Anniversaire Horns Up : Mütterlein + Tromblon
Le Michelet - Nantes
Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.
Le 30 avril dernier et après deux ans à repousser toute idée d'organiser un événement, l'équipe Horns Up s'est réunie dans un de ses bastions historiques, à savoir la ville de Nantes, afin d'enfin proposer un concert en son nom propre. Fut un temps c'était la tradition pour l'anniversaire du webzine, mais entre deux ans de regains pandémiques réguliers et l'éparpillement géographique de notre équipe, elle était quelque peu tombée en désuétude. Ce sont donc officiellement les 5 ans de Horns Up que nous avons fêtés ce soir-là dans l'emblématique Scène Michelet devenue Le Michelet... Avec au moins deux ans de retard. C'était en tout cas l'occasion de varier les plaisirs avec un blind test (péché mignon d'une partie de l'équipe) du feu des dieux, sur le thème "ce n'est pas du Metal, mais c'est quand même vachement périphérique". Vinrent ensuite les concerts de Tromblon et de Mütterlein qui, dans des genres très différents, feront monter l'émotiomètre au sein du Michelet, à la fois pour leur performances respectives, et car il s'agissait là - pure coïncidence - de la dernière soirée de la salle avant sa fermeture définitive. C'est l'occasion donc de lui rendre aussi hommage dans ces lignes.
Le Michelet
Prout : Parmi les membres de Horns Up, je ne suis pas la personne qui a le mieux connu la Scène Michelet, mais assurément depuis le plus longtemps. Le rideau final venant d’être baissé, notre anniversaire marquant la date ultime de cette salle emblématique de Nantes, l’équipe m’a demandé d’écrire un petit billet. Et c’est avec émotion que je vous livre mon intimité au sein du Michelet.
Aussi loin que ma mémoire me porte, je crois bien que ma toute première soirée organisée à la Scène Michelet date de 2008, en partenariat avec les webzines Kaosguards et feu Imm3moria. Soit dans l’année suivant l’ouverture de la salle, en 2007. D’ailleurs en toute honnêteté, je regardais alors la Scène Michelet d’un œil assez interrogatif. Café-concert ou café-théâtre, ce n’était pas très clair au départ et, bien habitué à pratiquer Le Ferrailleur pour mes orgas, j’avais tendance à favoriser ce dernier car totalement dans l’esprit « Metal » et l'idée que je m’en faisais à l’époque. Le triptyque conditions financières, agenda du Ferrailleur et ma propre curiosité m’a amené à tester La Scène Michelet pour cette fameuse date du 8 novembre 2008. La salle n’était pas du tout ce qu’elle est devenue ensuite. La déco n’avait pas autant de gueule qu’à la fin, le bar était bien plus rudimentaire, la technique n’était pas au niveau d’excellence qu’on a depuis connu et même les conditions d’accueil n’étaient pas celles qu’on a encore pu expérimenter et aimer pour cette dernière date du 30 avril 2022.
J’ai vu toutes les évolutions se mettre en place, les décos s’imposer, la carte du bar virevolter, les programmateurs et programmatrices s’enchaîner et ainsi la proposition musicale s’affiner. De Didier Super à Black Bomb A, de Perturbator à Ende, du plus obscur truc de Grindcore aux soirées Drag Queens, La Scène a su s’imposer à force de travail et de remise en question comme un incontournable lieu d’influence de la ville de Nantes.
Il y a eu bien sûr des moments très forts dans la vie culturelle nantaise, comme l’histoire de la fameuse fresque éphémère sur la devanture du Michelet qui a fait énormément parler d’elle. Mais ce que je retiens aujourd’hui de Michelet est résumé un peu partout sur le net : pas loin de 200 concerts par an, plus de 300.000 spectateurs depuis son ouverture, des soirées folles, un espace d’ouverture artistique, des faux meetings politiques, même des évènements pour les tout-petits, des après-midi barbeucs et j’en passe.
J’ai eu la chance d’organiser quelques dates là-bas, mais de manière sporadique. Le Michelet avait ses assos d’habitué.e.s telles que Black Flag ou Crumble Fight pour ce qui me vient en tête, qui ont véritablement fait vivre le lieu en osmose avec l’équipe du Michelet. C’est cet esprit limite familial que je retiens encore aujourd’hui. J’ai aussi pu me produire au Michelet plusieurs fois, avec mes groupes de Brutal Death et de Grindcore, en donnant des conférences (oui oui) mais aussi comme DJ catastrophique à mes heures perdues. Tu pouvais passer du Gorenoise et de l’Eurodance dans la même soirée et ça ne choquait pas grand monde, c’est aussi ça l’ouverture d’esprit du Michelet. Je me suis mis dans des états pas possibles, j’ai vomi sur le bar, j’ai cassé une table (ou ma jambe en tombant de la table je sais plus), j’ai repeint le plafond avec du lait de soja à paillettes, on m’a souvent demandé de remettre mon t-shirt, j’ai parfois dû revenir la queue entre les jambes pour m’excuser, j’ai même un jour offert une bouteille de rhum à un des barmen tellement j’avais honte de moi. Et malgré ma cassosserie, j’ai toujours eu l’impression d’être re-le bienvenu, tant qu’il y avait du respect mutuel. Et c’est ce que m’a toujours fait ressentir le Michelet : une sorte de lieu ouvert et bienveillant.
Je suis bien triste d’avoir été dans l’orga' de la toute dernière soirée du Michelet et en même temps, je suis heureux d’avoir été là pour dire au revoir.
Tromblon
Raton : C'est peu dire que j'attendais Tromblon de pied ferme. Après avoir chroniqué l'année dernière leur fantastique dernier album "Je me fiche d'être français", j'étais extrêmement curieux de voir comment cette proposition aussi radicale que conceptuelle pouvait se traduire en live. Car en plus d'être un album concept autour d'une ode à la désertion et à l'anti-patriotisme en temps de guerre, c'est une exceptionnelle pièce de screamo mordant et querelleur.
Avec un set d'une trentaine de minutes, Tromblon a pu jouer l'album dans son intégralité et même nous gratifier d'un de ses titres plus anciens. Servi par une scénographie sobre et un jeu de lumières volontiers stroboscopique, le groupe donne toute la place à la violence émotive de sa musique devant une foule compacte. On sent que cette dernière n'est pas venue que pour la fin du Michelet, mais aussi car elle est persuadée que les Caennais livreront une belle performance.
Les voix claires, qui ne me convainquaient pas toujours sur l'album, sont excellemment retranscrites en live, avec justesse et pudeur, permettant des petites poches d'oxygène entre deux déflagrations sonores. Le show atteint un sommet avec l'interprétation de "C'est bien fini", morceau immédiatement reconnaissable par son petit lead martial de guitare. Ça faisait longtemps que je n'avais pas vu un concert de hardcore émotif aussi lisible et aussi propre sans jamais nuire à la puissance des passages saturés. Ça ne fait aucun doute, les traîtres à la nation ont fait grand honneur au Michelet ce soir.
Mütterlein
Circé : Changement de ton. On continue dans la violence, mais celle-ci mue pour revêtir des tons bien différents : à l'énergie débordante du hardcore s'oppose la lourdeur glaciale de l'espèce de doom/ dark ambiant difficilement qualifiable de Mütterlein. J'attendais ce concert de pied ferme, curieuse de voir ce que ce dernier album, Bring Down the Flags, allait donner en live ; et je l'ai vécu comme une expérience aussi intime que cathartique.
La musicienne est seule sur scène, souvent la tête baissée, cachée derrière un voile de cheveux qui se détache dans la pénombre. Derrière elle, une haie de serpettes, emblèmes du projet ; tout n'étant qu'ombres découpées par les lumières. Un aspect visuel marquant, aussi radical que la musique jouée. Tout est là pour renforcer l'immersion : impossible pour moi de ne pas être happée et bien vite engloutie par cette prestation.
L'atmosphère devient totalement infernale, car elle capte tous les sens sans leur laisser le moindre répit. Sur scène, notre prêtresse de la solitude semble elle aussi possédée par sa musique et les vagues de mur de son qu'elle nous balance. Lorsqu'elle lâche ses machines pour se saisir de sa guitare, ce n'est que pour en rajouter une couche plutôt que pour véritablement jouer. On aura droit principalement au dernier album, sur lequel ses hurlements déments semblent déverser toute la haine et la douleur du monde, directement depuis ses entrailles. La puissance que l'on retrouve en studio est bien là en live, toute aussi crue. On distinguera d'ailleurs une réinterprétation du titre “Lesbian whores and witches” de son premier album, réarrangé dans le style du second – et ça colle parfaitement.
On aura eu droit à performance certes moins accessible et festive que celle de Tromblon, mais d'une douloureuse beauté. Mütterlein enterre donc cette soirée et cette salle à laquelle elle rend d'ailleurs honneur à la fin de son set.
Un dernier acte pour le Michelet, applaudissements, rideau.
Encore merci au public, aux groupes, et aux gens du Michelet pour avoir rendu cette soirée véritablement dantesque.
Copyright photos : Matth B.