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L'Irak est devenu pour les Américains des années 2000 le même cauchemar que le Vietnam pour leurs grands parents. Une situation dramatique, des intérêts mondiaux politico-économiques, le clash de deux visions opposées du monde, bref la recette du désastre. Depuis que les dirigeants et la majorité de la population a reconnu que les termes de victoire et pacification ne pourraient jamais s'appliquer à leur action et que, pour parler vulgairement, ils s'étaient pris une branlée, le processus de réflexion, de repentance et de reconnaissance de la souffrance des soldats et des populations a commencé. Alors on va pour les prochaines décennies nous sortir des films et des livres larmoyants sur ce thème, mais chose plus surprenante, un groupe de métal a décidé de se jeter dans l'arène. Pour leur douzième album studio, Queensrÿche a décidé de nous faire voir la guerre à travers les yeux d'un soldat américain.
Un concept album suit une ligne directrice et parfois cette ligne impose son empreinte sur la musique. Et bien dans American Soldier, on sent qu'une partie du drame qui se noue dans l'histoire a des résonances dans la musique. On arrive presque à lire l'histoire rien qu'en écoutant les notes. De l'enthousiasme du jeune loup arrivant en terrain de guerre (Silver) jusqu'au désespoir (Man Down) pour finir avec la douce sensation du retour à la maison en rêve et par lettre (Home Again). Les états d'âme et les moments de tension sont plutôt bien représentés et on passe du gros riff à l'acoustique de manière harmonieuse. Ne nous emballons pas de trop, le rythme n'est pas non plus trop effréné, Queensrÿche est un groupe qui aime imposer son son et son tempo et le tout est plutôt mid-tempo. Les variations sont d'ordre de la distorsion et de l'intensité de la chanson : The Killer sonne plus enlevé que Middle of Hell qui est plus dense si l'on voulait prendre deux exemples.
Un des détails appréciable de cet album c'est qu'il ne perd pas de vue son objectif musical, il ne veut pas se donner trop de grands airs et la guitare a toute sa place tout au long de l'album, on ne perd jamais de vue que l'on écoute un album de métal et pas la bande originale d'un récit quelconque. D'ailleurs on pourra noter l'importance de la basse qui claque de fort belle manière tout au long du disque ; on pourrait prendre en exemple Hundred Mile Stare pour se rendre compte de l'épaisseur qu'elle amène à la musique. Au niveau instrument on peut aussi citer la présence d'un saxophone relativement anecdotique, j'irai même jusqu'à le taxer de gadget puisqu'il n'apporte pas grand chose aux titres sur lesquels il apparaît (dead man's words par exemple).
Pour donner plus de corps au concept, Queensrÿche a cru obligatoire de poser des transitions ou des citations sur les chansons. Bon, le procédé est discutable puisqu'il vient couvrir la musique et puis on a bien compris qu'on était sur un terrain de guerre donc parfois rajouter des tirs ou des cris peut sembler superflu. Ne parlons pas de Home Again, où c'est un enfant qui chante et là on se retient pour ne pas mourir de rire, surtout que les lignes de chant sont bancales.
L'arme ultime de Queensrÿche est bien sûr leur frontman Geoff Tate. N'étant pas familier de ce groupe, je ne pourrai guère juger d'une éventuelle évolution mais on ressent assez fortement ce piédestal créé autour de lui, cette manière de lui réserver une place de choix dans les titres, de mettre en valeur son timbre et toutes ses variations. Il me semble parfois un peu fatigué, à moins que ce ne soient mes oreilles ! Les nombreux moments acoustiques portent sa voix, comme sur Remember Me, où la mélodie ne semble pas complexe et pourtant le titre remplit bien sa fonction de power balade. On a aussi pléthore de chœurs pour donner encore plus dans le dramatique.
Queensrÿche a réalisé un album solide, et plus je l'écoute plus je me dis que parfois la simplicité touche que des montagnes de technique. Malgré tout, les titres sont un peu tous construits sur le même modèle : on commence doucement puis on monte en puissance. Des schémas très structurés et assez carrés afin que le concept puisse se développer de manière assez harmonieuse. Dommage qu'American Soldiercherche trop à toucher le pathos des soldats américains car ils ont assez de qualités musicales pour éviter cet écueil. Néanmoins, je vous recommande une écoute de cet album et vous vous laisserez prendre à son ambiance et son métal progressif travaillé.
1. "Sliver"
2. "Unafraid"
3. "Hundred Mile Stare"
4. "At 30,000 ft."
5. "A Dead Man's Words"
6. "The Killer"
7. "Middle Of Hell"
8. "If I Were King"
9. "Man Down!"
10. "Remember Me"
11. "Home Again"
12. "The Voice"