L'autre belge de la rédac'. Passé par Spirit of Metal et Shoot Me Again.
Que peut-on attendre d'Iced Earth en 2017 ? A vrai dire, on ne sait plus vraiment répondre à cette question tant la trajectoire du groupe paraît difficilement lisible depuis quelques années. Iced Earth est avant tout l'affaire d'un homme : Jon Schaffer, pilier du groupe depuis ses débuts, seul maître à bord et dont les riffs saccadés et la qualité de composition ont installé le combo parmi les cadres du heavy/power « à l'américaine ». Entre autres. Car si Schaffer est indéniablement le cerveau du groupe, Iced Earth a surtout été porté au sommet par un vocaliste sans égal : Matt Barlow. Son départ en 2002 avait été un coup dur, même si Tim Owens avait alors assuré un intérim honorable ; et alors qu'on pensait l'enfant prodige de retour en 2007, il s'est finalement retiré du business quelques années plus tard, laissant dubitatif quant à la capacité d'un Schaffer en perte totale d'inspiration de maintenir Iced Earth à flots.
Heureusement, le bûcheron sudiste a du nez quand il débauche Stu Block, versatile chanteur d'Into Eternity, capable d'atteindre des notes terrifiantes tout en singeant à merveille les lignes basses et envoûtantes de Barlow. En live, le résultat est bluffant (techniquement, Block est probablement le meilleur à avoir tenu le micro dans Iced Earth) ; sur album, Dystopia montrait de très belles choses mais Plagues Of Babylon voyait le soufflé retomber et Block ne pas montrer de réelle personnalité.
Incorruptible était donc, à mes yeux, une forme de test : à l'heure où tant de cadres enchaînent les albums médiocres, au point qu'on en finisse par lâcher l'affaire pour retourner écouter leurs classiques et découvrir de jeunes formations aux dents longues, Iced Earth devait se réveiller. Le contrat sera au final plutôt rempli.
Iced Earth a toujours réussi à offrir des opening titles mémorables. Burning Times, Wolf, Declaration Day, plus récemment les titres éponymes de Dystopia et Plagues of Babylon, tous se sont révélés être des classiques instantanés mettant l'album sur de bons rails. The Great Heathen Army, s'il s'avère efficace et permet déjà à Block de placer quelques poussées bien senties, ne se hissera pas à ce niveau... mais déjà, un point à souligner : la qualité des soli. IE n'a jamais été particulièrement porté sur cet exercice, la personnalité de Jon Schaffer ayant tendance à effacer les solistes ayant évolué au sein du groupe, mais le petit dernier Jake Dreyer n'a pas l'air logé à la même enseigne et distillera au long de l'album quelques interventions réellement impressionnantes. Il illumine ainsi Raven Wing, très belle ballade dans le plus pur style Iced Earth qui n'atteint pas les sommets émotionnels d'un Watching Over Me mais tient tout à fait la route.
Schaffer semble d'ailleurs accorder sa pleine confiance au line-up actuel du groupe, au point de se permettre un exercice rarissime dans son chef : un titre entièrement instrumental long de plus de six minutes, Ghost Dance, qui s'avère étonnamment réussi. Bref, musicalement, l'inspiration semble bel et bien là, les habituels titres de remplissage n'étant que peu nombreux.
Iced Earth offre même sur Incorruptible quelques uns des meilleurs titres composés depuis longtemps, tels que le « faux » mid-tempo Black Flag et son texte vengeur sur lequel Stu Block fait des ravages ou encore Clear The Way (December 13th 1862), dont le thème en fait presque une prolongation de l'inoubliable trilogie Gettysburg parue sur The Glorious Burden et qui rend hommage à la Brigade Irlandaise unioniste envoyée au massacre lors de la bataille de Fredericksburg durant la Guerre Civile américaine. Des mélodies irlandaises traversent ce final de neuf minutes épique et guerrier à souhait, dont le titre fait écho au cri de guerre de la brigade (fag an bealach, soit clear the way en anglais).
Un mot, toutefois, sur la performance de Stu Block, qui me laisse encore une fois hésitant. Visiblement, le Canadien n'a pas encore réussi à se défaire des tics vocaux qui le voient tout bonnement copier les lignes de Matt Barlow ; c'est flagrant sur l'introduction de Raven Wing, c'en est agaçant sur The Veil et son ambiance rappelant The Crucible Of Man. Et c'est même particulièrement frustrant quand on a enfin droit, sur Seven Headed Whore, à un Block qui se lâche enfin en utilisant une partie de son énorme potentiel, de même que sur les couplets un peu plus agressifs de Clear The Way. Clairement, Schaffer tient son chanteur en laisse afin de le conformer à « son » son, sa vision de ce à quoi doit ressembler Iced Earth. Difficile, dans ces conditions, d'éviter les comparaisons avec Barlow et de sortir de l'ombre de celui qui restera toujours le chanteur « historique » du groupe... et un des meilleurs de sa catégorie.
Iced Earth sert donc avec Incorruptible un album plus inspiré que précédemment sur Plagues Of Babylon et maintient un niveau de qualité très acceptable pour un groupe ayant connu au fil du temps de tels changements de line-up, mais entretient décidément une frustration particulière : qui sait où en serait aujourd'hui le groupe s'il avait réussi à maintenir le même cap depuis ses débuts...
Tracklist:
1. The Greath Heaten Army (5:17)
2. Black Flag (4:54)
3. Raven Wing (6:23)
4. The Veil (4:44)
5. Seven Headed Whore (2:59)
6. The Relic (pt. 1) (4:56)
7. Ghost Dance (Awaken the Ancestors) (6:33)
8. Brothers (4:51)
9. Defiance (4:05)
10. Clear the Way (December 13th, 1862) (9:27)