Ministry + 3Teeth @ La Machine du Moulin Rouge (Paris)
La Machine du Moulin Rouge - Paris
Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Il y a quasiment un an jour pour jour, Ministry s'installait à deux cent mètres environ dans un Elysée Montmartre loin d'être rempli pour proposer un concert en demi-teinte. Le choix de la Machine du Moulin Rouge, avec sa scène plus intimiste, s'avère donc judicieux pour la date estivale de Ministry à Paris cuvée 2019, la sensation un peu désagréable de voir le groupe jouer dans un lieu trop grand pour lui ne sera pas reproduite. Mais cette fois encore, Al et ses comparses ne convaincront qu'à moitié.
3Teeth est en charge de la première partie pour cette tournée, et je les découvre sur scène ce soir. Tapant dans l'Indus un peu groovy, quelque part entre Rob Zombie et la tête d'affiche de la soirée, avec quelques relents Neo-Metal au détour d'un riff, le combo de Los Angeles est très à l'aise sur scène. Le chanteur a le look de Tom Hardy dans Bronson de Nicolas Widing Refn si le prisonnier le plus violent d'Angleterre avait porté la coupe mulet au lieu d'être chauve, et si dit comme ça on ne s'imagine pas forcément un type charismatique, sachez qu'il l'est (charismatique). Avec une voix hyper modulable, allant du chant dark crooner aux cris plus écorchés, Alexis Mincolla est assez magnétique sur scène. Le son est très bon, des samples à la batterie en passant par les cordes et le clavier, tout s'imbrique sans problème. Le seul souci du concert sera l'éclairage : parfois épileptique sur des moments assez calmes, parfois zéro spot allumé sur des passages punchy, je ne sais pas ce qu'avait l'ingé light dans les oreilles pour le set de 3Teeth, mais vraisemblablement pas le même concert que nous. Les morceaux du groupe sont un peu inégaux, certains sont immédiatement efficaces, d'autres peinent un peu à se mettre en place, mais globalement le contrat est rempli : comme mise en bouche 3Teeth est tout à fait satisfaisant.
Setlist de 3Teeth :
01.Divine Weapon
02.EXXXIT
03.AMERICAN LANDFILL
04.Slavegod
05.Atrophy
06.Pit Of Fire
07.Tabula Umbra
08.Master Of Decay
Le temps d'installer le pied de micro de Jourgensen et de dévoiler le reste du matos déjà présent sur les planches, et voilà que résonne le désormais redouté "Make America Great Again" tout pitché qui entame AmeriKKKant. Et nous voilà partis pour quarante cinq minutes d'ennui profond. J'avais bon espoir que les titres du dernier album soient réduits à leur portion congrue, mais non. La première partie du concert est exclusivement dédiée au dernier né de Ministry est c'est aussi pénible que l'an dernier. Pire même, parce que là ce sont quarante cinq minutes sans interlude aucun de purge auditive qui nous sont infligées. Ministry a déjà par le passé proposé des titres répétitifs et hypnotiques (Cannibal Song, par exemple, pour citer mon favori) mais les morceaux d'AmeriKKKant sont juste... vides ! Un ou deux riffs, quelques samples de voix ressassés jusqu'à l'écœurement et un peu de bidouillages electro-nul et paf, voilà un titre. Pas d'ambiance, pas d'âme, pas ce malaise vicieux que Ministry savait si bien mettre en place. Avant de commencer la seconde partie du set, "The Classics", Al nous dira même qu'on a bien mérité notre récompense ("reward") avant de lancer The Missing qui fait de suite exploser le pit. C'est presque comme si le frontman avait conscience des limites de ses nouvelles compos, mais que pour une obscure raison qui m'échappe, il se sent obligé de nous les infliger... Incompréhensible.
Et donc, quand les classiques arrivent finalement, ben tout de suite ça ressemble à un concert de Ministry et pas un requiem post-indus chiant comme la pluie. Al nous fera même cadeau d'un démentiel Jesus Built My Hotrod qui avait été mis de côté ces dernières années, un pur régal que d'entendre ce titre en live. Et une fois encore, mais on ne s'en lasse jamais, la triplette infernale Just One Fix, N.W.O et Thieves laissera tout le monde sur les rotules avant un rappel sur la reprise de No Devotion de Revolting Cocks. Un peu surprenant comme titre d'adieu, mais pas désagréable, on se laisse happer sans effort dans l'ambiance vaguement orientale que dégage le morceau. Et ça permet de faire redescendre la pression (mais pas la température, il doit faire pas loin de 70°C dans la salle) avant de retourner à la vie normale.
Setlist de Ministry:
01.Twilight Zone
02.Victimes of a Clown
03.Wargams
04.Antifa
05.Game Over
06.AmeriKKKa
07.The Missing
08.Deity
09.Stigmata
10.Jesus Built My Hotrord
11.Just One Fix
12.N.W.O
13.Thieves
14.No Devotion
L'élection d'un homme à la chevelure mutante et à la peau orange à la tête de la première puissance mondiale a poussé Jourgensen à réanimer Ministry. Pourquoi pas. Mais il semble maintenant certain que son message doit être entendu par le plus grand nombre, alors même que le message est mal exprimé (AmeriKKKant est un album chiant, pas d'autre mot) et bien trop creux et simpliste (Trump = caca). Jourgensen a l'air sincèrement convaincu de la pertinence de sa démarche, il ne semble pas être là simplement pour remplir son compte en banque. Mais le propos est définitivement trop pénible et simpliste pour avoir le moindre impact. Demeure heureusement l'inestimable héritage des années 90, et il faudra s'en contenter, je le crains.