"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Pionnier du Deathcore technique et progressif, Veil Of Maya commence mine de rien à se faire une belle carrière, avec 6 albums en 13 années d’existence. Un parcours qui a été quelque peu mouvementé avec des changements de line-up mais la formation américaine a tenu la barre. Et en a bien sûr profité pour évoluer, il y a déjà un bon bout de chemin entre le Deathcore déjà relativement complexe de All Things Set Aside (2006) et la fulgurance technique et dynamique de Eclipse (2012). En passant aussi par [id] (2010), leur troisième album qui les avait réellement révélés et qui était d’ailleurs sorti le même jour que le premier album éponyme de Periphery, tous les deux chez Sumerian Records, label dont Veil Of Maya est rapidement devenu un chef de file avec un style parfois baptisé « Sumeriancore », aux côtés de Born Of Osiris et After The Burial. Puis il y a eu une menue cassure. En 2014, le groupe annoncera le départ de son second chanteur Brandon Butler, remplacé par Lukas Magyar de Arms Of Empire. La raison de ce départ, les sempiternelles divergences musicales… Et Matriarch (2015) confirmera alors le nouveau départ de Veil Of Maya, usant désormais de chants clairs et composant des morceaux plus mélodiques et plus typés Djent que Deathcore progressif. Le groupe conservera tout de même son côté technique et foufou avec des morceaux bien sentis comme "Leeloo", "Phoenix" ou "Teleute", dommage que Matriarch était globalement hétérogène. Mais Veil Of Maya semble changer son fusil d’épaule sans totalement renier ce qu’il fait depuis 2008 et The Common Man’s Collapse, ce qui devrait être confirmé par False Idol, album qui a la charge d’entériner l’évolution du groupe entamée avec Matriarch.
On reprend donc les mêmes et on recommence, toujours chez Sumerian Records. Et après l’intro "Lull", on comprend que Veil Of Maya n’a pas perdu sa force grâce au bien tranchant "Fracture", où le groupe se lâche encore au niveau des compos complexes, avec des moments rythmiques sautillants qui font toujours leur effet de même que les ambiances futuristes et mystiques. Lukas Magyar assure niveau growls et cris et le son est bien fat sans en faire des tonnes. Nous avons déjà le droit à un refrain en chant clair mais il ne fait pas tache, dans la lignée des meilleurs morceaux à chant clair de Matriarch comme "Ellie" ou "Mikasa". "Doublespeak" poursuit admirablement cet effort, il s’agit assurément du hit de False Idol. Veil Of Maya est donc plutôt inspiré et semble avoir le bagage pour livrer une bonne suite à Matriarch, "Overthrow" le confirme encore, avec de bien bons riffs et le meilleur refrain clair du disque. Mais on commence quand même à se poser des questions… Si c’est quelque chose qu’on ressentait déjà à l’écoute de Matriarch, on constate de nouveau ici que Veil Of Maya ressemble de plus en plus à Periphery en perdant petit à petit une bonne partie de son identité. Sentiment exacerbé par le fait que Lukas Magyar a quand même une voix claire très proche de celle de Spencer Sotelo, et cette voix claire, il finit quand même par en mettre de trop, ce qu’on déplore déjà sur "Doublespeak". Et ce n’est pas qu’une question de voix claire, la musique de Veil Of Maya devient de plus en plus mélodique et s’éloigne du Deathcore pour pencher nettement vers un Djent assez sucré. Il nous reste des passages techniques qui déboitent bien mais ils se font de plus en plus discrets, pour laisser place à un Djent lumineux et accessible. Le tout dans la lignée des moins bons morceaux de Matriarch… Est-ce vraiment ce qu’on attendait d’un groupe qui a généré des albums révolutionnaires comme [id] et Eclipse ?
Avec False Idol, Veil Of Maya use et abuse donc de son aspect Djent mélodique en délaissant souvent ce qui faisait le charme de ses 4 premiers albums et même de certains morceaux de Matriarch. On se retrouve bien vite avec une collection de moments épurés dans la lignée des passages mélodiques de "Doublespeak" et "Overthrow", avec un Lukas Magyar qui nous montre qu’il sait trop bien chanter comme Spencer Sotelo dès qu’il le peut. Le sirupeux "Whistleblower" avec ses claviers et ses passages « mmm mmm », le totalement mélo "Manichee", l’effroyable début de "Citadel"… et que dire du refrain usant et niais de "Echo Chamber", tout ceci est à oublier au plus vite. Veil Of Maya essaye décidemment de se prendre pour Periphery et le Periphery le plus mélo, et ça ne passe absolument pas. Même quand il ressort des compos plus lourdes et dynamiques, Veil Of Maya ne convainc pas, les riffs de "Whistleblower" et "Echo Chamber" sont très stériles et "Pool Spray" réussit à faire quelque chose qu’on ne veut plus entendre sur un album de Djent depuis des années, c’est-à-dire repomper Meshuggah. Un "Citadel" est archi poussif, seul le classique mais efficace "Graymail" et le final remuant "Livestream" tirent encore leur épingle du jeu. Et il faut bien avouer que le chant clair de Lukas Magyar est vite agaçant, appuyant constamment sur l’influence de Spencer Sotelo et ne faisant qu’aligner des refrains répétitifs et convenus. Aussi on se réjouira que 2 morceaux ne comportent pas de lignes claires, le bien percutant "Tyrant" qui relève la fin du disque et son prédécesseur "Follow Me", qui amène des ambiances plus originales mais malheureusement le riffing demeure vain. Veil Of Maya est en train de complètement perdre son identité au profit d’un Djent bien trop générique, trop facile, qui devient vite fatiguant.
Surtout que pour couronner le tout, False Idol est franchement longuet. 13 morceaux (dont une intro) pour 44 minutes, c’est bien trop long pour un style relativement bien moins complexe que par le passé. Un sacré paradoxe quand on sait que le groupe nous avait habitué à des disques bien courts où l’on aurait pu reprendre une ou deux pistes de plus, [id] et Eclipse n’atteignaient pas la demi-heure et même Matriarch ne durait que 36 minutes. False Idol est donc largement devant ses prédécesseurs mais pour quel résultat…! A part les 3 premiers morceaux réussis et quelques fulgurances éparses comme "Tyrant" ou "Livestream", il y a bien peu à sauver de ce 6ème album de Veil Of Maya, ou ce qu’il en reste, car le Veil Of Maya de The Common Man’s Collapse à Eclipse et même celui des meilleurs morceaux de Matriarch, il n’existe déjà plus. On comprend mieux pourquoi Brandon Butler avait quitté le navire… Matriarch annonçait certes déjà la couleur, mais on aurait espéré quelque chose de plus personnel que ce Periphery worship sans âme. Certes, le groupe continue à assurer sur la forme avec une excellente production, bien loin du son trop sec de [id] en son temps, et aussi quand au détour d’un énième refrain en chant clair Spencer Sotelien il continue à envoyer la sauce Deathcore technico-progressive. Mais il est dur de retenir quelque chose de consistant de la part du « vrai » Veil Of Maya sur False Idol, album où le Djent mélo prédomine avec pertes et fracas. Si Fit For An Autopsy s’est également distingué en 2017 en abandonnant son Trve Deathcore pour essayer de singer Gojira, Veil Of Maya le suit de peu sur le podium du partage en couille en singeant lui Periphery. Certes, chacun a le droit d’évoluer mais tout comme avec Fit For An Autopsy, je ne suis pas convaincu, Veil Of Maya est en train de perdre tout ce qui faisait son charme au profit d’un style plus générique et sans saveur, à l’influence trop voyante. Matriarch annonçait certes la transition comme Absolute Hope, Absolute Hell de Fit For An Autopsy, mais il y avait encore des bribes du désormais ancien Veil Of Maya à en tirer. Là, False Idol, il faut y trouver son compte, et c’est vraiment difficile. Bref, c’était mieux avant…
Tracklist de False Idol :
1. Lull (0:37)
2. Fracture (3:14)
3. Doublespeak (4:12)
4. Overthrow (3:55)
5. Whistleblower (3:27)
6. Echo Chamber (4:10)
7. Pool Spray (3:29)
8. Graymail (3:42)
9. Manichee (3:12)
10. Citadel (3:41)
11. Follow Me (3:26)
12. Tyrant (2:48)
13. Livestream (4:05)