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Album

24 mai 2018 - Nostalmaniac

Cosmic Church

Täyttymys

LabelKuunpalvelus
styleBlack Metal
formatAlbum
paysFinlande
sortiemai 2018
La note de
Nostalmaniac
9/10


Nostalmaniac

Le Max de l'ombre. 29 ans. Rédacteur en chef de Horns Up (2015-2020) / Fondateur de Heavy / Thrash Nostalmania (2013)

Il y a tellement de choses à dire sur la scène Black Metal finlandaise qui, avouons-le, éclipse depuis bientôt deux décennies la scène norvégienne, ou plus précisément et pour éviter les malentendus la génération post-2000. 

Deux scènes qui dans les 90's ont entretenu des rapports conflictuels, bien que cela fasse plus partie de la légende que de la réalité comme l'écrit Dayal Patterson dans le premier volume indispensable de "Black Metal - Evolution of the Cult" (chroniqué dans nos pages). Une légende néamoins étofée par quelques traces écrites comme l'inénarrable Count Grishnackh alias Varg Vikernes dans les colonnes du 'zine Kill Yourself clamant que "les seuls vrais groupes sont de Norvège" et décrivant les groupes finlandais comme de "stupides clowns". Du coté finlandais, Impaled Nazarene laissera également une trace bien visible avec une réponse cinglante au dos de son premier LP, « Tol Cormpt Norz Norz Norz... » en 1993 : "NO ORDERS FROM NORWAY ACCEPTED !!!!!!!!!!". En réaction, on parlera par la suite de menaces de morts par courrier visant Impaled Nazarene mais aussi Beherit de quoi évidemment alimenter cette légende norvégo-finlandaise de "Dark War". 

Mais voilà, nous ne sommes plus dans les 90's et avec le recul si rivalité il y a eu, quel véritable amateur de Black Metal peut nier l'importance et l'infuence de ces deux scènes ? La Norvège a connu son âge d'or et la relève finlandaise semble connaître le sien à travers d'innombrables projets, pas toujours assez mis en valeur.

C'est le cas de Cosmic Church bien que volontairement discret mais que je suis de près depuis son premier album en 2010. Un premier album qui fait pâle figure à coté de « Ylistys » sorti trois ans plus tard. Pourtant avec les mêmes ingrédients mais un sens du riffing plus affuté que jamais. Vous savez, ce fameux riffing finlandais, poignant et intense, largement emprunté à la sulfureuse scène toulonnaise (Seigneur Voland, Kristallnacht). 

En avril 2017, l'homme au costume rouge annonçait la dissolution de l'église cosmique en promettant toutefois un album final. Un peu plus d'un an après, il honore donc sa promesse avec « Täyttymys » (qui signifie "accomplissement" pour les linguistes) dont les extraits, parcimonieusement dévoilés, avaient de quoi créer une certaine excitation. 

Passionné par l'art noir et enraciné dans l'underground, Luxixul Sumering Auter n'a pas peur pour autant d'explorer de nouvelles voies. Sans trahir ses fondements, il arrive à glisser avec brio des influences post-rock avec un dosage minutieux. C'était déjà le cas pour « Ylistys » et ce feeling transparaît encore plus dans cet album final. Le meilleur exemple étant sans doute le morceau "Sinetti" avec ses arrangements élaborés et son accélération pleine de tension. L'interlude funèbre "Alttari" le confirme aussi,  l'ombre des Canadiens de Godspeed You! Black Emperor plane sur ce disque et la tête pensante du projet ne s'en est pas caché. Il a bien raison et prouve qu'on peut avoir ce genre d'influences sans tomber dans les errements du post-black ou du black atmo. D'autant plus si on ajoute à ça des nappes de synthés majestueuses ("Aloitus", "Täyttymys", "Vangittu") ou épiques ("Armolahja") avec des alternances de très bons riffs mélodiques et de déferlantes haletantes et intenses. Le secret ? Peut-être un amour sincère des classiques du Black Metal qui ne se drape pas de vieux gimmicks éculés. Passéiste dans l'esprit peut-être, mais actuel. 

Alors que je me crois mithridatisé par l'écoute d'énormément d'albums de Black Metal, celui-ci m'a vraiment impressionné par son niveau constant d'inspiration et ce que les compositions dégagent. Du mystère (à l'image la pochette), de la mélancolie et de la majestuosité. On n'est pas dans un registre haineux même si l'ensemble reste hostile, surtout pour les non-inités. A travers ces sept titres et ses 43 minutes, Cosmic Church nous embarque dans un dernier voyage mystique fascinant dont je ne me lasse pas écoute après écoute.

Voilà peut-être une voie à suivre. Quand certains brisent les codes avec plus ou moins de génie ou campent sur une vision régressive, Cosmic Church enrichit subtilement son Black Metal avec une vision qui fait aujourd'hui tout le charme de sa discographie et de cet album final. Un projet à part dans la scène finlandaise qui se retire au sommet de son art et qui, on l'espère, fera des émules. C'est toujours mieux que vouloir être un Batushka-bis, non ? En attendant, je vous recommande de vous plonger dans leur disco, en n'oubliant pas l'excellent EP « Vigilia » paru en 2015. Cosmic Church n'est plus mais on peut imaginer que Luxixul Sumering Auter ne manquera pas de projets à l'avenir. On le retrouve déjà dans Frozen Graves qui a sorti un premier album remarquable l'an dernier, très discrètement aussi. 

COSMIC CHURCH 2004-2017

Tracklist:

1. Aloitus
2. Armolahja
3. Sinetti
4. Huuto
5. Vangittu 
6. Alttari
7. Täyttymys