Ministry + Shaârgoth + Treponem Pal @ L'Elysée Montmartre
L'Elysée Montmartre - Paris
Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Alors qu'il avait une nouvelle fois terminé une tournée d'adieu avec Ministry, l'élection de Trump a fourni à Al Jourgensen les circonstances (ou le prétexte) pour remettre en route la machine et pondre un nouvel album dont personne n'attendait rien (et qui s'avère aussi mou que vide, pour en faire une chronique en quelques mots). Et c'est en toute logique qu'une tournée fait suite à cette sortie, avec quelques dates en France, dont celle de Paris dont il est question ici.
À l'annonce de la date, j'avais bondi devant mon PC : Grave Pleasures était annoncé en première partie. Un choix surprenant pour ouvrir un concert des patrons de l'Indus, mais oh combien réjouissant. Sauf que, en fait non, quelques jours avant le concert la venue des Finlandais est annulée, remplacés au pied levé par Treponem Pal (dont j'ai loupé la performance) et Shaârghot.
Quand j'arrive dans la salle, le set de Shaârghot est déjà entamé et je découvre leur musique ce soir. Si leur Indus n'est pas d'une originalité incroyable, le groupe dégage néanmoins une assurance sur scène qui donne à leur performance une énergie communicative : sans être en délire, le public est déjà bien chauffé par les harangues du chanteur et les pitreries de la chose masquée qui déambule sur scène. Mais du fait d'un son de guitare trop brouillon et d'un côté un peu mash-up de tous les gimmicks des années 90/2000 (micros effets pyrotechniques à la Rammstein, "jump the fuck up" et baril à la Slipknot) j'ai peu à peu l'impression d'avoir affaire à un groupe sans réelle personnalité, de ne trouver qu'un collage d'influences diverses. Et quand, après le concert, j'entends parler en français le chanteur qui ne s'était jusque alors adressé à la foule qu'en anglais, cet aspect un peu factice, déjà perceptible sur scène, est définitivement confirmé : Shaârghot n'est pas mauvais, simplement c'est une sorte d'hommage mal déguisé à des groupes plus talentueux qu'eux. Cependant, l'objectif de malaxer le public pour l'offrir tout tendre à l'ogre Jourgensen est rempli, ce qui n'est pas toujours gagné d'avance.
Le dernier concert de Ministry auquel j'avais assisté était une pure bombe : en clôture du Motocultor, Al et sa bande avaient fait des ravages avec une setlist 100% best-of pour ce qui était alors leur tournée d'adieu. Mais mais mais mais, v'là t'y pas qu'Al n'a une fois de plus pas tenu ses promesses de campagne et qu'il s'est trouvé un nouveau punching ball. Deux Trump-poussins encadrent la scène et c'est sur le slogan de campagne du magnat de l'immobilier que débute le concert, lançant ainsi un I Know Words mou du cul comme c'est pas permis. La première séquence du set est d'un pénible fantastique, les nouveaux morceaux réussissant à être encore plus flasques et distendus que sur album. J'espérais que le groupe ait la bonne idée d'en proposer le strict minimum et d'assurer le reste avec des classiques, mais pas du tout. On aura le droit à trois titres d'Amerikkkant en ouverture, plus un deuxième service en milieu de set. Des six morceaux du nouvel album, seul Wargasm et son refrain aux voix multiples et l'un peu plus vindicatif Antifa parviennent à produire quelque chose en live.
Fort heureusement, les bons gros morceaux qui tachent sont bien présents et la différence d'intensité avec les nouveaux ne les rend que plus mémorables. Quand la doublette Punch In The Face et Senor Peligro est jouée, la foule s'anime immédiatement d'une énergie débordante. Mais c'est bien la séquence avec les titres du début 90's qui mettra le public en délire total : l'enchaînement Just One Fix, NWO et Thieves est complètement imparable. Jourgensen n'est bien sûr plus le grand cinglé qu'il était quand ces titres sont sortis, mais il parvient toujours à leur donner une vivacité qui fait plaisir à voir. Peut-être un peu moins en forme qu'au Motocultor, il est quand même bien loin de l'épave qu'il a pu être à certaines périodes.
Après un So What aussi rampant que malsain, le rire obsédant d'Al venant hanter les refrains , Ministry quitte la scène pour revenir le temps d'un petit morceau, Bad Blood, pour finalement s'en aller définitivement.
Setlist de Ministry :
01.I Know Words
02.Twilight Zone
03.Victims of a Clown
04.Punch in The Face
05.Senor Peligro
06.LiesLiesLies
07.We're Tired Of It
08.Wargasm
09.Antifa
10.Just One Fix
11.NWO
12.Thieves
13.So What
Rappel
14.Bad Blood
Qu'attendre de Ministry en 2018 ? Sur album, rien du tout. En concert, c'est une autre histoire, les vieux morceaux n'ont rien perdu de leur modernité et de leur force de frappe, la grande incertitude étant le géniteur desdits morceaux. Avec son pupitre pour ne pas oublier les paroles plus récentes, Al est bien loin de la machine à scandale qu'il était au sommet de sa carrière. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir le charisme et l'énergie suffisante pour mettre en branle ses fans et après plusieurs décennies, c'est déjà pas mal. Peut-être bien qu'au lieu de déclarer sans cesse la fin du groupe, Al devrait miser sur le format tournée best-of for ever jusqu'à ce que mort s'en suive, ça nous éviterait des coups de mou dans les concerts lorsque les titres récents débarquent.
Merci à Garmonbozia pour cette soirée !