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Vous pouvez lire dans nos pages la chronique de la démo d'Abyss, et vous verrez que, déjà, le groupe francilien basé aux alentours de Chelles en Seine et Marne, avait un potentiel à exploiter. Ils ont depuis lors approfondi leur concept visuel et textuel, travaillé leurs chansons et se sont créés une personnalité. En gros, ils ont mûri. Et c'est cette maturation qui leur donne une certaine légitimité lorsque paraît cet EP : Against The Sea, recueil de cinq titres produit par les musiciens. Tout le monde le sait, la mer est une garce, et lutter contre elle est souvent peine perdue. Par contre pour faire passer sa peine, on peut forcément se jeter un bon quart d'heure de musique extrême aux accents techniques.
Un des changements notables est le logo, plus travaillé et reconnaissable. Le groupe s'est trouvé une mascotte : le kraken et ses tentacules à ventouses. Sur la pochette, on le voit s'acharner contre un phare qui a déjà maille à partir avec les vagues impressionnantes qui lui battent les flancs. De ce poulpe géant dont l'image n'est pas forcément ravissante mais rappelle les meilleures heures de vingt milles lieux sous les mers, Abyss a pris la faculté de se saisir de diverses choses et de les manipuler à bon escient. Nous appellerons ces « choses » : influences, tendances, sons ou tout ce qui touche à la musique et qui a permis au groupe de cadrer leur univers.
Et cela commence par arrondir les angles d'une musique bien carrée : en introduction, on nous sert une partie de violon bien inquiétante, histoire de mettre l'auditeur dans l'ambiance. On se projette sur un navire face aux creux de l'océan avec ses hommes qui luttent et entendent la musique de la fatalité, grinçante et déprimante. Et soudainement, au milieu de Into The Tempest, l'équipage se prend la vague tellurique en pleine face. Alors on reste toujours dans une sorte de crescendo sur ce premier morceau qui ne se lâchera que sur les premières notes de Beyond The Lighthouse et surtout à l'apparition du chant d'Alex.
Servis par un son parfaitement équilibré, Abyss développe ses morceaux en suivant plusieurs pistes de manière simultanée ou consécutive. Très clairement, les guitares ne sont pas là pour répéter un plan à l'unisson, on retrouve en dehors des soli, de nombreux riffs qui ne sont pas doublés et où chacun des deux guitaristes propose quelque chose de différent et on entend parfois jusqu'à trois guitares sur Descent in the Nile. On s'imagine le travail minutieux de composition qui a permis ce rendu. De plus quand on se penche sur chaque titre, on remarque que l'ambiance n'est évidemment par la même mais que les styles qui composent le fond de la musique d'Abyss sont tous représentés à chaque fois. Une partie progressive, une partie bien extrême, des relents thrash ou heavy, une partie un peu plus facile taillée pour le live, de la mélodie et de la technique. Certes, vous me direz que cela rend les morceaux un peu fourre tout, mais tout est fait avec minutie et surtout avec une vocation de variété, donc l'ennui n'est pas au rendez-vous.
On pourrait même penser qu'Abyss a trouvé quelques passages cultes pour faire headbanguer les metalleux : sur Descent in the Nile les parties centrales enrobées de blasts, ou le riff extra heavy de The Navigator sont les grands gagnants de cet EP à mon goût. On prend un vrai plaisir à l'écouter, et le tout prend une dimension supplémentaire en live. Difficile de faire plus riche, et c'est bien là où on se demande comment ils composer un album entier en gardant la même ligne de conduite et surtout en proposant une variété dans les morceaux. Mais il ont réussi le tour de force d'étoffer leur musique et leur identité en prenant leur temps, alors on ne peut qu'espérer le meilleur pour la suite.
1. Into the Tempest
2. Beyond the Lighthouse
3. Descent in the Nile
4. The Navigator
5. Invasion from the Abyss