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Décrire de façon exhaustive un album de Devin Townsend relève d’une certaine prétention, admettre être parfois dépassé par les délires musicaux du canadien une preuve de bon sens.
Œuvre et rencontre d’une folie profonde provoquée en partie grâce à la grande absorption de marijuana et d’alcool au début de sa carrière, ses deux premiers opus sous le patronyme de Strapping Young Lad resteront comme une analyse introspective des ravages de la drogue sur la santé mentale et psychologique, état qu’il ne parviendra à retrouver que partiellement dans les derniers albums de cette bête féroce et aliénante qu’est SYL.
Car de son propre aveu (aujourd’hui tout du moins), ces albums n’ont existé en tant que tels que grâce aux effets subliminaux de substances dont il ne pouvait rien contrôler, comme une exploration intérieure d’un être incapable de produire en étant sain d’esprit.
Cela veut-il dire que Devin doit son génie à la drogue et non à son talent ?
Un homme aussi humble et profondément écorché que lui avouera que oui, qu’il n’est rien d’autre que le pantin d’addictions en tout genre, rejetant son talent sur son ingestion de consommation illicite (le nouveau venu "Ki" marquera donc un tournant humain dans sa carrière de son aveu personnel).
Mais pourtant, dans le fond, qu’avons-nous à faire des raisons de la création, un auditeur ne doit-il pas s’en tenir uniquement aux aboutissements ? Il va de soi que Townsend n’est pas un de ces pitoyables pseudo artistes créant pour une célébrité éphémère et rémunératrice, il est de ceux qui extériorisent et se sert de l’art comme d’un catharsis qui l’empêche de devenir proprement cinglé.
Une folie présente à chaque instant de ce premier jet, "Heavy as a Really Heavy Thing".
Une musicalité et une violence inouïe à laquelle personne ne s’attendait après le "Sex & Religion" de Steve Vai, amalgame de deux compositeurs rongés par la folie créatrice.
Dans ce milieu de décennie marqué par l’avènement du death, et du black, bien peu pouvait oser imaginer qu’une telle boucherie allait voir le jour. Il existait bien des combos comme Impaled Nazarere, fusion de crust, de punk ultra violent et de black mais ce premier opus alla bien plus loin que tout ce qui avait déjà été dit, se contrefoutant de normes et de règles pour donner naissance à un album profondément industriel, sourd, froid et marqué par la rage et la furie de son vocaliste compositeur maniaque, ayant presque tout fait sur cet album.
Aliénant, ses vocaux respirent une haine et une envie de hurler une douleur de l’enfance toujours aussi forte, comme le cri inhumain d’un gamin blessé par la solitude, s’extériorisant seul dans un studio pour frapper, seul, le plus fort possible.
Ressentir la tension montée doucement sur l’intro de "S.Y.L", par ces effets indus et tranchants, puis par une batterie électronique, martial et glaciale, nous ravageant comme le passage d’une bombe atomique. Un chaos sonore aussi bordélique que savamment organisé, symbolisant une adolescence fragile et au bord du gouffre.
Si l’approximation vocale de Devin est belle et bien présente, elle ne fait que renforcer une spontanéité et une rage incontrôlée terrifiant encore plus un auditoire abasourdi par une telle débauche de violence.
Et si le vent chaotique de "S.Y.L" dévoile une hystérie dans la forme, le terrifiant "Goat" marque une progression plus malsaine et dérangeante, une douleur définie par un rythme lourd et grinçant, aux effets de guitares gras, aux souffles industriels déments et à cette voix, définitivement folle et démente d’un Devin de seulement 21 ans (mon dieu que ça fait mal d’entendre un être aussi jeune dans cette état de décrépitude mentale). Son chant, instinctif, maladif et presque vomi, n’est que la matérialisation d’un déséquilibre qui ne fera que grandir avec le temps et un succès qui lui tombera dessus sans qu’il n’ait rien demandé à personne.
"Cold Metal King" s’engouffre dans la même brèche, une violence sourde, lourde, déchainement d’un milliard de couches d’effets cybernétiques et indus assommant et littéralement épuisant, aussi inhumain qu’il n’est révolutionnaire et avant-gardiste.
Un titre comme "Critic" est comme une ouverture vers ce que deviendra "City", notamment dans ces chœurs si caractéristiques, et cette rapidité d’exécution complètement hallucinante. Les fous furieux "Happy Camper" ou "Skin Me", monstres de schizophrénie défaillante et monstrueuse, évoquant déchéance et délires grâce à un défilé vocal proprement barbare (Skin Me est quasi incroyable sur ce point).
Vouloir en dire plus serait inutile, "Heavy as a Really Heavy Thing", tout comme "City", "Alien", "Infinity", "Terria" ou "Ocean Machine", sont des albums qui se vivent avant de se raconter, des défilements d'images aussi imagés qu’étrangement limpides, comme une visualisation d’un for intérieur que l’on voudrait voir cacher pour toujours, tant cette vision horrifique de la folie touche et terrifie.
Nietzsche disait que la vie sans la musique était une erreur, Mozart que la folie était une partie intégrante de la composition, Devin compris ces deux immenses hommes pour entrouvrir un nouveau monde musical, une nouvelle existence sonore, celle d’un homme malade mais terriblement humain, et ne se cachant derrière aucun concept pour être incroyablement brutal…simplement l’histoire d’un corps et d’une vie trop étroite pour une vision si novatrice et écorché de la vie…un homme…simplement un homme…
1. S Y L
2. In the Rainy Season
3. Goat
4. Cod Metal King
5. Happy Camper (Carpe B U M)
6. Critic
7. The Filler - Sweet City Jesus
8. Skin Me
9. Drizzlehell
Bonustrack
10. Satans Ice Cream Truck
11. Japan
12. Monday
13. Exciter (live cover Judas Priest)