Beyond Creation + Virvum + Bleed + Promethean @ Gibus Live
Gibus Live - Paris
Depuis que le groupe s'est décidé a quitter son Amérique natale, Beyond Creation bourlingue en Europe, et s'est même permis quelques virées au Japon et en Australie. Les Canadiens creusent leur sillon et récoltent les fruits du succès. Précédemment vus en salle l'année dernière, puis au Hellfest il y a un mois, Beyond Creation n'a jamais vraiment eu l'occasion de pleinement s'exprimer. Disposant à chaque fois d'un temps de jeu proche de la demi-heure, le groupe traîne peu ou prou la même setlist "promotion" depuis bien trop longtemps. C'est pourquoi ce soir est une nuit d'espoir, car les Canadiens sont en haut de l'affiche, une place propice à une setlist représentative de toutes les facettes de leur musique.
Pour remplir le Gibus, ils sont accompagnés par de très prometteurs chauffeurs de salle : Virvum, Bleed et Promethean. Rarement une affiche aura été aussi Tech Death, avec trois des quatres groupes évoluant directement dans la discipline (Bleed se situant plus dans le Trahsh / Groove vénèr).
Le Gibus Live est une salle bas de plafond pouvant contenir 600 âmes. Son long comptoir, ainsi que sa grande salle fumeur avec tables et canapés, la prédispose au clubbing. La boule à facettes juste au-dessus de la scène et la sono, située à droite et protégée par des plaques de plexi, confirment l’hypothèse. Cette installation atypique permet de voir la scène assez facilement, même pour les courtes têtes. En revanche, le plafond de hobbit risque de pénaliser le son. Premier début de réponse, avec Promethean :
19h00, début des hostilités. Les rookies de Promethean ouvrent cette soirée après des balances interminables où le groupe est obligé de jouer une compo entière pour que l’ingé son donne son OK. Pour l’effet de surprise, on repassera.
Avec leur tout premier EP sorti il y a seulement quelques mois, Promethean joue devant une fosse déjà à moitié remplie. Dès les premiers riffs de The Nameless Color, le souci majeur du concert apparaît : on n’entend pas le chanteur. Que ce soit devant la scène ou au fond de la salle, le front-man se débat, donne toutes ses tripes, mais reste inaudible. A cela, rajoutez une basse proéminente, et on peut légitimement remettre en cause les balances sans fin, quand on voit le résultat.
La mauvaise surprise consommée, on suit le rythme effréné du batteur sur A Forbidden Symphony et The Plague. Des compos aux parties très hétérogènes, avec des cassures assez sèches. Un synthé vernit le tout, avec une contribution parfois sensible, parfois ostensible. Dans tous les cas sur ce live, les nappes permettent de se raccrocher à ce que propose le groupe, bien mal desservi niveau son, par la force des choses.
Sur scène, les Parisiens sont crispés et contrastent avec leur musique démonstrative. Malgré quelques fulgurances, ils restent très statiques, concentrés sur leur jeu, et gardent cette volonté de bien faire, quitte à sacrifier toute la partie scénique. On blinde toute l’exécution, et vu le tempo du concert (aucun temps mort, peu de communication), Promethean a fait le bon choix.
Le public troque son indifférence contre un réel intérêt. Les premiers rangs s’excitent, et un Wall Of Death fera même son apparition dans le plus grand des calmes, pour un nombre de participants ne dépassant pas la vingtaine d’énervés. A noter que les deux nouvelles pistes du groupe - The Nameless Color et Anti Libraries - s’incorporent bien dans la setlist, en attendant une validation en bonne et due forme sur CD (et avec un chant par dessus, aussi).
Par miracle, et pour la dernière danse du groupe, le front-man retrouve sa voix. Niobides, son intro Thrashy et ses cavalcades, nous montrent la sortie. Accompagnée par un champ retrouvé, cette piste s’entoure d’une aura épique, qui clôt de belle manière le moment partagé avec les Parisiens.
Promethean a fait plus que simplement ouvrir pour trois autres groupes derrière eux. Ils sont allés plus loin que le simple taf de chauffeurs de salle. Avec leur sérieux et également grâce à l’identité propre de leur musique, ils ont convaincu en plus de faire bouger des boules. Reste à accumuler assez d’expérience pour s’accaparer une scène, mais le plus dur est fait.
The Nameless Color
A Forbidden Symphony
The Plague
Antic Libraries
Niobides
Comme Promethean, Bleed est le second rookie Parisien à fouler les planches du Gibus. Eux aussi on ramené sous le bras un premier skeud sorti cette année - Chaos Impact - à la seule différence qu’il s’agit ici d’un album, et non d’un EP. La similitude s’arrête là, car Bleed ne propose pas du tout la même tambouille.
Ces mecs sont énervés, clairement. Une fois l’intro instrumentale expédiée, le groupe envoie une sacrée patate dès l’embrayage. Le front-man est bien tendu, vocifère à tour de bras et utilise à très bon escient son charisme pour faire participer le public. Les musiciens qui l’accompagnent apportent également leur énergie à la formule, gesticulant et passant souvent d’un micro à un autre. Après Time To Bleed et Chaos Impact, la scène ressemble à une grosse cocotte minute, sifflante et bouillonnante.
Là où précédemment les compos demandaient une certaine attention, il suffit à présent de retourner à ses bas instincts pour prendre du plaisir, car la musique des Parisiens est assez frontale : des riffs très directs, limite Thrash, tantôt mélodiques, tantôt groovy, le tout concassé par des breaks aiguisés et abrupts. Un cocktail qui mise tout sur l’efficacité, même si certains passages à vide noircissent le tableau. En premier lieu, les solos, qui font clairement retomber le soufflet. Enfin, un certain manque d’identité, perceptible en fin de set.
Même si les grattes méritent d’être plus élevées, Bleed dispose d’un bien meilleur son que son prédécesseur. C’est rond et compact, sans souffler l’auditoire. Ces bonnes conditions, couplées au bordel que le groupe met sur scène, forment une belle invitation à prendre part à cette petite sauterie avec eux. Ainsi s’enchaînent pogos et Wall Of Death sur demande du front-man, faisant monter le mercure du Gibus.
La fosse, à présent remplie et chauffée à blanc, remercie le groupe chaleureusement en fin de set, et ce, en dépit du son qui aura lâché les musiciens sur la dernière piste. En effet, pour une raison inconnue, Never Surrender s’est littéralement fait hacher à coup de sautes de son répétitives. Sacrée purge pour la fosse et pour le groupe, qui ne le mérite pas, même s’il finit son set dignement, et sous les applaudissements.
Bleed poursuit la bonne dynamique initiée par Promethean. Il utilise des canaux diamétralement opposés, mais obtient les mêmes résultats. Les Parisiens ont pris leur statut de première partie très au sérieux, avec un set à 1000° sur toute la longueur. Curieux de les revoir avec une setlist plus longue, histoire qu’ils cassent la fosse de fatigue.
Prelude To Desolation
Time To Bleed
Chaos Impact
The Fall
The Foreigner
Never Surrender
Place au plat de résistance à présent, avec en premier lieu Virvum. L’année dernière, les Suisses avaient clairement créé la surprise avec leur premier album Illuminance. D’une qualité de composition bien au-dessus du game, le CD s’intercale même dans le dernier carré de nombreuses sélections annuelles à travers la toile. La question est donc de savoir si le rendu en live dessert ou embellit la production studio.
Malheureusement, la réponse arrive assez vite : le rendu est mauvais. Rien à redire au niveau de l’ambiance sur scène et de l’exécution des compos. Non, c’est encore le son qui vient jouer les trouble-fêtes. Le Tech Death et les concerts : une sale histoire qui continue avec ce live, massacré par des conditions sonores pas forcément exécrables, mais clairement insuffisantes par rapport au niveau exigé.
Devant, comme derrière, c’est une bouillie auditive qui nous est servie, recouverte par une batterie abusée trop forte. Quand la crash retentit, les autres instruments n’existent plus. On voit les shreds et les tappings, mais rien n’arrive aux esgourdes.
Le groupe ne se démonte pas pour autant et catapulte ses parpaings, avec comme désigné premier artilleur : le batteur sur ressorts, qui fait vrombir sa grosse caisse sur les pics de BPM (le deuxième morceau, Ad Rigorem, peut en témoigner). Les autres instruments remplissent également leur contrat, mais avec ce contexte, c’est la batterie qui ouvre le cortège et reçoit les honneurs.
Le public reste assez statique, et ce pour deux raisons. La première est le style pratiqué, très alambiqué et mathématique, la seconde est liée au son pourri, ne permettant pas d’apprécier ce qui est intéressant. Paradoxalement, les applaudissement de fin de morceau sont soutenus. Les frictions commencent en milieu de concert, quand le public fait définitivement le deuil de la sono, et qu’il n’y a lieu de s’amuser que dans le pit. Certains slams et circle pits apparaissent, avec assez de dignité pour être remarqués.
Sous cette déferlante de notes et de polyrythmies rendues incompréhensibles, les plans ambiant permettent de respirer. Un moment de calme avant de remettre la tête dans les graviers, mais en t’accompagnant souvent avec de longs breaks annonciateurs. Attention cependant, certaines cassures inopinées estampillées tech-core / Summerian sont présentes, et peuvent égratigner les plus allergiques au genre. Au delà des riffs tordus et techniques, Virvum possède une facette grandiloquente et contemplative, que certaines compos comme Illuminance ou Tentacles Of The Sun ont tenté de dépeindre durant le set, sans grand succès jusqu’alors.
Ce n’est qu’en toute fin de set que les Suisses vont vraiment pouvoir montrer le côté épique de leur musique, car le son est enfin plus clément. La dernière pièce de ce soir qu’est A Final Warming Shine (avec intro!) est vécue comme une explosion de talent, avec au menu : des cavalcades, des hymnes, de l’adversité et un final mélancolique, pour 10 minutes d’une démonstration que bien des formations peuvent jalouser.
Le son a tout gâché, mais n’a pas empêché le groupe de se débattre pour le Gibus. Le public est déçu mais pas rancunier, saluant chaleureusement Virvum à sa sortie. A revoir, évidemment, dans les célèbres "meilleures conditions".
Illuminance
Ad Rigorem
Earthwork
Tentacles Of The Sun
I: A New Journey Awaits
II: A Final Warming Shine: Ascension and Trespassing
Il est temps de clore cette soirée, avec pour la première fois Beyond Creation aux manettes. Le Gibus est à présent plein, les premiers rangs sont compacts. Les Québécois n’ont plus besoin de prouver ou de se promouvoir, tout leur sourit depuis un an et demi. Espérons qu’une setlist plus dense apporte son lot de petites surprises.
La bande à Simon Girard monte sur les planches, détendue, guitares sans tête en bandoulière. La fosse est déjà bien chaude, et quand commence le premier morceau (le prévisible Omnipresent Perception), le mosh pit est déjà bien intense. Après ce premier morceau de The Aura, le groupe va dérouler Earthborn Evolution sur cinq pièces, avec l’ajout sympathique de The Great Revelation. Ce morceau, plus direct, a une légitimité toute trouvée en live.
Pour l’instant, le son est correct. Il y a eu changement d’ingé, et ça s’entend. Les grattes, comme à l’accoutumée, subissent quelques rechutes, qui font parfois louper certaines subtilités.
Sur scène, les musiciens restent toujours impressionnants. Entre Simon qui gueule et qui joue des parties super chaudes à la gratte en même temps, et Philippe Boucher, pieuvre officielle de chez Chthe’ilist et métronome de la soirée : aucun pain à signaler. A noter également la présence du remplaçant de Lapointe à la basse, Hugo Doyont-Karout, 22 ans. Trop facile pour lui : il passe toutes ses parties avec une facilité déconcertante, mais, en plus, il se dandine et semble prendre d’avantage de plaisir sur scène que par le passé. Le tout certifié sans temps mort durant toute cette première moitié de set.
Suite à cette vague de titres, Beyond Creation remercie le public "d’être venu si nombreux ce soir". Soulignant également leur enthousiasme à mener une tournée : "Le show qu’on attendait depuis longtemps". Mais trêve de bavardages, et retour au fourneaux avec l’indéboulonnable Coexistance. Son pont ambiant, suivi d’une montée en puissance saccadée et récalcitrante, trouve écho auprès d’un Gibus toujours ardent.
Abstrait Dialog casse un peu l’inertie, avec sa rythmique lourde et bedonnante, permettant néanmoins à Hugo de faire rebondir ses cordes pendant trois minutes, puis arrive Fundamental Process, le dernier morceau. L’occasion pour le pit de s’envoyer d’ultimes politesses, et pour les slameurs de tenter leur chance une dernière fois.
Difficile, en recevant les derniers blasts et passes-passes de tapping, d’avoir des griefs contre Beyond Creation. Le groupe, en très peu de temps, a pris une autre dimension. Pour jouer la carte de la facilité, attaquons la setlist, qui manque d’audace par rapport au statut de tête d’affiche des Canadiens de ce soir. Ou peut-être n’aiment-il plus jouer The Aura ? C’est dans leur bon droit, Earthborn Evolution n’a pas à rougir de la comparaison.
Le groupe remercie le public, qui lui mange dans la main, et prend congé. Une bonne partie de la fosse se vide quand trois minutes plus tard, le groupe revient. Il harangue un brin la foule pour faire repartir les braises, et annonce The Deported, AKA la meilleure piste des Québécois. Pétage de câble immédiat, et décollage pour une bonne dizaine de minutes où l’on sait pertinemment que ce moment fort est particulier, et qu’il risque de ne pas arriver souvent. Dans les rares instants de lucidité, on notera le contexte atypique : Beyond Creation défouraille comme jamais, devant une fosse à moitié vide qui prend méchamment son pied.
Le dernier coup de caisse clair vient de retentir, retour au milieu des canettes vides disséminées au sol (l’occasion de souligner que les poches/sacs ou encore un long voyage de 2 min au comptoir, sont des solutions tout aussi viables pour disposer de sa bière vide). C’est terminé, et pour une fois, la bande à Simon n’était pas pressée par le temps, et a servi son meilleur cru. Dommage que le son ait égratigné les bons, voire très bons sets de Virvum, Bleed et Promethean. Merci à Suden Promotion pour l’orga nickel de cette date. Rendez-vous en novembre pour Beyond Creation, qui supportera un petit groupe pas connu nommé Dying Fetus.
Omnipresent Preception
Sous La Lueur De L’Empereur
Earthborn Evolution
The Great Revelation
Theatrical Delirium
The Axiom
Coexistence
Abstrait Dialog
Fundamental Process
The Deported