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Le Hellfest 2010 ayant une programmation orienté old school, il semble assez logique avant le festival de l'enfer de réviser ses classiques. Place donc à la tête d'affiche de la seconde journée du Hellfest 2010, Monsieur Vincent Furnier, plus connu sous le nom d'Alice Cooper et son concept album The Last Temptation sorti en 1994.
Petit retour sur cette icône qu'est Alice Cooper. C'est un artiste atypique dans le Rock et le Metal, décrié par les uns, sanctifié par les autres, et brocardé par beaucoup d'ignares. Alice Cooper c'est une voix unique qui lui permet de jouer sur de nombreux registres, du Hard Rock dans ce qu'il a de plus classique, en passant par des passages digne de crooner, les albums d'Alice Cooper du fait de sa voix changeante ont toujours une ambiance unique. Il est aussi un artiste avant gardiste , avec un univers bien défini et qui a su jouer de son image entre grand guignol et horreur, sur fond de corpse paint horrifique (Kiss, ou les groupes de Black Metal n'ont rien inventé messieurs dames). Il fut aussi l'un des pionniers de l'imagerie Metal diabolique et sanguinolente. Cet univers et cette imagerie fait partie intégrante à la fois de la musique, des inspirations et thèmes abordés et bien évidemment ceci a contribué à la réputation légendaire d'Alice Cooper en concert. Alice Cooper, pour anecdote est le seul artiste a avoir utilisé un extrait de tableau de Salvador Dali, (Marché D'esclave avec Apparition du Buste de Voltaire) avec le consentement de l'artiste, pour illustrer son album Dada, qui est une référence au mouvement artistique le dadaïsme. Dali réalisa même une oeuvre en hommage à Alice Cooper. Il traversa des périodes sombres qu'il utilisa comme inspiration dans ses albums et est réputé pour son génie, son talent, et son intelligence (c'est aussi un excellent golfeur).
La discographie d'Alice Cooper est prolifique depuis 1969, (25 albums studio) mais très inégale sur la qualité proprement dite. D'ailleurs Alice Cooper est un artiste dont seule la réputation scénique permet toujours de déplacer les foules, ses albums sortent dans un anonymat assez étrange (qui pourrait me citer les noms de ses derniers albums?). Il est pourtant très intéressant de se pencher sur sa discographie qui possède de nombreux petits bijoux, et comporte souvent de prestigieux invités (Slash, Joe Satriani, Ozzy Osbourne, Steve Vai, Joe Perry, Chris Cornell...). Il doit être aussi l'un des seuls artistes dits Metal a avoir eu une de ses chansons reprise par Franck Sinatra.
Il aurait été simple de chroniquer un de ses plus vieux albums (Billion Dollar Babies, Welcome to My Nightmare par exemple) ou son dernier opus (Along Came A Spider), mais te faire découvrir cher lecteur, un disque méconnu sera la mission de ces quelques lignes qui suivent, et qui vont vous conter l'histoire de l'album conceptuel The Last Temptation d'Alice Cooper...
Séquence souvenir et nostalgie :
Retour dans le passé, nous sommes en juin1994, l'été approche, La Cité de La Peur a fait pleurer de rire toute la France, à Cannes un jeune réalisateur cinéphile remporte la Palme d'Or avec Pulp Fiction, et la jeune génération des années 1990 venait juste auparavant de (re)découvrir Alice Cooper dans le film culte Wayne's World. Le Grunge se dissipe avec la mort de Kurt Cobain, le Hard FM ne s'est jamais remis du coup de pied dans le cul en provenance de Seattle, le Néo Metal / la fusion fait son apparition avec des groupes comme Korn, Rage Against the Machine... En Juillet sortira le premier album de Marilyn Manson (Portrait of an American Family). Manson pour se forger son image, s'est fortement inspiré d'Alice Cooper, dont sort dans les bacs l'album The Last Temptation.
En 1994 les magasins de disques étaient plus nombreux que de nos jours, internet inexistant (quoi quoi mon dieu est ce possible?) et peu de radio diffusaient du Rock, ou du Metal (c'est toujours le cas aujourd'hui). L'achat d'un CD était un événement, et la découverte d'un album un rituel. Et ce fut encore plus le cas pour cet album The Last Temptation. Alice Cooper a souvent durant sa discographie tourné ses albums comme des concepts albums autour d'une histoire qui est le fil conducteur du disque. Alors pourquoi donc, cet album ci, et son concept serait si originaux? Car la découverte de The Last Temptation, en rayon de disques, fut d'abord visuelle, car le CD était en vente accompagné d'un Comic Book avec au scénario Neil Gaiman (légende des comics) et Michael Zuli au dessin. Un beau comics au format US, édité par Marvel Comics dont l'histoire indissociable de cet album. Pour le même prix d'un CD normal était donc inclus l'album, et un comic book, The Last Temptation.
Signalons qu'en 1994 les comics n'étaient pas à la mode en France, comme dans les années 2000 avec l'avènement des films de Super Hero comme Spider-man, The Dark Knight ou encore Iron Man. Lire des comics était plus un privilège d'initiés (dont votre narrateur faisait partie), et moins bien vu que de nos jours. Les comics et leurs lecteurs étant élevés au rang de Picsou Magazine ou Babar, pour les individus moyens. Quelques années plus tard voir des personnes qui crachaient sur les comics et regardaient ces BD comme des trucs débiles, et qui désormais s'extasient sur Spider-Man, le Joker ou Wolverine est assez jouissif et fort drôle (tout lecteur de comics avant l'an 2000 doit sourire et comprendre ces quelques lignes, les plus jeunes probablement pas!).
Mais outre Atlantique les comics n'ont pas cette réputation, et une aura quasi sacrée. Les talents sont reconnus à leur juste valeur. Neil Gaiman (créateur du comics culte Sandman) scénariste plus tard de films comme Coraline, ou La Légende de Beowulf, travailla conjointement sur ce concept album The Last Temptation, et sur le comic book du même nom, à la demande d'Alice Cooper. Ici les arts graphiques, scénaristiques, et la musique, se confondent et ne forment qu'un. Pour être précis de nombreux artistes ont eu droit à leurs comics, je pense notamment à Kiss, mais ce type de collaboration et de composition, c'est tout simplement unique en son genre.
Comme expliqué précédemment nous sommes ici dans le fondement même du concept album, pour comprendre la chose il existe depuis des décennies des artistes et groupes, qui décident dans leur discographie d'organiser un album (ou plusieurs) autour d'un même concept, même histoire ou personnage qui sera la fil conducteur de l'album.
Le premier a avoir réellement inauguré ceci fut Bob Dylan avec l'album Blonde On Blonde, et la même année les Beach Boys avec le sublime Pet Sounds. On peut citer parmi les plus illustres : Sgt Peppers des Beatles, La Mort D'orion de Gérard Manset, Are you Experienced de Jimi Hendrix, Tommy des Who, The Piper at The Gates of Down , Dark Side of The Moon, The Wall de Pink Floyd, Histoire de Melody Nelson de Gainsbourg, Seventh Son Of The Seventh Son d'Iron Maiden, Kid A de Radiohead, Antichrist Superstar de Manson, Issues de Korn, ou encore From Mars to Sirius de Gojira. La liste paraît très longue mais au final sur la masse de disques dans le monde, ceci est infime, car résultant souvent d'une recherche spécifique et d'une démarche artistique poussée.
Alice Cooper prendra pour habitude de faire plusieurs albums articulés autour d'un même concept. Ce fut le cas pour citer les plus connus, de son premier album solo Welcome to My Nightmare (1975) qui s'articulait déjà autour du personnage d'un enfant appelé Steven, perdu dans un cauchemar dont il ne peut sortir. Son album From The Inside ( 1978 ) s'articule autour de personnes réelles qu'Alice Cooper a rencontré lors de son séjour dans un sanatorium lors de son traitement pour son alcoolisme. Alice Cooper a la particularité aussi de s'être inspiré récemment d'un tueur en série nommé Spider pour son dernier opus Along Came a Spider ( 2008 ).
Mais place au concept album The Last Temptation d'Alice Cooper sorti en 1994 :
La pochette de l'album est signées Dave Mc Kean. C'est un savant mélange de photo montage, de peinture et de dessins, au rendu tout simplement superbe. Dave Mc Kean a réalisé des pochettes pour des artistes tels que Tori Amos, Fear Factory, My Dying Bride, Testament, Kreator... Le livret comporte les paroles d'un côté avec indiqué le casting du comic book, et de l'autre un mini poster représentant 2 planches de la BD.
The Last Temptation est une aventure musicale, mais aussi scénaristique, et graphique via le comic book. Comme il a été dit un peu plus haut, toute l'histoire et les personnages de cet album et de la bande dessinée ont été à la demande d'Alice Cooper, le fruit d'un travail, et d'une démarche artistique commune entre Alice Cooper et le scénariste, et auteur Neil Gaiman. The Last Temptation suit donc les aventures d'un jeune garçon dénommé Steven qui, le soir d'Halloween va se retrouver en contact avec un mystérieux maître de cérémonie (Showman) qui va lui proposer de rejoindre sa troupe de théâtre. En échange l'immortalité lui serait offerte, mais sans vieillir ni vivre à l'âge adulte...
Les titres suivent donc l'histoire, et les textes sont parfois comme sortis de la voix de l'enfant, ou de ses pensées. Ou tirées de la voix du personnage ressemblant à Alice Cooper qui argumente pour convaincre et tenter le jeune Steven. D'autres textes tournent autour des autres personnages ou des scènes et situations que l'on retrouve dans la BD.
Musicalement cet album The Last Temptation commence par quelques notes acoustiques, puis nous avons droit à un concentré de Hard Rock aux multiples influences, dans ce qu'Alice Cooper sait faire de mieux. On sent une touche de Heavy limite proche d'Opéra Rock sur certains titres. Les soli de guitare sont présents et servent parfaitement chaque titre, certaines chansons faisant penser à du Guns'N Roses déjanté. On est toujours dans un esprit très second degré.
You're My Temptation comporte des choeurs et est un titre lancinant, mais qui prend de la puissance par la voix éraillé et tantôt rauque d'Alice Cooper. You're My Temptation se termine même par le personnage interprété par Alice Cooper qui fredonne Nothing's Free. Cette chanson très efficace au refrain qui rentre dans la tête, est entendu un plus tôt dans la tracklist. Car à la manière d'une musique de film, ou comédie musicale, pour quelques transitions entre les chansons, Alice Cooper joue son rôle de Maître de Cérémonie du Théatre. Il place quelques mots, en parlant ou utilisant sa voix ou des rires sarcastiques comme si il s'adressait au jeune Steven. Quand ce ne sont pas des bruits de cirque ou sons inquiétants, parfois il n'y a rien entre les chansons, pour d'autres pistes ce sont des sonorités étranges en guise d'introduction, ou des voix d'enfants. La présence de claviers rajoutent au côté dramatique des compositions et à l'atmosphère de l'histoire.
Pour cet album en invité de marque en provenance de la scène Grunge, Chris Cornell de Soundgarden est venu participer à la composition, et aussi à l'enregistrement de deux titres, Stolen Prayer et Unholy War. Pour Stolen Prayer il répond à Alice Cooper dans la chanson, qui est une sorte de duo improbable qui fonctionne magnifiquement, avec en guise de choeurs des voix d'enfants pour le refrain, les deux voix d'Alice et Chris se confondant parfaitement. Unholy War le second titre en collaboration avec Cornell est un titre plus atmosphérique, dans un esprit rock'n roll avec un son de guitare un peu plus lourd, mais moins efficace que Stolen Prayer.
Lost In America est un petit hit en puissance, où Alice Cooper joue le rôle du jeune Steven, et représente assez bien l'image du jeune gamin perdu dans une Amérique matérialiste, le titre se terminant sur les notes de l'hymne américain à la guitare. Cette piste fit l'objet d'un clip (où l'on aperçoit des images du comic book). Un second clip fut tourné pour le mélancolique It's Me que l'on trouve en avant dernière place sur l'album.
La chanson Lullaby montre l'étendu du talent vocal d'Alice Cooper : sa voix se faisant clair et douce en intro, accompagné de guitares, entre du Queen et du Meat Loaf, puis le timbre de voix se fait plus agressif, plus grave, l'ambiance devenant différente, puis enfin une tessiture très Hard Rock dans l'esprit. Ces trois styles confondus se suivent durant tout le titre, et Lullaby est probablement la composition la plus réussie et élaborée de l'album. Lullaby se conclue sur la voix claire et posée d'Alice Cooper. L'album se termine sur un titre plus rock, à l'ambiance un peu folle digne d'un mauvais rêve, sur un rythme lancinant. On entend à la fin de la chanson des sons de théâtre ou de fête foraine. Après la piste une dernière fois, mais plus doucement le personnage interprété par Alice Cooper fredonne quelques instants une chanson entendue un peu plus tôt dans l'album.
Pour conclure sur cet album The Last Temptation, on est en présence d'une sorte d'Opéra Rock, ou de Bande Originale … du Comic Book The Last Temptation. L'ambiance changeante, et les différents styles proposés, dans cet album ont du en désarçonner beaucoup. Mais Alice Cooper prouve une nouvelle fois en 1994 avec The Last Temptation, une forme d'Avant Gardisme qui lui est propre. Ici sa musique, sa voix, ses compositions sont indissociables du travail effectué en collaboration avec Nail Gaiman pour la bande dessinée (mais les deux sont appréciables sans posséder l'autre). Un concept original, et unique qui vous embarque dans une aventure, comme le ferait une musique d'un film où d'une comédie musicale, où celle d'un Opéra Rock, sauf que nous sommes ici en présence d'une aventure couchée sur papier par un auteur de Bande Dessinée.
Comme il est expliqué dans le livret du Cd, The Last Temptation, après avoir écouté la musique il faut lire le comic book. De la même manière, voici l'invitation à lire ici la chronique du comic book The Last Temptation.
1. Sideshow
2. Nothing's Free
3. Lost in America
4. Bad Place Alone
5. You're My Temptation
6. Stolen Prayer
7. Unholy War
8. Lullaby
9. It's Me
10. Cleanced by Fire
