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mercredi 2 novembre 2016

Behemoth + Secrets of the Moon + Mgla (Lyon)

Transbordeur - Villeurbanne

S.

Deux ans et demi après avoir œuvré au CCO de Villeurbanne, avec In Solitude, Inquisition et Svarttjern, les Polonais de Behemoth sont de nouveau en terres lyonnaises, cette fois dans une enceinte un peu plus grande : le Transbordeur.
Durant la deuxième quinzaine d’octobre, la bande à Nergal a entrepris une petite tournée européenne, baptisée « Europa Blasfemia – part II » et composée d’une dizaine de dates, avec pas moins de quatre en France ! Pour les accompagner, ils peuvent compter sur deux solides formations du Vieux Continent : Mgla et Secrets of the Moon.

 

Secrets of the Moon

Di Sab : C’est en flânant aux alentours des stands de merch que j’apprends que l’ordre de passage a été inversé et que les allemands de Secrets of the Moon ouvriront la soirée en lieu et place de Mgla. N’étant pas du tout familier avec la discographie du groupe, c’est plus en tant que curieux qu’en tant que connaisseur que je me place, alors que le public est encore assez clairsemé (il n’est que 19h en semaine après tout), dans une salle franchement très grande.
Je découvre donc que Secrets of the Moon délivre un metal extrême assez hybride, mélancolique et mélodique. Il serait maladroit de parler ici de black metal tant les critères phares du genre sont peu présents voire absents de la musique de Secrets of the Moon. Le groupe évoque plus des formations comme Triptykon, en ce qui concerne l’atmosphère froide installée ainsi que l’attitude scénique des musiciens, ou le Paradise Lost récent. De manière hyper étrange, j’ai trouvé que le groupe avait aussi un petit quelque chose de grunge. Premièrement, scéniquement, le leader à des postures, qui me rappellent Chris Cornell (Soundgarden), Et puis il y a tous ces petits arpèges torturés sans distorsions et ces refrains (celui de Hole en particulier) qui allient catchy et mélancolie qui rappellent l’excellent Dirt d’Alice in Chains. Je ne sais si c’est mon imagination ou si c’est une vraie source d’inspiration mais en tout cas, la transposition est bien faite et le résultat est convaincant d’autant plus que le groupe bénéficie du meilleur son de la soirée ce qui met bien en valeur les superbes titres que sont Seven Bells ou encore The Man Behind the Sun.   
En somme, sans être une découverte renversante, le concert fut un très bon moment. Secrets of the Moon propose quelque chose d’hyper facile d’accès sans être ni racoleur ni prise de tête. Et, au terme d’un Lucifer Speaks majestueux, je me dis que Secrets of the Moon fut une agréable découverte et qu’il faudrait que je me penche vraiment sérieusement sur leur discographie.

S. : Curieusement, c’est la première fois que je me rends au Transbordeur de Villeurbanne, étant surtout habitué au CCO et au Ninkasi dans la région lyonnaise. Comme une fleur, je me pointe en voiture au parking de la salle légèrement avant l’ouverture, qui est archi bondé, avec une file d’attente d’une centaine de mètres sur le trottoir… L’agent de sécurité me conseille d’aller me garer à la Doua à proximité, je m’exécute, gagnant le droit à une bonne quinzaine de minutes de marche jusqu’à l’entrée. Après avoir patienté dans la fraîcheur qui caractérise ce vendredi soir, me voilà dans l’enceinte, plutôt bien conçue avec ses gradins et sa vaste fosse. Cependant le pit photo est assez rachitique, il faut faire preuve de souplesse pour y accéder.
Alors que sur l’affiche Mgla devait commencer, les organisateurs nous ont informés dans l’après-midi que ce sera finalement Secrets of the Moon qui débutera le concert, ce qui n’est pas plus mal. Peu après 19 heures, les Allemands montent sur scène. Je connais assez mal leur musique, si ce n’est qu’ils ont beaucoup évolué au cours de leur carrière, avec des débuts assez ancrés Black Metal, tout en présentant déjà une touche avant-gardiste, laquelle va prendre le pas par la suite jusqu’à leur dernière réalisation, avec la sortie de « Sun » l’année dernière. Evidemment, ceux qui me connaissent s’imaginent que j’ai progressivement décroché par la même occasion. Etant donné qu’une bonne partie des titres interprétés ce soir provient de leurs récents albums, j’ai du mal à m’immerger dans leur blackened metal relativement intimiste, où le chant clair alterne avec le chant plus black. Le principal reproche que je leur ferais est ce côté assez mou, et lorsqu’un semblant de furie intervient, l’ambiance retombe aussi sec, au final ça ne décolle jamais et on est restera là. Du sommet des gradins, je constate que le public est resté assez impassible, preuve que Secrets of the Moon n’a pas réellement convaincu ce soir.

Setlist :
Hole
Dirty Black
Seven Bells
Here Lies the Sun
Ghost
Man Behind the Sun
Lucifer Speaks

 

 

Mgla

Di Sab : A voir le nombre de t shirt et l’accueil que va réserver le Transbordeur au premier groupe polonais de la soirée, on se dit que Sounds Like Hell a bien fait d’inter changer leur créneau avec celui de Secrets of the Moon. C’est triste pour les allemands qui ne déméritent pas depuis plus de 20 ans mais force est de constater que Mgla a effectué une percée monumentale dans la scène depuis ses deux derniers albums, ce qui fait qu’on les retrouve maintenant absolument partout, à l’instar d’Inquisition au début des années 2010. Ayant été déçu il y a de ça quelques mois au Hellfest, la faute à un cadre pas adapté, et a un gros coup de fatigue, j’avais vraiment hâte de voir le combo en salle et pas sous tente en plein jour.
Les lights s’éteignent, et c’est le même scénario qui se reproduit. Le groupe arrive et va dérouler son set sans la moindre interaction avec le public et sans la moindre présence scénique. Sauf que voila, cette fois ci et je ne saurais dire pourquoi, cela fonctionne et j’adhère. La présence quasi fantomatique du quatuor permet de se focaliser juste sur la musique, comme si le groupe était superflu et exclusivement au service de leur œuvre. A propos de leur œuvre au sens large, le groupe offre un set équilibré, en piochant dans une bonne part de sa discographie (tout en surreprésentant le dernier Exercices in Futility avec 3 titres) avec notamment la très bonne Mdłości I. Je déplore tout de même l’absence de Groza I (étant donné qu’elle fait 10 minutes c’est tout de même compréhensible) de Further Down the Nest II (et ses roulements de caisse claire démentiels) et d’Exercices in Futility V. Le son n’est pas parfait et ne me permet pas, de là où je suis de distinguer toutes les petites leads mélodiques qui ont contribué au succès des polonais mais étrangement ce n’est pas dérangeant. Cela donne une dimension plus organique, plus rentre-dedans à la musique de Mgla, les chœurs du bassiste qu’on ne retrouve pas sur CD (Mgla étant à l’origine un duo, se produisant live avec des musiciens de session) renforcent d’ailleurs ce côté incisif.
Après une déception au Hellfest, Mgla a donné le show que j’attendais d’eux. Et, comme dit précédemment, vu l’accueil du Transbordeur, je ne fus manifestement pas le seul à avoir été satisfait. A voir désormais si cet aspect « distant » couplé au fait qu’ils ne changent manifestement jamais de setlist ne va pas être lassant sur le long terme, d’autant plus que le phénomène ne semble pas prêt de s’essouffler.

S. : Ah Mgla ! C’est surtout pour eux que j’ai fait le déplacement, les ayant déjà vus au Throne Fest il y a deux ans où j’en avais gardé un très bon souvenir. Même si je ne voue pas un culte aux Polonais comme d’autres le font, leur dernière réalisation « Exercises in Futility » parue l’année dernière n’a fait que confirmer toutes les bonnes choses produites par le groupe jusqu’alors. Accoutrés de leur désormais célèbre ensemble blouson de cuir / capuche / visage masqué, les quatre musiciens vont nous proposer durant trois quart d’heure huit titres piochés ci et là dans leur discographie, dont trois issus du dernier-né. Comme la fois précédente, je suis toujours impressionné par la capacité du groupe à créer une atmosphère aussi puissante et captivante, alors que leur jeu de scène demeure relativement pauvre, les individus étant assez statiques dans leur tenue anonyme. Cela a le don de faire bouger la foule, que j’observe depuis la console, même si entre nous, les slams sur Mgla c’est un peu inapproprié. Un show carré, un bon son et des titres percutants, autant d’éléments pour conclure à un set de très bonne facture de la part des locataires de Cracovie !

Setlist :
Further Down the Nest I
Exercises in Futility I
Mdłości II
With Hearts Toward None I
Exercises in Futility II
Groza III
With Hearts Toward None VII
Exercises in Futility VI

 

 

Behemoth

Di Sab : Revoir le groupe phare de mon adolescence m’a forcément procuré une certaine excitation, et ce, d’autant plus que je n’avais pas vu Nergal depuis le Motocultor 2014 où la formation avait donné un show sans maquillage ni décors de scène, la faute à des pertes de bagages au niveau de l’aéroport, de mémoire. Cette fois ci, exit le dépouillement du concert du Motocultor, Behemoth fait dans le baroque, à grand renforts de décorum en fer forgé, de pieds de micros sculptés, de 2 backdrops successifs (qui représentent d’ailleurs le même motif, la flamme dans le triangle dessinée par Valnoir), de torches, d’hosties et de fumées. Exit également le statisme de Mgla, Behemoth bouge sur scène mais leur façon d’occuper l’espace est hyper chorégraphiée : quand Nergal passe du point A au point B, Orion va du point B au point C et ainsi de suite, un peu à la manière d’un caléidoscope dont les reconfigurations seraient prévues et travaillées. Qu’on se le dise, cette avalanche visuelle ne peut laisser insensible. D’autant plus que le groupe, au fil des années et de leur succès, a de plus en plus de moyens et est parvenu à s’extraire du kitch (et des armures en cartons qui vont avec) qui planait sur eux jusqu’à la leucémie de Nergal.   
Malheureusement, cette espèce d’orgie visuelle faisait sens et dialoguait avec la musique de Behemoth lorsque ceux-ci proposaient leur black/death blockbuster, tout en puissance. Sauf que soir, The Satanist fut joué en intégralité, comme ce fut le cas pour la première partie de Europa Blasphemia (plateau composé d’Abbath, d’Entombed A.D et d’Inquisition et ayant fait une halte à Paris en début d’année). Qu’on se le dise, bien que ne l’ayant pas apprécié dans son intégralité, The Satanist est un album de qualité, unanimement reconnu par la critique et faisant sens quand on le replace dans son contexte. Cet album est, comme vous le savez, fortement introspectif, tourné vers l’intérieur, porteurs d’ambiance ce qui, encore une fois s’explique quand on le replace dans la carrière de Nergal, il m’apparaissait cependant risqué de le jouer en intégralité sur scène et le concert de ce soir m’a donné raison. Après l’enthousiasmant Blow your Trumpets Gabriel (rare cas où le dépouillement du riff le rend surpuissant), le soufflé redescend un peu d’autant plus que le son, un peu brouillon, ne rend pas justice aux soli qui sont un des éléments les plus réussis de The Satanist (celui de Messe Noir en tête). Le public (absolument immense et très impressionnant pour un concert de metal extrême en salle) est d’ailleurs plutôt tiède, alors que je l’ai connu déchaîné par le passé sur des titres comme Decade of Therion, Shemaforash ou Christians to the Lions. Après une première partie de set en demi-teinte me concernant et au terme d’un O Father O Satan O Sun m’ayant laissé de marbre (dans le même registre je lui préfère Lucifer), Behemoth se retire momentanément avant d’effectuer un rappel et de tout (re)conquérir, mon cœur y compris.
Je les retrouve là où je les avais laissés : un groupe capable d’envoyer un déferlement de puissance à la face du monde d’une rare intensité. Ov the Fire and the Void, Conquer All, At the Left Hand ov God et putain de Pure Evil and Hate(!!!) et s’en est fini de moi. A cela s’est ajouté l’hyper rentre dedans Slaves Shall Serve et l’épique Chant for Eschaton 2000. J’exulte, quel plaisir de revoir la machine Behemoth fonctionner à son meilleur niveau !
Behemoth a fait des choix : celui de bannir la spontanéité de ses concerts, de supprimer la contingence et donc de tendre vers la machine à spectacle plutôt que vers le groupe, celui d’interpréter un album plutôt intimiste et pas le plus taillé pour le live de masse. Ces choix, discutables au demeurant, ne les empêchent pas de toujours proposer un contenu de grande qualité. Bien que moins fan que par le passé, je fus heureux de les revoir dans un cadre aussi agréable que celui du Transbordeur et avec ce plateau de qualité. Merci à Sounds Like Hell de nous gâter de la sorte !

S. : La foule se densifie dans l’enceinte du Transbordeur, idéalement dimensionnée pour un groupe de ce calibre qui ne cesse de faire l’unanimité là où il passe. Je reste pour ma part assez peu friand de leur discographie, n’aimant que quelques titres par ci par là, mais demeure très enthousiaste à l’idée d’assister à leur représentation. Les Polonais sont en effet bien connus pour leur puissance scénique. Muni d’un flambeau, dans l’obscurité, Nergal et ses compères montent sur les planches pour marquer le point de départ de leur show, sur leur tubesque « Blow Your Trumpets Gabriel », dont les mélodies résonnent tel un hymne. De là, le groupe va dérouler les morceaux les uns à la suite des autres avec une aisance toujours aussi impressionnante, sans fausse note, tout en assurant le spectacle aux nombreux fans venus les acclamer ce soir. Les zicos exploitent toute la scène et les décors présents, avec un excellent jeu de lumière qui met le tout en valeur. Certains évoquent l’aspect trop millimétré et sans surprise de leur performance…certes, mais devant tant de professionnalisme, ce genre de reproche reste difficile à justifier. Parmi les titres interprétés ce soir, ceux qui ont retenu mon attention sont, en plus de celui de l’ouverture, « Ora Pro Nobis Lucifer », « Ov Fire and the Void » et « Chant for Eschaton 2000 », sur lequel ils ont conclu ce show net et sans bavure. Behemoth est taillé pour la scène et l’a encore prouvé ce vendredi.

Setlist :
Blow Your Trumpets Gabriel
Furor Divinus
Messe Noire
Ora Pro Nobis Lucifer
Amen
The Satanist
Ben Sahar
In the Absence ov Light
O Father O Satan O Sun!
Ov Fire and the Void
Conquer All

Pure evil and hate
At the Left Hand ov God
Slaves Shall Serve
Chant for Eschaton 2000

 

Merci aux groupes et à l'organisateur Sounds Like Hell Production pour cette belle soirée.

Photos