"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Une fois n’est pas coutume, commençons cette chronique par une autre chronique, brièvement bien entendu. Celle du dernier album d’At The Gates, The Nightmare Of Being. Il faut dire malheureusement qu’après la réouverture en fanfare des portes en 2014 avec At War With Reality (2014), le soufflé est plutôt vite retombé. Si To Drink From The Night Itself (2018) maintenait un tant soit peu d’intérêt, The Nightmare Of Being lui ne propose plus grand-chose. Passé des premiers morceaux encourageants, At The Gates se perd vite dans un paysage plus mélo peu inspiré. Le départ d’Anders Björler semble donc avoir sonné le glas, et si son statut lui assure toujours une certaine aura au sein du Mélodeath suédois, At The Gates est rentré dans le rang. Pour trouver quelque chose de plus mordant au sein de cette galaxie, il va donc falloir regarder ailleurs. La solution de facilité est donc de se tourner vers The Lurking Fear, qui regroupe tout simplement les 3/5 du line-up actuel d’At The Gates. Toutefois, ce « super-groupe » était aussi porteur de belles promesses qui ne sont pas vraiment concrétisées avec son premier album, Out Of The Voiceless Grave (2017). Sorte d’At The Gates en plus Swedeath, sans réel plus. Mais bien évidemment, on ne peut passer à côté d’un nouvel album surtout qu’il suit de relativement près la sortie du dernier opus de son groupe « parent ». Comme par hasard. Et une surprise est toujours possible…
Pas vraiment au niveau de ce que The Lurking Fear peut proposer musicalement, un Death suédois qui brasse assez large entre agression et lourdeur, graisse et mélodie ; avec une thématique qui ne surprendra personne dans le milieu… Lovecraft. Tomas Lindberg, Adrian Erlandsson et Jonas Stålhammar (tout trois d’At The Gates, donc), accompagnés de Andreas Axelsson (Tormented, ex-Marduk, ex-Edge Of Sanity) et Fredrik Wallenberg (Skitsystem, ex-Sarcasm), reprennent donc la même recette qu’il y a 4 ans. Mais… en mieux, tout simplement. De quoi contrebalancer l’inspiration légèrement défaillante des deux derniers At The Gates. Le départ tout en ambiances de Death, Madness, Horror, Decay sur "Abyssal Slime" pose de toute façon bien le tableau et déjà, on se retrouve aussi dans un terrain bien boueux, avec un son bien suédois comme on l’aime. "Death Reborn", une minute chrono en main (avec quelques secondes d’arrêts de jeu), montre tout de même que The Lurking Fear a ici majoritairement choisi de faire du gras. Des morceaux comme "Cosmic Macabre", "In A Thousand Horrors Crowned", "Ageless Evil", "One in Flesh" et "Restless Death" n’y vont pas par quatre chemins et jouent la carte d’un Swedeath très tranchant et ultra efficace. On pouvait attendre The Lurking Fear sur ce terrain mais force est de reconnaître qu’en grand patron et avec beaucoup d’expérience, il cartonne très facilement dans le domaine. Death, Madness, Horror, Decay va donc passer du statut d’album anecdotique fait par de vieux briscards qui veulent s’amuser à une petite leçon bienvenue en matière de Death suédois.
Tout est ici juste et inspiré, jusqu’au chant de Tompa bien plus énergique que sur le dernier At The Gates… Si Death, Madness, Horror, Decay se déroule sans grands chichis, il devient quand même très mortel en bout de course, avec le transitif "Kaleidoscopic Mutations" menant à un enchaînement "Ageless Evil"-"One in Flesh"-"Restless Death" qui fait très mal et achève tout le monde à coups de compos Swedeath ultra-graisseuses. Et même avant, The Lurking Fear propose des choses intéressantes, y compris quand il passe dans un registre plus tempéré et mélodique ("Funeral Abyss", "Architects of Madness", sans oublier le final "Leech of the Aeons") - et finit même par trouver l’équilibre parfait sur le morceau-titre de son très bon deuxième album. En verve dans toutes ses composantes, The Lurking Fear arrive alors à nous emporter avec quelques moments mémorables ou plus portés sur les ambiances, on retiendra en particulier le final assez réussi de "In A Thousand Horrors Crowned". Tout comme Out Of The Voiceless Grave, The Lurking Fear propose ici un petit manifeste de Death suédois, mais en bien plus accrocheur et convaincant, comme si son premier album n’était qu’un brouillon et que ce n’est que maintenant que les choses sérieuses commencent et que The Lurking Fear montre vraiment ce qu’il a en rayon. Après, restons mesurés, il n’y aura ici rien de surprenant pour qui connaît le magasin suédois par cœur. Mais en vieux routards du style, les gars de The Lurking Fear savent ce qu’il faut faire, et font plaisir en se faisant plaisir. Un album sans prétention fait par des tauliers, ça marche à merveille et c’est ce qu’on pouvait attendre d’un groupe comme The Lurking Fear, finalement. Et si le mojo de At The Gates s’était en fait retrouvé ici ?
Tracklist de Death, Madness, Horror, Decay :
1. Abyssal Slime (2:57)
2. Death Reborn (1:09)
3. Cosmic Macabre (2:33)
4. Funeral Abyss (2:56)
5. Death, Madness, Horror, Decay (4:19)
6. Architects of Madness (3:56)
7. In A Thousand Horrors Crowned (4:38)
8. Kaleidoscopic Mutations (1:36)
9. Ageless Evil (2:48)
10. One in Flesh (2:24)
11. Restless Death (3:30)
12. Leech of the Aeons (5:16)