Throne Fest 2022 : Jour 2
Kubox - Courtrai
Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.
Pour (re)découvrir le premier jour du Throne Fest, c'est ici.
Deuxième jour d’un festival qui s’annonce déjà comme une épreuve d’endurance, et encore une fois nous ratons le premier groupe, Abduction. On blâmera une route pénible entre notre base-arrière francophone et le festival flamand, mais aussi le pacte que nous avons fait entre nous de ne plus mettre le moindre kopeck dans la “nourriture” que propose le festival. Parce que les mauvaises frites ou les croquettes de fromage homéopathiques vendues aussi au prix habituel en festival pour un excellent burger, vegan ou pas, c’est tout simplement non. La Belgique a vraiment un retard impressionnant sur ses voisins concernant l’aspect nutritif en milieu festif. Du coup, comme les gens fort bien organisés que nous sommes, nous avions optés pour des sandwiches, et le temps de les manger sur le parking, c'était déjà le tour d’Odium Humani Generis.
Odium Humani Generis
Matthias : Groupe polonais inconnu au bataillon, Odium Humani Generis remplace en fait au pied levé Shrine of Insanabilis, dont l’un des membres a été testé positif au connard de virus, comme disait l’autre. À littéralement trois jours de la prestation ce n’est vraiment pas de chance, et on était surpris qu’un remplacement ait pu être mis sur pied. Pourtant OHG ne semble pas abriter de membres des autres groupes polonais venus occuper la scène ce jour-là, alors qu'on aurait pu croire la formation arrivée via le train de bagages. En tout cas, ayant un peu par hasard pris le temps d’écouter leur premier album, Przeddzień, sorti en 2020, j’étais plutôt curieux de l’expérience du live. Et j’ai bien fait de me presser jusqu’aux premiers rangs, car ces Polonais inconnus dépottent ! Après une seule écoute, difficile pour moi d’identifier (ou même d'épeler…) les morceaux, mais les deux guitaristes sont à fond dedans et enchaînent les diatribes d’un Black Metal qui se passe très bien de fioritures ou de mise en scène, pour un résultat véritablement passionné, et qui a fait surtout preuve d'une maîtrise totale de l’alternance entre passages puissants et moments de calme, ceux-ci virant presque au contemplatif, tendance malaise urbain. Tout le monde y a trouvé les influences qui lui semblaient les plus évidentes, mais à titre personnel je trouve que OHG a surtout la particularité de se détacher des deux grandes influences du Black polonais moderne - Mgla d’un côté et Furia de l’autre en schématisant beaucoup - pour tracer sa propre voie. Et je ne peux que souhaiter le meilleur à ce groupe très prometteur.
[Je découvre après avoir écrit ces lignes que Odium Humani Generi a perdu le 10 mai dernier un de ses guitaristes, Adam Wołosz, âgé de seulement 23 ans. Toutes nos condoléances aux membres du groupe.]
In Twilight’s Embrace
Malice : J'ai découvert In Twilight's Embrace en amont du festival, je ne vais pas vous le cacher. Et je me réjouissais de découvrir en live quelques extraits, notamment, de l'incroyable Vanitas (2017), clairement l'album des Polonais qui m'a fait le plus d'effet. Oui mais voilà, ITE vient de sortir un album, Lifeblood. Et celui-ci, je n'ai pas encore bien pris le temps de l'apprivoiser. Après une écoute, il m'a paru plus difficile à appréhender, tout en étant plus moderne et peut-être potentiellement meilleur. La cavalcade incroyable de « The Death Drive » lance en tout cas au mieux le concert. Cyprian Lakomy est un frontman extraordinaire, habité, et il portera vraiment la prestation du groupe. Bémol : ITE ne jouera...QUE Lifeblood, dans sa quasi-intégralité. Pas de « Fan the Flame » ou « Flesh Falls, No Ghost Lifts », par exemple, ou encore aucun extrait du précédent album Lawa (2018) qui avait vu le groupe chanter en polonais pour la première fois de sa carrière. Une vraie déception pour moi qui m'était un peu échiné à découvrir plusieurs albums, avec plaisir tant In Twilight's Embrace est un excellent groupe. Le très tubesque « Sedation to Sedition » (on sent, dans le talent du groupe pour le refrain catchy, son passé mélodeath/metalcore) et le « Te Deum » final chaufferont bien le public, avec un Cyprian face aux barrières. Là encore, dans un style très peu « black » au final, mais rafraîchissant dans une scène un peu monotone parfois. À revoir avec une meilleure setlist...
Matthias : On ne va pas se mentir, trois jours de festival c’est quand même éprouvant, en particulier entre cette foule avinée, ces odeurs de graillon, et cette balance sonore qui joue au yo-yo. On finit donc, plus ou moins consciemment, par s’attarder sur le parking à discuter et à enchaîner des bières dénichées un peu plus loin. Oui, car autant la Omer au fût pour deux jetons, donc 4€, c’est honnête, autant la mauvaise pils servie plate, j’ai passé l’âge. La flemme s'installant et cédant même le pas à la sieste pour certains, on se retrouve à manquer Thornspawn et Doedsvangr. Et même la majeure partie du set de Regarde les Hommes Tomber, ce qui est un peu plus dommage. Bon, en tant que francophones, nous avons déjà tous vu à maintes reprises le groupe de Post-Black nantais, et on savait à quoi s'attendre. Pour ma part, je suis quand même agréablement surpris par l’affluence car, même si les Français sont assez nombreux dans la salle, je n’étais pas certain qu’un groupe de ce genre séduirait le public néerlandophone. Pour le reste, la prestation m’a semblée très correcte, le chanteur T.C. se permettant un véritable jeu de scène, chose assez rare sur cette affiche comme on a déjà pu le faire remarquer. Pour ce que j’en ai vu et entendu, j’aurai juste à déplorer certains échos qui n’ont pas rendu honneur à la musique.
Whoredom Rife
Matthias : Si le Throne Fest a quand même une qualité indéniable, c’est de ramener des formations plutôt rares sous nos latitudes gallo-romaines. C’était le cas lors de l’édition 2017 (la dernière que j’avais faite avec le camarade Florent, un report se balade quelque part sur les internets) avec un florilège islando-polonais, et c’est encore le cas cette fois-ci avec la horde finlandaise et ses supplétifs polonais et canadiens. Mais du côté des styles représentés, cette édition 2022 reste quand même fort ancrée dans ce qu’on va qualifier de “Black Metal de papa” : des formations qui ont de la bouteille et savent composer et assurer en live, mais qui tournent beaucoup autour de cette image “classique” issue des pays nordiques au tournant du siècle, et ce même quand les groupes se sont formés plus récemment. Whoredom Rife rentre un peu dans cette catégorie, qui d’ailleurs n’a rien de péjoratif. Les Norvégiens ayant sorti leur troisième album Winds of Wrath récemment, ils nous plongent de suite dans leur rétro mais efficace "The Curse of the Moon", avant d'enchaîner, mid tempo, sur un "A Thousand Graves Endure".Et ça marche : le son leur fait relativement honneur, l’ambiance s’installe, et K.R occupe on ne peut mieux la scène pour ce genre de musique forcément peu axée sur la communication. Whoredom Rife alterne intelligemment les morceaux plus contemplatifs ou plus brutaux, nous gratifiant au passage d‘au moins une perle plus ancienne, "Gitt Til Odin", qui glisse quelques touches plus mélodiques dans ce concert très nordique. Whoredom Rife nous livre une prestation carrée et efficace, et le groupe se hisse quand même qualitativement très haut dans la scène norvégienne contemporaine, avec ses qualités intrinsèques, mais peut-être aussi le même manque d’un certain grain de folie qu’on retrouve plus aisément sous d’autres latitudes.
Urgehal
Malice : Bon, on va être clair, mon avis sur Urgehal sera celui de quelqu’un qui a passé son temps dans le pit à - enfin - se lâcher après un jour et demi à hocher la tête (ou se couvrir les oreilles, selon le concert). Dès “Goatcraft Torment” et son stupide “Die for satan !!!”, c’est la folie et je ne quitterai pas la fosse, pendant 45 minutes de black n’ roll d’une efficacité redoutable. Bien sûr, il ne s’agit là que d’un hommage à Trond Brathen, dit Trondr Nefas, décédé il y a dix ans cette année. Le vocaliste n’est plus là, mais le reste du groupe bien, aidé par deux chanteurs ayant déjà posé leur voix sur certains titres par le passé. Et ce qui doit être une célébration le sera, dans la bonne humeur, entre accélérations nerveuses et riffs taillés pour brandir le poing (“Risus Sardonius”). Urgehal a aussi ses hymnes, comme ce “Satanic Black Metal in Hell” repris en choeur, ou l’énorme “The Eternal Eclipse” et sa seconde moitié qui rend fou. Ca “urgh”, ça “bleargh”, ça joue solide (le groupe n’oublie pas d’être très, très carré) et ça rend au final parfaitement hommage à Trondr. La démarche, qui plus est, a l’air franchement sincère et pas mercantile. L’un des meilleurs moments du festival.
Mgla
Matthias : Mgla est pour moi un groupe avec un très fort potentiel émotionnel. Parce qu’il a fait autant, si ce n’est plus, que les formations du siècle dernier dans ma conversion au Black Metal d’abord, et parce que l’ambiance de désespoir nihiliste que le groupe sait si bien instaurer me remue toujours ensuite. Avec ces prémisses, comment supporter qu’un concert des plus renommés des Polonais cagoulés vire à la soupe sonore !? Franchement, dans ce genre de musique il y a eu des rixes pour moins que ça. La Kubox semble vraiment frappée d’une malédiction dans laquelle chaque concert semble être l’occasion d’un pile-ou-face : son très propre, ou catastrophique, sans la moindre position intermédiaire. Et le rendu sonore est en plus très différent - mais rarement bon - d’un endroit à l’autre de la salle, comme si les lois de la physique n’avaient qu’une emprise intermittente sur les événements. C’est en tout cas un gros point noir pour un festival de musiques amplifiées, que j’avais d’ailleurs déjà relevé en 2017 pour un autre Webzine. Car Mgla sans la voix et sans les guitares, c’est trop pour moi. Et je ne serais pas surpris que sous les cagoules, comme d’ailleurs Alan de Primordial la veille, on s’interroge un peu sur la pertinence d’avoir fait le déplacement.
SETLIST :
Age of Excuse II
Exercises in Futility I
Exercises in Futility IV
Mdlosci II
Age of Excuse V
With Hearts Towards None I
Age of Excuse IV
Exercises in Futility II
Exercises in Futility V
Age of Excuse VI
Crédit photo : team Horns Up
La suite du report bientôt...