"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Si Destinity devait se présenter à nous avec un album de type « retour aux sources », ceux qui connaissent bien le groupe savent que nous aurons eu droit non pas à du Death mélodique mais bien à du Black-Metal mélodique et symphonique, style que le groupe lyonnais a pratiqué de Wepts From The Sky (1999) à In Excelsis Dementia (2004), soit ses 4 premiers albums. Et pour avoir récemment mis la main sur le digipack de In Excelsis Dementia dans un Cash Express (visiblement laissé par une personne qui avait abandonné toute sa discographie Black/Death du début des années 2000), en visionnant les pseudos et photos d’antan, on constate que c’est bel et bien une époque révolue… Non, Destinity va ici opérer un retour aux sources, mais plutôt vis-à-vis de la globalité de la scène dans laquelle il s’inscrit depuis Synthetic Existence (2005). Un retour aux sources pour trancher avec un passé récent empêtré dans quelques remous. Le chanteur Mick était parti en 2013, puis le groupe avait splitté en 2014, la plupart des musiciens s’étant alors retrouvés dans le groupe de Metalcore moderne The Reversionist. Mais tout ce petit monde a fini par se réconcilier et c’est ainsi qu’en 2018, Destinity signait déjà son retour, avec le line-up qui avait enregistré le dernier opus en date Resolve In Crimson (2012). C’est donc reparti pour un tour, comme si de rien n’était, avec quelques concerts pour commencer. Mais forcément, un nouvel album - le 9ème du groupe tout de même - devait suivre. Et Destinity de revenir en bacs en cette année 2021, avec un In Continuum sorti par son propre label - Crimson Productions. Pour donc, je le disais, un retour aux sources. Et pour une formation qui pratiquait à la fin des années 2000 un Death/Thrash mélodique - avec en point d’orgue l’excellent The Inside (2008) - le retour aux sources ne sera donc pas du BM peinturluré et plein de 666, mais bien une certaine vision d’un Death mélodique.
Les deux premiers singles dévoilés, "Reject the Deceit" et "Shadows", n’ont donc pas laissé beaucoup de place aux doutes : Destinity va ici pratiquer un Mélodeath très connoté 90’s, avec beaucoup de leads, un chant extrême typique et une production traditionnelle. Le groupe lyonnais rejoint donc la tendance de pas mal de ses compatriotes, comme Fallen Joy, Aesmah ou Innermoon. Ce qui fait toujours plaisir à pas mal d’amateurs du genre comme votre serviteur, un Mélodeath authentique, loin du déluge de claviers, de chants clairs et de riffs plus Metalcore qu’autre chose. Destinity va tout de même apporter quelques variations, témoignant de son héritage récent même si In Continuum va pas mal trancher avec un Resolve In Crimson, c’est certain. Si on sent encore l’influence d’un Hypocrisy qui planait pas mal sur un album comme XI Reasons To See (2010) - ça se ressent dans les quelques parties de chants plus clairs à la Peter Tägtgren subsistant ici ou là ("Snakepit" notamment) - et que du riffing plus moderne demeure à certains endroits ("A Lucid Strain" par exemple, dont les compos rappellent Resolve In Crimson), Destinity embrasse ici une autre influence bien plus traditionnelle : celle de Dark Tranquillity. Que ça soit dans les rythmiques, l’abondance de leads ou même le chant de Mick, moins growlé qu’à l’accoutumée et plus proche des éructations de Mikael Stanne, on sent que le groupe français a voulu se rapprocher d’un autre groupe suédois et pas n’importe lequel. La légende du Mélodeath tout simplement. Et même si In Continuum est un album fortement connoté 90’s, certains moments évoqueront parfois un album intermédiaire comme Fiction ou même les 3 derniers efforts de DT (pas Dream Theater, pas Dark Throne, Dark Tranquillity). Les râleurs de service diront qu’après avoir pompé Hypocrisy, Destinity va pomper Dark Tranquillity… mais prenons au minimum ça comme un hommage et de toute façon, In Continuum sera un album particulièrement réussi. Comme Aesmah ou Innermoon, qui eux aussi avaient bien digéré leurs influences pour pondre de purs albums de Mélodeath 90’s.
Destinity va donc se montrer particulièrement inspiré et appliquer un Mélodeath traditionnel à la perfection, dès un "The Sand Remains" qui ouvre l’album en fanfare. Tout y est déjà, les mélodies nous happent d’emblée, les quelques incursions de claviers amènent de la fraîcheur à ce Mélodeath tout autant efficace qu’épique. Destinity poussera d’ailleurs pas mal le curseur de l’épique à plusieurs moments, notamment pour la longue pièce passionnante et complète qu’est "Shadows" - qui ne renie d’ailleurs jamais les bons vieux riffs percutants - ou encore le splendide final qu’est "Salvation". Entre temps, les Lyonnais vont faire preuve d’une belle énergie et pondre pas mal de hits potentiels, cela commencera d’ailleurs avec l’excellent single "Reject the Deceit" qui porte à lui seul l’album. Et il y aura ainsi de quoi faire avec les très remuants "Reflections" et "Dawn Never Breaks" ; ou encore l’excellent et très dynamique "Architect of Light", le morceau le plus Dark Tranquillity-worship de l’album, mais rempli de compos absolument mortelles. "A Lucid Strain" et "Snakepit", un poil plus modernes, sont les morceaux qui se rapprochent le plus de ce que faisait Destinity il y a une dizaine d’années avec comme je le disais des influs Hypocrisy qui ressortent, mais se fondent parfaitement dans le moule de In Continuum où Destinity s’est réinventé en regardant plus vers le passé glorieux du style. Au bout, cela nous donne un album nickel-chrome de Mélodeath teinté 90’s mais pas 100% passéiste non plus. Il n’y a certes pas beaucoup d’originalité là-dedans et Destinity n’est pas le premier à faire cet exercice, mais le résultat est totalement convaincant et maîtrisé. Cela fait de In Continuum un album grandiose qui comblera à coup sûr tous les amateurs de Mélodeath, nineties mais pas que. On attendait peut-être pas Destinity dans ce registre lui qui restait sur 3 albums dans une lignée propre, et cela fait d’autant plus plaisir, que l’expérience du groupe se mette au service d’un style plus traditionnel. Un formidable album de Mélodeath, efficace et léché, blindé de mélodies inspirées et de compos entraînantes, un beau voyage dans le continuum espace-temps qui se doit dès maintenant d’avoir sa place dans toute discographie de Mélodeatheux qui se respecte.
Tracklist de In Continuum :
1. The Sand Remains (6:00)
2. Reject the Deceit (5:27)
3. Reflections (4:53)
4. Shadows (6:35)
5. Dawn Never Breaks (5:36)
6. Architect of Light (4:01)
7. A Lucid Strain (5:53)
8. Snakepit (4:34)
9. Salvation (8:26)