. Le ton est différent, le screamo pur et dur disparaît pour laisser davantage de place au post-hardcore avec la même charge anxiogène et inquiétante. Pour autant, les accents emo sont toujours clairs, mais le groupe de Richmond préfère le noyer dans une saturation bien dosée. Le chant de Brandon Evans n'est plus hurlé mais asséné avec une élocution distordue et maniérée qui m'a parfois rappelé le style des Blood Brothers en moins exubérant.

Ce qui faisait le sel du premier opus était le talent pour les crescendos habités. Pour moi, c'était la première fois que je voyais un groupe de hardcore émotif réussir aussi bien que les post-rockeurs des montées et descentes immersives et évocatrices. C'est toujours le cas sur Mystic Sisters, particulièrement sur le titre éponyme, « Manchester » ou « Voiceless Prophets ». L'ambiance est funeste, mais plus extériorisée que ce à quoi le screamo nous habitue, et nourrit à la menace du post-rock. Tel un nuage sombre et inquiétant, ce second disque s'étire avec variété, intelligence et dissonance.

Bien que Mystic Sisters n'atteigne jamais l'ampleur et la force du premier album, ce qui est compréhensible quand on voit à quel point ce dernier a été précurseur, il permet une continuité subtile et mature, 20 ans plus tard.

 

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Callous Daoboys – Celebrity Therapist
Mathcore – USA (MNRK Heavy)

Essayez de vous faire une représentation mentale de la musique la plus chaotique et énervante que le hardcore ait à offrir et vous ne tomberez jamais très loin de Callous Daoboys.

Avec leur premier album, Die on Mars, en 2019, les Géorgiens avaient prouvé qu'il était encore possible de faire vivre les sonorités et l'esprit du mathcore MySpace à notre époque. Blagueur, ironique, hyperactif et ultra frontal, il s'agit probablement de la branche la plus outrancièrement arrogante du style. Pourtant, il serait d'une incroyable mauvaise foi (pas mon genre) de prétendre que les Callous Daoboys ne sont pas extrêmement aboutis dans leur art. Ils ont tout compris et s'amuse d'en faire (beaucoup) trop.

Avec Celebrity Therapist, la recette est encore affinée avec un mathcore toujours propice au mal de crâne mais qui parvient encore moins à rester en place. Groove old school à la The Chariot, envolées hystériques blindées de larsens (vous vous rappelez du trop boudé premier album de Daughters ?), breakdowns syncopés terrifiants et passages post-hardcore en chant clair ; le tout parfois dans le même morceau (« A Brief Article Regarding Time Loops »).

Surtout, avec cet album les Américains tombent moins dans la blague que sur le premier opus et commencent à citer plus ouvertement des références avant-gardistes / expérimentales comme Mr. Bungle pour la pluralité chaotique ou Shining (blackjazz) pour la déconstruction. Pour autant, leurs racines ne sont pas oubliées, comme le prouve le très-BMTH « Title Track ».

Rajoutez par-dessus tout ça un violon électrique, un synthé et des cuivres occasionnels et vous avez une mixture extrêmement énervante mais qui par un miracle curieux a su séduire beaucoup de fans aux oreilles aventureuses et aux troubles de l'attention sévères. Pour ma part, je passe une nouvelle fois à côté, sans regret et convaincu que cet album de petits prodiges à qui on donne trop de temps de récré saura trouver son public.

 

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Mindforce – New Lords
New York crossover – USA (Triple B)

C'est l'album hardcore du mois de septembre. Pas besoin de maintenir un suspens de principe, New Lords est tout ce que Mindforce promettait et était en droit de donner. La fine rencontre entre le New York hardcore crapuleux et le thrash crossover incisif. Excalibur, son prédécesseur, était déjà un petit bijou d'efficacité et de fraîcheur avec des riffs instantanément reconnaissables et des mosh parts sauvages. New Lords vient pousser les potards du tranchant et du métallique encore plus loin.

C'est aussi un disque plus instantané, avec 17 minutes au compteur et seulement deux morceaux dépassant les 2 minutes là où Excalibur en avait six et s'étalait sur 23 minutes. Pourtant, malgré sa courte durée, il contient tous les ingrédients nécessaires à son succès. L'enchaînement « Words Fail » / « All Facts » le prouve d'entrée de jeu avec un riff cinglant déjà culte et un break goulu soutenu par une basse dodue. Les natifs de Poughkeepsie ont manifestement autant travaillé la composition que la production, en assumant notamment des sonorités plus métalliques, comme sur « Thirteen and Mean » ou « When Instant Karma Lasts ». Ce dernier pourrait d'ailleurs concourir au break de l'année, même si la compétition est serrée avec le démentiel final qu'est « Rotten ».

 

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Piri Reis – Ritma
Emoviolence – Malaisie (Zegema Beach)

On le sait bien, dans les musiques extrêmes les groupes qui proviennent de pays « rares » bénéficient souvent d'une essentialition de leur nationalité en dépit de la qualité potentielle du projet. On parle de « ce groupe de Mongolie » ou de « ce projet de black metal ougandais » comme d'une anecdote plutôt que du contenu du disque. Jouer cette carte pour les Malaisien.ne.s de Piri Reis serait indigne tant la scène malaisienne est riche et ancienne et tant l'album parvient à se hisser sans peine dans le top emoviolence de l'année.

Premier album après de nombreux splits, Ritma convoque tout le meilleur du style avec un chant féminin déchirant et des compos époustouflantes de rage. On pense rapidement aux références centrales de Lord Snow, Nuvolascura ou Drei Affen, mais Piri Reis sait créer sa propre recette avec un équilibre sidérant entre les mélodies hantées, les explosions chaotiques, les hurlements poignants et les arpèges émotifs. Sur un titre comme « Heimlich Manoeuver Tiger Suplex », j'ai honnêtement l'impression d'écouter un groupe déjà au sommet de son art. Même la production lo-fi est intelligente et conserve la lisibilité de chaque instrument. Au-delà de la virtuosité des deux guitares, c'est le chant d'Amira qui bluffe par l'impressionnante diversité de sa palette. Elle ne manque pas la moindre note, ni le moindre souffle et permet à l'album de vibrer d'une intensité rare.

 

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Regulate – Regulate
New York hardcore – USA (Flatspot)

S'il y a un groupe que je ne voyais pas succomber aux sirènes de la Turnstilisation, c'est bien Regulate (en vrai j'abuse, y aurait plein d'autres groupes plus surprenants, genre Sunami). Les New-Yorkais évoluaient depuis des années dans la scène LIHC (Long Island Hardcore) avec un style de New York beatdown particulièrement vif et jamais trop loin de leurs copains de Hangman ou Pain of Truth. Pourtant, Regulate opère un virage radical vers une recette plus accessible, aux riffs entraînants et aux angles alternatifs.

Je parle de Turnstilisation car Turnstile est le groupe qui a rencontré le plus large succès en s'appuyant sur la recette du hardcore alternatif, mais Regulate est bien évidemment tout sauf un copy-cat des golden boys de Baltimore. On sent toutefois la houlette de Glow On ou Time & Space sur de nombreux titres : « You and I », « Why Can't We? » et « In This Life and the Next » ou sur « Hair » qui est le « Blue by You » du disque. Mais là où l'exercice a souri à Turnstile, Regulate n'esquive pas tous les obstacles.

Si le groupe est toujours impeccable sur les parties énervées (impossible de ne pas citer le hook surpuissant de « Work »), le passage au chant clair ne fonctionne pas aussi bien que prévu ou du moins tranche trop avec le registre habituel, comme sur « Hair », plus long morceau et curieusement placé en première moitié de disque. Le morceau sur lequel l'adjonction fonctionne le mieux reste l'introductif « In the Moment ». 

Ce choix artistique donne à l'album une construction bizarre, hétérogène. Pour autant, on sent chez Regulate un attrait pour la composition qui reste rare dans la scène. Le groupe prend des risques qui ne prennent pas toujours (le curieux mais pas raté interlude « Ugata ») mais les morceaux des New-Yorkais sont chiadés et répondent à des codes plus exigeants que du hardcore seul.

Quant aux paroles, elles traitent principalement de sujets politiques bien amenés : « Work » sur l'exploitation de la force de travail, « The Crime » et « C.O.P » sur les abus racistes et l'arrogance du système policier ou « Why Can't We? » sur les injonctions sociales malsaines. On peut aussi noter une approche intéressante du marronnier NYHC sur « New York Hates You » qui condamne la gentrification de la ville et la disparition de l'esprit et de la culture de certains quartiers (le groupe vient principalement de Long Island).

En somme, l'album manque probablement une partie de ses objectifs mais regorge de plans forts, de riffs tranchants et de refrains réussis. Il faut aussi souligner la performance vocale de Sebastian Paba qui impressionne par la clarté de sa diction et la rapidité de son débit. Pour toutes ces raisons, on aurait tort de voir ce disque comme une tentative opportuniste de capitaliser sur le succès d'un autre groupe. Regulate a produit un album qui reste personnel, loin d'être dénué d'intérêt et qui prouve leur pertinence dans la scène.

 

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The Devil Wears Prada – Color Decay
Post-hardcore / Metalcore – USA (Solid State)

TDWP a toujours eu une place à part dans la scène qui l'a vu naître et qu'on nomme assez sobrement "scene-core" (du moins outre-Atlantique, la France s'obstinant encore largement à se contenter du générique « metalcore »). Alors qu'il a adopté les codes du style (couleurs criardes, mèches et attitude ironique adolescente) dès sa création en 2005, avec en plus une imagerie chrétienne, le groupe a su se réinventer et gagner en maturité avec le temps. C'est aussi un des rares groupes (avec BMTH) à avoir été accepté malgré le dédain systématique du style. Leur EP Zombie est à ce titre considéré comme une des sorties les plus solides du metalcore mélodique « scene ».

Si leur orientation vers le metal alternatif peine à me convaincre, je vous faisais un portrait dithyrambique de leur EP 100% metalcore Zombie II, sorti mi-2021. Mais inévitablement, les Ohioains reprennent sur LP leur recette d'un metalcore ultra-accessible nourri au chant clair, aux plans post-hardcore et aux mélodies alternatives. Je dois avouer avoir dû repasser beaucoup de fois l'album pour savoir si j'adhérais à sa formule ou pas. J'aime le style vocal saturé de Mike Hranica et dois avouer que son chant clair est bien plus juste et efficace que 90% des groupes du style, mais je dois aussi me rendre à l'évidence que ça dégouline beaucoup trop de mélodies alternatives surproduites pour moi (le riff de « Salt » par exemple).

L'alternance entre metalcore frontal et refrains post-hardcore charts-friendly reste trop artificiel à mon goût comme sur « Exhibition » qui comporte pourtant des bons couplets et un excellent break groovy. Pareil sur « Watchtower » et « Sacrifice », singles évidents d'efficacité avec d'autres breaks bien tranchants. Mais sur près de trois quarts d'heure, cet enchaînement permanent devient vite épuisant et nuit autant à la lisibilité du mélodique qu'à la portée de l'agressif. N'en demeure pas moins un album extrêmement dense, très souvent pertinent et réfléchi dans chaque recoin (comme le très La Dispute « Twenty-Five »).

 

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Life's Question – World Full of...
Metalcore – USA (Triple B)

La dernière vraie sortie des plus new-yorkais des Chicagoans remonte déjà à 2019 mais je vous parlais de l'EP augmenté d'un titre dans la Bagarre #8. Cet EP A Tale of Sudden Love and Unforgettable Heartbreak était devenu quasi instantanément un classique pour qui aime mettre des moulinets façon new youth crew tout en multipliant les hommages à Leeway ou Crown of Thornz.

Mais ce qui fait la particularité de Life's Question est qu'en plus de la rencontre, somme toute habituelle, entre le metalcore new-yorkais et le thrash crossover, le groupe amène une certaine sensibilité avec des petites mélodies glissées ici et là, des lignes vocales féminines ou des solos heavy. Ces éléments n'enlèvent rien à l'efficacité sourde du projet, mais permettent d'aérer un propos souvent accaparé par des groupes dans la surenchère permanente de crapulerie. Sur « For You » par exemple, le legato heavy cède sa place à une reprise plus lente du riff initial, permettant d'intéressantes respirations.

Toutefois, à l'écoute de ce World Full of..., j'ai une impression persistante d'album sorti trop tôt. Les titres sont la plupart du temps trop longs (« Prayer for My Old Man », « To You »), et plein de passages auraient pu être écrémés (comme sur l'interminable morceau titre), ce qui participe à casser l'instantanéité inhérente au style. Le réenregistrement de « Broke » est un autre exemple parlant : on perd une bonne partie de l'incisivité primaire de l'EP, surtout sur le break final. Le chant de Josh Haynes en devenant légèrement plus guttural perd une partie de la force de ses anciennes sonorités, plus nasales. Ça n'en reste pas moins un bon disque mais sur lequel on revient peu et qui ne confirme pas pleinement le potentiel annoncé par les EPs.

 

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Gillian Carter – Salvation Through Misery
Screamo / Emoviolence – USA (Skelethal Lightning)

Gillian Carter semble avoir suivi le chemin inverse des groupes du genre. Plutôt que de commencer dans le screamo revêche et d'adoucir le son en diluant avec du post-rock au fur et à mesure, les Floridiens durcissent le ton et révèlent leur album le plus agressif à ce jour, après plus de 15 ans d'existence.

Alors qu'on est accueilli par les crachotis et les piaillements stridents des guitares sur « Life Is Hell, Life Is Fucked », on comprend les intentions nihilistes et saturées du groupe dès le deuxième morceau, « Drowning in Poison ». Le son est compressé, chaud et sec, un magma auditif angoissant qui refuse les pauses, jusqu'à « Borrowed Time » qui réintroduit les scintillement post-rock. Après que l'interlude « Serene Landscapes of a Violent Utopia » a confirmé l'accalmie, on retrouve le martèlement sourd de la batterie, en retrait dans le mix, noyé comme le chant sous les étincelles saturées des guitares.

La proposition varie peu, le groupe préfère privilégier l'affront massif et constant ponctué de rares phases aériennes, comme celle avec de l'harmonica sur « Living in Isolation ». Les fans de Loma Prieta auront clairement de quoi être aux anges et les novices au style pourront y trouver une intéressante immersion.

 

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Sector – The Chicago Sector
Beatdown metalcore – USA (DAZE)

Début 2020, Sector sortait son premier EP, véritable ode à la finesse, The Virus of Hate Infects the Ignorant Mind. Cette grosse foire au pied-bouche avait le grand mérite d'assortir son « toughcore » et ses 2-step frénétiques de sonorités death metal pour un effet grand banditisme du meilleur effet.

Si ce premier long format abandonne la majorité du death (dommage), on reste sur du metalcore beatdown balourd à la NEG ou Out for Justice. On ressent toujours l'amour des musiciens pour le metal extrême, notamment sur « Incinerate », parfait en beatdown old school et facilement imaginable en hymne de la bagarre à Chicago. Entre le sample distordu de Graham Nash en intro ou ceux de musiques latino-américaines, les paroles clichés (« Got no time for people who don’t give a fuck / Keep playing the fool til you’re shit outta luck ») et les breaks de bandidos (« Boiling Red »), on sent que le projet ne se prend pas 100% au sérieux, sans pour autant tomber dans la farce à la Sunami.

The Chicago Sector est un album de solide facture dans son genre mais manque tout de même de titres forts qui différencieraient Sector des groupes de beatdown metalcore de seconde division.

 

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Darko – Oni
Deathcore – USA (auto-prod)

Je partais la fleur au fusil pour cet album, porté par les souvenirs sympathiques que je gardais du premier opus, sorti l'année dernière par le projet formé par Tom Barber (actuel chanteur de Chelsea Grin et ex-Lorna Shore) et Josh Miller (ex-Emmure et Spite). Manque de pot, Oni est un exemple abrutissant de ce que la nouvelle vague de nu-deathcore peut produire de plus fade. C'est bien simple, l'album accumule tous les clichés possibles du style. Rien que d'écrire sur cet album me fatigue donc je vais me contenter d'une liste des lieux communs qu'il enchaîne :

  • Deathcore ultra syncopé ;
  • Chant qui oscille entre gros chien qui aboie et petit chien qui aboie ;
  • Guitare dont on ne sait même pas si c'est un instrument à cordes ou une percussion ;
  • Riffs djent omniprésents ;
  • Passages chaotiques version Vein-light ;
  • Breakdowns brutaux mais sans saveurs ;
  • Sous accordage éhonté ;
  • Un peu de chant clair pour le principe ;
  • Vagues inspirations nu-metal.

Les passages chaotiques semblent composés pour plaire aux fans de Code Orange et Vein.fm, les segments nu-metal pour celles et ceux d'Alpha Wolf et Varials et les éléments symphocheap (« Sand Script ») en écho au succès subit de Lorna Shore. Ajoutez à cela une durée indécente (15 titres pour 45 min) et vous comprendrez donc que je n'y trouve que peu d'intérêt ni d'inspiration.

 

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Alpha Wolf x Holding Absence – The Lost & The Longing
Metalcore / Post-hardcore – Australie / Royaume-Uni (SharpTone)

Dans le registre du metalcore à gros biscotos et stickers de flammes sur les bas de caisses, Alpha Wolf se débrouille bien. Leur album A Quiet Place to Die portait haut l'agressive bannière d'un metalcore pas finaud qui se rappelle l'époque nu-metal. Aussi, c'est une surprise que de les voir sortir un split EP avec Holding Absence, les enfants chéris du rock alternatif ultra emo.

D'un côté les Australiens fans de riffs sous-accordés et bas du front, et de l'autre les Gallois plus raffinés et habitués au post-hardcore propret et mélodique. Pour éviter une trop grande hétérogénéité entre les deux propositions, les groupes se sont mutuellement invités sur un titre de chaque face. Mais même avec deux titres collaboratifs et un titre chacun, les univers musicaux peinent à cohabiter. Le passage entre le brutal et efficace « Hotel Underground » au gentillet « Aching Longing » porté par une voix claire est un sacré grand écart.

Deux genres de kitsch, un qui fonctionne bien (Alpha Wolf) et un autre insupportablement doucereux (Holding Absence) pour un EP qui finit surtout par ressembler à une compilation d'ado en 2011.

 

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Lorna Shore – Pain Remains
Deathcore absolu – USA (Century Media)

Le Lorna Shore nouveau confirme ce que le groupe promettait : un deathcore aux confins du possible, too-much pour beaucoup mais indéniablement bien fait. Michaël revenait dessus en détail dans le premier épisode de son nouveau format vidéo :

 

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Brutus – Unison Life
Post-hardcore – Belgique (Sargent House / Hassle)

Pour le retour providentiel des Belges de Brutus, c'est Dolorès qui s'est occupé de la chronique et je n'aurais pas pu faire mieux.

 

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Norma Jean – Deathrattle Sing for Me
Metalcore alternatif – USA (Solid State)

J'avoue sans ambages être très client de ce que produit Norma Jean et surtout de leur précédent effort, All Hail. Je me suis donc penché dans une chronique plus longue sur ce qui faisait du nouvel album une solide proposition, encore au-dessus de la majorité du style.

 

Sur trois mois de sorties, vous vous doutez bien que tout n'est pas évoquable en détail. Voici donc d'autres recommandations et courtes analyses : 

  • Vous vous doutez bien que l'on n'a pas oublié Birds in Row et que le fantastique Gris Klein mérite sa chronique de plein droit. Restez à l'affût.

  • Je ne loupe aucune sortie de Path of Resurgence pour vous en faire la promotion. Le fantastique groupe de metalcore suisse vient de sortir un split avec les vegans suédois de Times of Desperation (dont je vous faisais l'éloge ici). Les deux parties sont excellentes (même si j'ai une petite préférence pour celle des Suisses) et continue de porter haut l'étendard des sonorités edge metal.

  • Pas grand chose à ajouter à propos du dernier Counterparts, dans la continuité de Nothing Left to Love avec le talent qu'on leur connaît mais sans véritablement apporter quoique ce soit de neuf.

  • Projet à suivre du côté de Dijon : The Great Montana Collapse réunit dans un premier EP des influences diverses de façon puissante et cohérente. Clairement ancré dans les territoires post-, on perçoit nettement des touches hardcore (« The Mountain »), grunge (« Two Kids ») et une influence à la The Ocean dans les voix claires.

  • Les Strasbourgeois de Jeanne reviennent soudainement avec un nouvel EP, cinq ans après le précédent. En revanche, toujours le même talent pour un screamo amer et strident, représentatif de la brillante école française, en plus coléreux tout de même.

  • Le retour des deux groupes était très attendu, les revoilà avec un split. END avec son metalcore claustrophobique et poisseux mené par des stars de la scène (Brendan de Counterparts, Will de Fit for an Autopsy et des ex-Shai Hulud, TDEP et Reign Supreme) explose tout avec deux titres sidérants de puissance. Leur deuxième titre fait même intervenir Manuel Gagneux, cerveau derrière Zeal & Ardor. Côté Cult Leader, la suite spirituelle de Gaza, le son semble plus punk que jamais en tout en conservant texture et dissonance habituelles. « Ataraxis » marque peu, mais « Long Shadows » est une proposition éruptive radicale qui fait espérer de très belles choses pour l'album à venir.

  • Escuela Grind fait partie des meilleurs groupes de grindcore actuels et le prouve avec force avec leur deuxième albumMemory Theater. La voix de Katerina Economou a encore gagné en assurance et en puissance et le disque est un concentré d'efficacité porté par une instrumentation virtuose et des sections plus lentes au groove indéniable.

  • Deux ans après The Path, les Texans de Fit for a King poussent la même recette sur The Hell We Create en décuplant la place du chant clair et des thèmes chrétiens. À l'exception de « Reaper », les sonorités alternatives sont bien plus présentes et donnent à l'album cette sensation d'être un pastiche - certes bien fait - de tout ce que le metalcore mélodique a produit dans les 15 dernières années. Ryan Kirby a beau être un excellent chanteur, il ne sauve pas l'album des écueils du mièvre. Dommage car les parties metalcore sont toujours bien senties.

  • Après l'excellent deuxième EP de World of Pleasure, Jess Nyx revient cette fois avec Mortality Rate pour un EP deux titres. Le metalcore incendiaire et dissonant de « Rosemary » et « Salt Water » fait saliver à l'idée du très attendu successeur de You Were the Gasoline.

  • Chez DAZE, Suntouch House a sorti un premier EP dans un style hardcore angoissant et dissonant sans la moindre pause, tout en rappelant la lourdeur du metalcore 90s (Indecision, Unbroken, Deadguy). Ça se cherche encore un peu, mais ça peut en intéresser certain.e.s.

  • Dans un split deux titres 100% canadien, Serration ressert une louche de leur excellent metalcore dissonant servi par la batterie prodige de Colter. Sur l'autre face, A Mourning Star développe son metalcore mélodique gavé au mélodeath. Les fans de Undying ou plus récemment Dying Wish et Flames of Betrayal seront aux anges. A Mourning Star a d'ailleurs sorti un nouveau single deux mois après le split et continue à raviver le son d'une époque révolue avec cette fois une production étouffée et un break bien stupide. 

  • A celles et ceux qui portent fièrement le X sur les mains, le groupe brésilien Clava vient de sortir un premier maxi. Du metalcore straight edge anti-impérialiste pour fans de Earth Crisis, Morning Again ou Magnitude. Passage obligé : l'hommage à Point of No Return avec la cover de « Pedra ».

  • Amusant, les hyperactifs Californiens de Osees (ex-Thee Oh Sees), surtout connu pour leurs voyages sonores entre rock psychédélique, rock garage et krautrock, viennent de sortir un album 100% punk. Même si le punk garage a toujours fait partie de leurs copieuses recettes, c'est la première fois qu'ils vont aussi loin dans la démarche, avec plein de touches hardcore old school et de touka touka. Une écoute ludique et réjouissante avec même une reprise de Rudimentary Peni.

  • Les Américains de Boundaries s'éloignent de la sur-violence de Your Receding Warmth et surprennent par la solidité de leur deuxième album, Burying Brightness. Malgré une durée peu digeste, le disque parvient à faire le pont entre le metalcore tough et le metalcore mélodique et ses riffs mélodeath, le tout avec intelligence et finesse d'exécution. Le single « Heaven's Broken Heart » a de quoi rester dans les têtes un bon moment.

  • Du nouveau dans Varials avec le départ du chanteur Travis Tabron, remplacé derrière le micro par le guitariste Mitchell Rogers. Ça ne viendra pas sauver le nouvel album Scars for You to Remember de l'accumulation de poncifs du nu-metalcore scrontch scrontch urbain.