"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
18 ans d’existence effectifs, 14 sorties. C’est le bilan assez foisonnant de Nocte Obducta, un des chantres du Black-Metal atmosphérique allemand, qui a aussi navigué (et navigue toujours) dans les eaux de l’avant-gardisme et du psychédélisme. Une productivité assez folle qui n’a en rien entamé sa créativité, lui qui a presque fait un sans-faute entre 1999 et 2005, période où il sortait un album (ou un EP mais un seul, Stille en 2003) par an. Sa « pause » entre 2008 et 2011, qui avait vu sortir le fantastique album plus calme Sequenzen Einer Wanderung et avait permis à certains membres de se poser au coin du feu avec Dinner Auf Uranos, a permis au collectif allemand de recharger les batteries et de revenir plus fort, avec de nouvelles idées. Entre le bien direct Verderbins (2011), le perché Umbriel (2013) puis Mogontiacum (2016) qui permettait de faire le lien entre les deux pour un album complet et équilibré de Black-Metal atmo/psyché, il y avait déjà de quoi faire. Et maintenant que le groupe est bien relancé, il va pouvoir retrouver sa productivité d’antan. C’est ainsi que Totholz (sous-titré Ein Raunen Aus Dem Klammwald), 11ème full-length de la formation, nous arrive un peu moins d’un an après Mogontiacum. Pour un groupe qui avait fait désirer son Umbriel avec moult annonces, c’est presque un comble. D’ailleurs c’est la première fois que je vais faire une deuxième chronique d’un même groupe pour Horns Up, et ce n’est presque pas un hasard que ça tombe sur eux. Bref, Nocte Obducta a démontré son savoir-faire à maintes reprises, va-t-il donc réussir à garder sa forme comme à la grande époque, comme il avait été capable d’enchaîner les excellents Lethe (1999) et Taverne (2000), ou encore les deux parties de Nektar en 2004 et 2005 ?
Ben pas vraiment. Non pas que Nocte Obducta perde de son charme ou devienne vraiment banal, c’est juste que Totholz n’apporte pas grand-chose au schmilblick des allemands. On a affaire à une sorte de Mogontiacum en plus primitif, et sans plus. S’il ménage toujours quelques compos intéressantes et même accrocheuses (ainsi que de belles mélodies, marque de fabrique de Marcel « Traumschänder » Breuer depuis de nombreuses années), Totholz sent quand même un peu le réchauffé et le manque d’inspiration. Dès l’instrumental d’entrée "Innsmouth Hotel", on retrouve les grattes destroy et baveuses que le groupe utilise depuis sa reformation et on est parti pour 42 minutes dans l’esprit tordu des musiciens. Breaks bien enfumés ("Die Kirche der Wachenden Kinder", "Totholz", "Ein Stählerndes Land"), plans très mélodiques ("Trollgott", "Liebster"), passages expéditifs ("Ein Stählerndes Land") ou plus rampants ("Liebster"), tout y est et celui qui étudie avec passion la discographie de Nocte Obducta depuis 2011 sera en terrain connu. Si le groupe est toujours créatif quand il s’agit de partir dans les sonorités psychédéliques, pour le reste il ne s’est pas vraiment foulé pour ce coup-ci, même les chants sont assez peu variés et surtout peu surprenants. Il n’y a au final rien de bien remarquable à tirer de Totholz, qui reste plaisant à certains égards notamment dans le registre psychédélique et mélodique, mais pour le côté purement Metal on se lasse vite de ce Black cradingue et désenchanté (ce qui est vraiment la particularité de ce Totholz) aux accents presque Stoner qui a du mal à décoller et à tenir sur la durée, ne proposant pas de compos franchement passionnantes surtout quand on se remémore celles de Verderbnis, Umbriel, Mogontiacum…
Nocte Obducta pourrait se sauver grâce à ce qui fait aussi sa particularité depuis ses débuts, ce sont ces morceaux à rallonge souvent très travaillés, c’est alors que pour Totholz nous allons avoir le droit à une conclusion conséquente en la présence de "Wiedergänger Blues", de 15 minutes et demie. Hélas, trois fois hélas, le groupe n’arrive pas non plus à apporter de plus-value à ce niveau. Après un long début très ambiant, on retrouve juste ce qu’on a pu entendre sur le reste de l’album, et c’est tout. C’est bien maigre et soyons bien clairs si ça ne l’était pas jusque là, Totholz est un des moins bons albums de Nocte Obducta. Certes, même dans ses périodes fastes, le groupe a eu de légers coups de mou comme par exemple le dispensable Galgendämmerung (2002), mais ici il semble un peu être en bout de course et devra se renouveler bien vite, ce qu’il a déjà été capable de faire par le passé et franchement, je leur fais confiance pour rebondir. Mais bien que pas catastrophique non plus, Totholz ne restera pas dans les mémoires. Déjà que leur style relativement inaccessible ne les aide pas à se faire un nouveau public, cet album laissera un peu les fans sur leur fin. Même si encore une fois il faut voir si des anciennes compos ne se cachent pas là-dedans, Nocte Obducta étant du genre à puiser sans cesse dans son passé, Totholz semble être sorti un peu trop tôt et le groupe aurait du tempérer sa productivité pour sortir quelque chose de plus fignolé qui soit réellement digne de son inventivité. Il en reste juste que Totholz est un album juste correct de Black atmo allemand aux accents psychédéliques heureusement bienvenus, comme son prédécesseur Mogontiacum en moins bien, et c’est tout ce qu’il y a à en retenir. Un peu dommage pour un groupe qui a su montrer à plusieurs reprises qu’il peut faire mieux, mais bon…
Tracklist de Totholz (Ein Raunen Aus Dem Klammwald) :
1. Innsmouth Hotel (3:26)
2. Die Kirche der Wachenden Kinder (6:42)
3. Trollgott (4:14)
4. Totholz (5:26)
5. Ein Stählerndes Land (2:55)
6. Liebster (3:30)
7. Wiedergänger Blues (15:27)