Chronique Retour

Album

07 octobre 2019 - Raton

Yob

Our Raw Heart

LabelRelapse
styleDoom metal
formatAlbum
paysUSA
sortiejuin 2018
La note de
Raton
8/10


Raton

Amateur de post-musique, de breakdowns et de gelée de groseilles.

Si la scène doom fut celle qui a marqué mon entrée dans le metal extrême, je peine de plus en plus à y trouver de quoi satisfaire mes attentes. Il semblerait parfois que la scène ait un passage à vide, un peu à l’instar du thrash à la fin des années 90. Heureusement plusieurs groupes maintiennent la barre haute et me permettent de ne pas complètement me désintéresser de la chapelle la plus lente du metal. Parmi eux, Messa, Windhand, Bongripper et surtout Yob.

« Clearing the Path to Ascend », le précédent album des Américains est probablement pour moi l’un des meilleurs albums de doom toutes périodes et tous styles confondus. C’est donc peu dire que j’attendais ce 8e album de pied ferme.

« Our Raw Heart » affirme d’emblée la forte filiation avec son prédécesseur. Le premier titre, « Ablaze », aurait même pu être une chute de studio de l’enregistrement de « Clearing the Path to Ascend ». Il évoque notamment « Marrow », avec cette approche si caractéristique, très lointaine comme à travers une épaisse fumée mais sans être dénuée d’une composition accrocheuse. C’est ce qui rend Yob si curieux, car le monotone s’accorde toujours au mélodique.

Le morceau est suivi par « The Screen » qui prolonge l’héritage de « CtPtA » tout en lui conférant des tonalités inédites. C’est par ce riff étouffé et répétitif que Yob développe une atmosphère de fin du monde. Le morceau conjugue l’habituelle solennité magistrale du groupe à une sensibilité épique plus rare dans leur carrière. Chaque coup de médiator déchire le ciel et laisse entrevoir les plus grandes terreurs. À ce niveau, Yob pourrait aisément être lovecraftien tant ils évoquent le surnaturel et le déraisonnable.

Sans vouloir commettre l’irréparable erreur de la chronique piste par piste, « The Reverie » poursuit la démarche amorcée par les deux premiers morceaux, qui mène progressivement au climax de l’album, l’étincelant « Beauty in Falling Leaves ». Le véritable point de rupture se trouve néanmoins avec « Lungs Reach », premier des quatre morceaux qui s’émancipent plus clairement de l’influence de l’album précédent, innovent et constituent tout l’intérêt de ce nouvel opus. Je reste encore admiratif devant leur capacité à toujours trouver le point de rupture. Ils l'approchent, le frôlent et le caressent puis le repoussent avec pudeur.

Ce que j'aime avec Yob, c'est que malgré la lourdeur infinie de leur son et le déchirement de la voûte céleste causé par chaque accord, ils peuvent être touchants. « Marrow » arborait déjà ce double visage entre tumulte et tendresse, et « Beauty in Falling Leaves », perle de douceur dans un écrin de distorsion, transcende cette démarche. La voix de Mike Scheidt est plus sensuelle et tourmentée que jamais, les arpèges presque post-rock ajoutent au côté cérémoniel du morceau et la basse goulue complète le spectre de douce noirceur du titre. Il s'affirme rapidement comme l'un des meilleurs du groupe, aux côtés de « Catharsis » ou de « In Our Blood».

Yob confirme son souhait de faire une musique exigeante mais non hermétique. Un voyage où se côtoient contemplation et batailles en slow motion, déchirements et soulagements. Touchés par la grâce, ils nous précipitent dans les profondeurs les plus insondables avant de nous faire côtoyer les cimes d'un monde oublié. Ils conçoivent leur musique avec retenue, sans jamais tomber dans le racoleur tout en livrant des mélodies parlant aux instincts les plus universels. Une musique luxuriante qui sait autant se couvrir d'espoir que de menace.

Les grands groupes sont ceux qui savent à la fois être accessibles et tout de même réserver de nouvelles surprises à chaque écoute, sans jamais se départir d’une ineffable élégance. Yob est de ceux-là.
 

Tracklist :

1. Ablaze (10:13)
2. The Screen (9:50)
3. In Reverie (9:44)
4. Lungs Reach (5:39)
5. Beauty in Falling Leaves (16:27)
6. Original Face (7:03)
7. Our Raw Heart (14:23)

Les autres chroniques