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Album

09 décembre 2014 - U-Zine

Nevermore

Enemies of Reality

LabelCentury Media
stylePower Thrash moderne
formatAlbum
paysUSA
sortiejuillet 2003
La note de
U-Zine
8/10


U-Zine

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La frontière entre la démarche mercantile et artistique est parfois mince, mais lorsque la première vient malencontreusement inonder et asperger la seconde pour des intérêts uniquement financiers, la déception est souvent de mise.
Souvenons-nous, de ces musiciens de Seattle, qui, sous le patronyme de Nevermore, avaient donné naissance à "Dead Heart in a Dead World" (après un "Dreaming Neon Black" très sombre) qui leur avait enfin assuré une couverture médiatique suffisamment grande pour se faire connaitre aux yeux du monde. Cet assemblage atypique de puissance thrash et de mélodies limpides, couplé à une section rythmique incroyablement rude et précise (la rigueur du thrash américain) et à un vocaliste exceptionnel et psychotique, le talentueux Warrel Dane.

Mais voilà, aussi géniales soient les compositions, Nevermore avait également toujours été un son, une production au tranchant finement aiguisé (qui trouvera sa plénitude sur le déjà culte "This Godless Endeavor" sorti en 2005) et à la puissance redoutablement précise. Une production qui ne pouvait sortir que des mains expertes d’Andy Sneap.
Mais voilà, les ventes ne furent pas aussi réjouissantes qu’initialement prévu (malgré une énorme tournée avec In Flames, Arch Enemy, Opeth et Shadows Fall et un bon en avant des ventes à cette époque), le groupe, en fin de contrat avec Century Media, dû revoir ses exigences et ses honoraires de studio et, accessoirement, son producteur. Neil Kernon (Queensryche, Judas Priest) se charge donc du travail, mais le résultat, beaucoup plus direct et froid, ne conviendra ni au groupe, ni aux fans.

C’est donc dans sa version remasterisée suite au nouveau contrat de 2005 que je m’apprête à livrer cette chronique, dans sa forme la plus aboutie pourrons-nous dire.
Il ne fait aucun doute que "Enemies of Reality" est beaucoup plus direct que son sombre prédécesseur, mais paradoxalement, moins accessible. Les riffs se veulent plus tordus, les structures plus techniques, les compositions plus lourdes, le chant de Warrel tourmenté au possible.
Livrant des lignes de chant hypnotiques, le vocaliste impressionne sur chaque morceau, dès le premier titre éponyme, posant un refrain magnifique et clair juste derrière des couplets asymétriques et torturés. Le riff, technique, aplati tout sur son passage, très rude et direct, abrasif, saupoudré de soli dont seul Jeff Loomis en a le secret, descendant ses (sept) cordes avec une fluidité réussissant l’exploit d’éviter un quelconque exercice de shred. Mais ce premier morceau met une nouvelle fois largement en valeur le jeu de Van Williams, constamment en mouvement au niveau des pédales et multipliant les descentes de toms (avec cet aspect tranchant propre à Andy Sneap).

Toujours, direct, l’enchainement "Ambivalent"-"Never Purify" se laisse déguster pour nous plonger toujours plus dans cette sphère de puissance divinement métallique. Parfois proche d’un Megadeth dans l’esprit, les riffs s’enchainent, ne se ressemblent jamais mais conservent un tranchant de tous les instants, sous couvert d’un Warrel toujours au plus profond de son personnage, vivant ses vocalises comme un damné, et offrant une couleur presque expérimentale à l’ensemble. Toujours avide de soli, Jeff enchaine les notes et démontre un potentiel impressionnant, décollant sur orbite son thrash parmi les plus techniques de ces dernières années.

Mais loin d’écarter fondamentalement ses racines mélancoliques, Nevermore, le temps de deux compositions, livre les émotions les plus fines. "Tomorrow Turned Into Yestarday" pour commencer, et ses arpèges sensibles, magnifié par un chant psychotique et malsain, désespéré et sarcastique, mais d’une beauté sidérante sur le refrain, en proie à une mélancolie touchante. Transcendant chaque mot, chantant chaque image, Warrel impressionne à chaque instants, notamment sur le phénoménal "Noumenon", dérangeant et oppressant, lent et cadavérique, rampant tel un serpent le long de notre corps. Un riff lourd et en retrait semble combattre une distorsion presque orientale, alors que, tremblant, chevrotant, Warrel, comme apeuré, en proie à un mal être interne, terrorise un auditeur coincé entre la beauté de la mélodie et le malsain du chant.

A l’inverse, "I, Voyager", "Create the Infinite" ou l’indispensable "Seed Awakening" détruisent et enfoncent des portes déjà grandes ouvertes. "Seed Awakening" particulièrement, et son riff d’une épaisseur sidérante, soutenu par une double pédale aliénante et agressive, conclu avec brio un album annonçant le changement, et l’un des fondements de ce que deviendra "This Godless Endeavor" (la fusion de sa carrière passée avec la modernité et le génie actuel).
"Seed Awakening" termine donc un périple musical passionnant, dans une puissance radicale, ravageant les cervicales pour qui veut bien livrer un combat face à cette énergie métallique et corrosive.
"Enemies of Reality" fut un pas supplémentaire, sans doute indispensable dans la vie des américains, et il reste encore aujourd’hui, un exemple de ce que le thrash a encore à dire, dans les années 2000. Le symbole d’un style millénaire auquel on peut encore ajouter quelques cordes salvatrices à son arc…


1. Enemies of Reality
2. Ambivalent
3. Never Purify
4. Tomorrow Turned into Yesterday
5. I, Voyager
6. Create the Infinite
7. Who Decides
8. Noumenon
9. Seed Awakening

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