La caution grunge du webzine.
Les temps sont durs pour Machine Fucking Head (c'est le nom de leur second album live !). Et il y a une actualité (pour ne dire pas une polémique) dont Robb Flynn se serait bien passé en fin d'année 2017, deux mois seulement avant la sortie de leur neuvième opus. Le premier single à peine dévoilé, la "police du riff" - pour reprendre les propres termes de Flynn sur Twitter, a noté de fortes similarités entre les guitares de Beyond the Pale et celles de Love? des Canadiens de Strapping Young Lad, jusqu'à en faire une affaire d'État, poussant même le chanteur à s'en justifier sur les réseaux sociaux et Devin Townsend, à venir à la rescousse de ce dernier. Vous conviendrez que ce n'est pas la meilleure façon d'entamer la promotion d'un nouvel album, surtout lorsque la signature avec Nuclear Blast ne remonte qu'à quatre ans en arrière et que l'on ressort d'une collaboration parfois tumultueuse de presque vingt ans avec Roadrunner (cf. l'échec commercial de Supercharger en 2001 qui entraînera une scission avec la maison de disques, avant que celle-ci ne se décide de leur offrir un nouveau contrat sur l'album suivant). A cela vient s'ajouter un retour à des inspirations nu-metal, certes cohérentes au vu de l'état de la scène, plus en forme qu'à une certaine époque (il n'y a qu'à voir l'affiche du Hellfest 2015, le retour du lead guitarist Brian "Head" Welch dans Korn et toutes les sorties marquantes du genre depuis 2010), mais qualitativement, à des années-lumière de l'excellent The Burning Red, - une oeuvre qui, quoi qu'on en dise, jouissait d'une vraie personnalité, appuyée par une ambiance perturbante voire étouffante par moments, que l'on peut rapprocher du Drowning Pool de Dave Williams ou encore du Papa Roach d'Infest.
On ne perdra pas son temps à euphémiser sur les inspirations de cet album (Korn, Slipknot/Stone Sour) qui sont à l'évidence plus que de simples références. La vérité est que Robb Flynn s'illustre davantage en tant qu'imitateur qu'en tant que chanteur. On se demande parfois si Machine Head ne fait pas tout ce qui est en son pouvoir pour s'attirer les foudres des internautes, allant même jusqu'à appeler Behind a Mask une ballade acoustique à la Stone Sour, comme pour préciser le vocaliste qu'a cherché à parodier le groupe... Avoir intégré des complaintes post-grunge très typées milieu des années 2000 à la Come What(ever) May (Bastards reconnaissable à ses guitares qui sonnent comme des parties de clavier démodées et bien sûr Behind a Mask), dans un album qui essaie de vulgariser le néo-metal des origines n'ajoute pas à la cohérence artistique de Catharsis. L'autre faute de goût de ce Behind a Mask a été de faire intervenir le bassiste Jared MacEachern aux choeurs sur les refrains, - sa voix particulièrement moderne (qui n'est pas du tout en harmonie avec la musique mais qui aurait pu l'être dans un morceau plus progressif) - provoquant un décalage avec la voix rocailleuse de Flynn. Tout paraît forcé dans cet album et manque de naturel, comme si Machine Head n'arrivait pas à être lui-même. Les titres auxquels on prête un côté "expérimental" sont en fait des ballades génériques (ainsi que des morceaux intégrant des arrangements alto/violon/violoncelle) chantées sur la même tonalité, à l'image d'un Eulogy qui ne peut être agréable à écouter que parce que l'on s'imagine que Corey Taylor est derrière le micro, et quand bien même ce serait le cas, on est loin de l'émotion dégagée par le Snuff de Slipknot... Mais tout n'est pas foncièrement mauvais dans ces "clins d'oeil qui n'en sont pas". A condition de faire abstraction du refrain pathétique de Triple Beam qui caricature parfaitement le néo-metal immature de Machine Head, certaines notes de guitare qui finissent par une légère distorsion, rendent le titre pesant. Elles nous évoquent le Korn des premières heures (Need To qui apparaît sur l'éponyme), la qualité de mixage en plus, signée du chanteur lui-même et de Zack Ohren (Immolation, Fallujah, All Shall Perish). Enfin, à défaut d'avoir le moindre poids dans cet album, les refrains Corey Taylor-like de Grind You Down font du bien aux oreilles, loin des braillements habituels de Robb Flynn.
Dans la mesure où cela fait près de 15 ans que Machine Head a publié son dernier album étiquetté néo-metal (Supercharger en 2003), il était à prévoir qu'il n'en maîtrise plus du tout les codes. De l'intemporel "fuck the world" qui ouvre l'album au délicieux "oh, come on" glissé en introduction de Beyond the Pale, les clichés liés à la musique sont légion. Ils sont l'essence même de Catharsis, et la seule façon pour le groupe d'envisager de faire du néo-metal en 2018. Les seules poutres qui permettent à l'album de ne pas s'effondrer, et à l'auditeur, de prendre sa respiration, demeurent les chants clairs, globalement moins surfaits (Catharsis, Hope Begets Hope et Heavy Lies the Crown pour n'en citer que quelques-uns), seulement, il faut aller chercher la plupart d'entre eux sur la deuxième voire la troisième partie de la tracklist, ce qui est dommageable pour les Américains. Aussi - et malheureusement -, le recours au chant clair est casse-gueule et souvent bien mal pensé. Par exemple, sur les pré-refrains de Beyond the Pale, l'arrivée des clean vocals casse le rythme des couplets, à la fois groovy et entraînants. Par ailleurs, les guitares, très portées sur l'aspect mélodique et aérien, rappelleraient le In Flames de ces quatre dernières années si elles n'étaient pas systématiquement gonflées aux somnifères. On passera sur le solo convenu et plus que timide qui survient aux alentours des trois minutes, qui s'avère nettement moins efficace que celui de California Bleeding. Certes, cet album possède quelque chose de très progressif qu'on ne peut lui enlever (Cathartis, Bastards, Heavy Lies the Crown), toutefois, les points positifs du disque (des miettes au regard de la piètre qualité de celui-ci), sont vite oubliés, en raison de tous les instants gênants et grossiers qui s'entassent, à l'instar du hip-hop faussement burné de Triple Beam qui se la joue mauvais Korn ou de l'affligeante introduction de Kaleidoscope qui démarre par un "claps your hands" à rendre l'auditeur hilare, soutenu par une voix d'adolescent en train de muer - celle de Robb Flynn.
Peut-on réellement mettre toutes ces erreurs sur le compte de la maladresse ? Non. Les aficionados de néo et par extension, de metal, auront la sensation que l'on s'est foutu d'eux et c'est bien normal. Le seul moment d'émotion que nous livre Machine Head se situe sur la chanson éponyme. Dans sa configuration actuelle, l'album est indigeste, au moins sept pistes de trop. Mérite tous les honneurs celui qui est capable de l'écouter d'un trait. Le fait que ce CD soit bien produit et que les chants clairs brillent par leur pureté ne constituent pas à eux seuls une raison suffisante pour qualifier Catharsis d'album de qualité. Car les compositions n'ont aucune classe, aucune distinction, ni aucune âme. Décidement, Capitaine Flynn, tu n'es pas de notre galaxie...
Tracklist :
- Volatile (4:39)
- Catharsis (6:11)
- Beyond the Pale (4:31)
- California Bleeding (4:12)
- Triple Beam (4:41)
- Kaleidoscope (4:04)
- Bastards (5:04)
- Hope Begets Hope (4:30)
- Screaming at the Sun (3:55)
- Behind a Mask (4:07)
- Heavy Lies the Crown (8:49)
- Psychotic (5:02)
- Grind You Down (4:07)
- Razorblade Smile (4:00)
- Eulogy (6:34)