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dimanche 23 avril 2017

GOLD

Thomas Sciarone & Milena Eva

Nostalmaniac

Le Max de l'ombre. 29 ans. Rédacteur en chef de Horns Up (2015-2020) / Fondateur de Heavy / Thrash Nostalmania (2013)

De passage dans le nord de la France fin mars, je n'ai pas voulu manquer l'occasion de poser quelques questions à Milena Eva et Thomas Sciarone de GOLD. Un groupe atypique et audacieux qui a réussi à s'affranchir des codes et des étiquettes faciles tout en assumant totalement la naïveté de ses débuts. Un groupe qui fait réfléchir pour un entretien très intéressant sans langue de bois.

Tout d’abord, bienvenue en France même si je ne suis pas français et que ce n’est pas votre premier concert en France je pense... (rires)

Thomas : Ah oui, effectivement, on a déjà joué à Paris il y a un peu plus de trois ans, je pense, au Nouveau Casino. C’était sur la tournée avec Karma to Burn et Audrey Horne. Sinon, notre premier concert en France c’était sur la même tournée à Colmar. 

Comment vous sentez-vous après une dizaine de jours sur la route ?

Thomas : Quatorze jours en fait pour être précis. On a commencé il y a deux semaines et nous nous sentons vraiment en forme.

Milena : On est déçus de déjà revenir à la maison bientôt mais c’est la vie. On prévoit déjà de recommencer une nouvelle tournée rapidement.

Il y a eu beaucoup de dates en Allemagne. C’est une cible privilégiée ?

Thomas : On peut dire oui. Pour cette tournée on a dû faire sept ou huit dates en Allemagne. C’est toujours un pays où c'est bon pour nous de jouer. Après, on a toujours fait nos meilleurs et nos pires concerts en Allemagne. On a joué au 4rooms à Leipzig pour la troisième fois et c’était génial. On a jamais eu autant de public en dehors des Pays-Bas. Par contre, on a joué à Rostock et c’était horrible. Enfin, pas vraiment horrible mais c’est une grande salle et il y avait seulement une quinzaine de personnes. 

Milena : Donc oui c’est horrible… (rires)

Thomas : Mais on rencontre toujours des gens amicaux et enthousiastes, c’est important aussi.

Je suis obligé de poser la question car certains s’amusent dans les commentaires avec votre homonyme français des années 80. Vous en avez déjà entendu parler ?

Thomas : Oui, on connaît. On a une histoire amusante à ce propos...

Milena : Je pense que c’était lors d’une interview en Angleterre avec une station de radio. 

Thomas : On était dans un festival et le journaliste a commencé à nous parler en français : « Bonjour, allo ». On ne comprenait rien. Il s’attendait à ce qu’on soit le groupe français. C’était un festival typiquement hard rock. Cela aurait été vraiment étrange que le Gold français joue là. Il a sûrement juste dû regarder sur Google et n’a pas cherché plus loin. Mais la plupart du temps les gens ne le mentionnent pas. Je ne pense pas qu’il y a vraiment de confusion en France non plus. C’est juste … amusant.  Après si tu tapes GOLD sur Spotify, tu peux sûrement faire un mix assez fun avec les deux groupes (rires).

Vous avez tous des backgrounds assez différents. On peut citer The New Earth Group, Tenement Kids,  Angel Crew, Malkovich ou encore The Devil's Blood dans vos parcours. Des groupes aux styles vraiment différents.  C’est quoi qui vous a poussé à former GOLD et aviez-vous une idée précise de ce que vous vouliez faire au départ ?

Thomas : L’idée de base c’est qu’avec Milena nous voulions faire de la musique tout simplement.

Milena : Je n’ai jamais été chanteuse dans un groupe avant GOLD. J’ai joué dans différents groupes plus jeune mais je ne chantais pas dans The New Earth Group. Je participais juste un peu sans être vraiment dans le groupe. Les années passant, j’ai voulu devenir chanteuse car je m’en sentais capable et j’avais juste besoin de trouver les bonnes personnes. Thomas a voulu former un groupe et il se demandait avec qui. Il cherchait quelqu’un pour le chant. Il ne savait pas vraiment à qui demander alors que je n’attendais que ça (rires).

Thomas : On a eu besoin de trouver les bonnes personnes ensuite. On a demandé à beaucoup de musiciens qu'on connaît aux Pays-Bas et de fil en aiguille on a formé le groupe. Je connais Igor (Wouters), le batteur, depuis très longtemps. 

Milena : C’est drôle car nos premières répétitions c’était avec un autre batteur. On avait demandé à Igor s’il pouvait enregistrer la basse pour nous. Il était d’accord mais notre premier batteur n’a pas voulu continuer et Igor est alors devenu notre batteur. Et tant mieux, car c’est un batteur vraiment incroyable.

Thomas : Tim (Meijer - basse) nous a rejoints pour l’enregistrement de « No Image ». Kamiel (Top) est venu en tant que second guitariste pour l’album « Optimist ». Et puis, Jaka nous a rejoint l’an dernier et il tourne avec nous.  

Milena : Je crois c’est vraiment le meilleur lineup.

A vos débuts, vous aviez une direction musicale en tête?

Thomas : Eh bien, j’ai quitté The Devil’s Blood et j’ai commencé ce groupe avec un environnement musical très rock 70’s, Metal 80’s tu vois.

Mais de l’autre côté, vous semblez avoir des influences très variées aussi… J’ai lu dans une interview que Milena parlait de Korn par exemple...

Milena : Je n’ai jamais aimé Korn ! (rires). J’avais onze ans et c’était la musique la plus « nerveuse » que je connaissais alors. C’est marrant car on me relance tout le temps avec ça. Je ne comprends pas pourquoi (rires).

Thomas : Sinon, l’environnement musical de Vàn Records nous influence beaucoup aussi. Nous sommes très amis avec les gars de Vanderbuyst par exemple.

Milena : On a toujours voulu faire quelque chose de différent mais c’était difficile de sortir de la scène dont on vient... Après l’enregistrement de notre premier album, on a fait pas mal de live et on s’est rendus compte que ces chansons n’étaient pas ce qu’on voulait faire. On n’avait pas eu le temps de définir notre propre son. Quand tu tournes beaucoup et que tu joues ces chansons  tous les soirs, tu comprends ce que tu veux faire ou ce que tu ne veux plus faire. Ce que tu aimes dans ces chansons ou ce que tu n’aimes pas. C’est bien d’avoir fait « Interbellum ». Cet album nous a vraiment fait réfléchir à ce que nous voulions faire.

Thomas : Tout s’est fait trop rapidement. On a composé très vite. On a commencé les live immédiatement et on était un « baby band ». On avait pas vraiment d’identité ni de personnalité.

Milena : Je compare ça souvent à avoir un petit copain quand tu as 16 ans et tu t’imagines que tu vas rester avec pour toujours. Tu ne sais pas vraiment ce que tu veux mais tu aimes l’idée d’être amoureuse bien avant de comprendre ce que tu veux vraiment.

Parlons de votre nouvel album « Optimist ». J’avais vraiment aimé son prédécesseur « No Image » et la façon dont vous jouez avec l’ironie. Le titre et la pochette de ce nouvel album sont de nouveaux exemples. L’ironie c’est une manière de vous exprimer ?

Milena : C’est une question marrante car nous n’avons pas la même façon de voir les choses. Thomas n’est pas contre l’idée mais il ne pense pas que c’est de l’ironie. Pour moi, ça l’est un peu car je pense que le monde est très sombre. Je pense qu’on essaye de réveiller les gens et de leur montrer. Il y a de l’ironie mais aussi une part de vérité sur ce que l’optimisme est.

Thomas : Je ne suis pas contre l’interprétation de l’ironie mais l’intention va au-delà de ça. En fait, une grande partie de ce que nous faisons naturellement c’est combattre la façon superficielle de se présenter et de vivre. Voir simplement de l’ironie c’est superficiel. On veut ouvrir les esprits. Donner une vue tridimensionnelle du monde. L’optimisme vient dans les temps les plus sombres. 

Milena : C’est un sentiment très naturel…

Thomas : Quand tu vas mal, tu veux te relever. C’est de l’optimisme.

Milena : J’ai du mal à être optimise parfois car je pense encore une fois que le monde est très sombre. De l’autre côté il y a des raisons de se lever chaque matin. Prendre un van et partir en tournée. Il y a définitivement de la place pour l’optimisme. 

Thomas : L’optimisme ce n’est pas boire des cocktails sur la plage. Ca, ce sont des vacances. L’optimisme c’est se lever dans les périodes les plus sombres.

Dans ma chronique de « Optimist » je disais que vous n’étiez « pas assez rock pour le public rock et pas assez metal pour le public metal ». Qu’en pensez-vous ?

Thomas : Je pense que c’est assez vrai. Ce sont les deux côtés quand tu es dans un groupe comme GOLD. Bien sûr, il y a des gens obtus pour qui ce n’est jamais assez ou trop comme ça. De l’autre côté, il y a des gens ouverts d’esprit. On peut attirer des metalheads ouverts d’esprits, des punks ouverts d’esprit, des hipsters, etc. On n’a pas de public typique et j’apprécie plutôt ça. C’est parfait pour nous. Mais tu as raison. Si on a un raisonnement commercial, c’est plus facile d’être très typique. Dans l’art ça ne doit pas être aussi simple.

Comment ressentez-vous votre premier album avec le recul ? Vous donniez l'impression d'être un nouveau groupe rock 70's vintage à la Blue Pills....

Milena : On ne le jouera plus. C’est bien de l’avoir fait mais on a quand même réfléchi à changer de nom après cet album. C’était très innocent, bien sûr. Ce n’est pas vraiment une erreur. La vie c’est ça, c’est faire des choses pour en faire d’autres.

Thomas : On aime beaucoup l’art. Si tu vas à une exposition d’art abstrait, tu remarqueras que les peintres ont toujours commencé en faisant du figuratif. Quelque chose de vraiment typique.

Milena : Comme Malevitch...

Thomas : « Interbellum » nous a au moins appris à nous exercer dans ce qu’on voulait faire. 

Milena : J’ai apppris beaucoup sur ma voix, comment je peux l’utiliser. On a appris aussi sur les techniques. 

Pour cet album vous avez travaillé avec Randall Dunn. Il a déjà travaillé avec SunnO))), Earth, Wolves In The Throne Room et bien d’autres. Qui a contacté qui ? 

Thomas : C’est nous qui l’avons contacté. D’abord on a pensé c’est bien de prendre quelqu’un de l’extérieur dans notre studio. Quelqu’un qui a des idées neuves, quelqu’un qui peut être critique sur ce qu’on fait. Il a fait du très bon travail et a donné un son organique à l’album. « No Image » peut sonner industriel, mécanique et froid. Je pense que c’est bien mais on voulait essayer quelque chose d’autre. Nous sommes des aventuriers.

Je trouve cet album plus sombre avec des influences post-punk assez flagrantes. Que diriez-vous sur vos influences ? C’est peut-être une question bête mais vous connaissez sûrement Fenriz de Darkthrone. Pour chaque album, il parle de trois albums qu’il a écouté avant d'enregistrer. Vous avez aussi trois albums ? (rires)

Thomas : C’est très différent pour chacun de nous. Je n’ai pas trois albums pour « Optimist »  car il y a des morceaux qui ne sont influencés par rien, réellement. 

Milena : Peut-être beaucoup de musiques classiques contemporaines comme Arvo Pärt. Un compositeur estonien légendaire.

Thomas : Il compose des musiques magnifiques, sombres et lourdes. Ce n’est bien sûr pas Metal du tout mais c’est intrinsèquement sombre et lourd mais léger aussi. C’est ce qui fait la force de sa musique. C’est très inspirant. Je peux dire que c’est un des artistes qui nous inspirent mais j’ai été aussi très influencé par certains albums de Björk. La manière dont elle compose et utilise certains sons.

Milena : Je n’ai jamais écouté de musique pour me sentir inspirée. Pour moi c’est compliqué car avec ma voix, je ne veux pas me laisser influencer par quelque chose.  Je veux vraiment faire quelque chose qui vient de moi. J’ai peut-être écouté souvent « No Image » (rires) mais c’est tout. Pour comprendre ce que j’aimais ou pas.

Thomas : C’est aussi la différence entre inspiration et influence...

Milena : Oui l’inspiration ça peut être aussi des séries ou des livres. Je lis beaucoup de livres.

Thomas : Par exemple, je trouve le dernier album de Liturgy très inspirant mais je ne pense pas que c’est une influence. Tu ne peux pas le ressentir dans notre musique.

Milena : C’est bien d’écouter d’autres artistes ouverts d’esprit.

Thomas Liturgy, c’était au début un groupe Black Metal plutôt typique et avec le dernier album ils proposent quelque chose de plus étrange. Une sorte de Rap Metal industriel. La manière dont c’est fait, je trouve ça très inspirant.

Le clip vidéo de « White Noise » résonne avec le climat politique actuel alors que les paroles n’en parlent pas vraiment...

Milena : Je n’ai jamais écrit ces paroles en pensant à la politique. Je me base plutôt sur ma propre vie, mes propres expériences. C’est plutôt comment je perçois le monde. J’écris comment je me sens dans le monde actuel, ce n’est pas de la projection.

Thomas : Nous étions à Oslo il y a un peu et je parlais avec un mec. Je lui disais qu’on était un groupe plutôt sombre et il disait « Non, vous êtes un miroir . vous réfléchissez  ».

Milena : On ne veut pas juger, on veut vraiment réfléchir.

Thomas : Le changement entre notre premier album et le deuxième album c’est aussi à cause de ça. Beaucoup de réflexions sur ce qu’on aime et ce qu’on n’aime pas. Où on veut aller et où ne veut pas aller. 

C’est quoi l’idée derrière le clip de Teenage Lust ?

Thomas : C’est une réflexion sur comment s’échapper à travers le matérialisme. 

Milena : C’est la même idée que le clip de « Servants ». C’est un clip totalement différent mais c’est la même idée. Ca parle de la tendance qu’on a à s’enfoncer la tête dans le sable. Parfois tu veux t’échapper de tout et c’est ce dont parle exactement « Teenage Lust ». 

Inspiré par le film American Beauty je pense...
 
Milena : Oui, exactement. C’est marrant d’ailleurs car c’est un film que je n’avais pas vu depuis des années et on avait décidé de le regarder avant de faire le clip. Je me disais qu’il y a des choses que j’apprécierais de voir avant qu’on se lance là dedans. Dans le film, Lester dit : « Ce n’est pas ça la vie, c’est juste des trucs ».  Le clip vidéo c’est à propos de ça. La musique ça peut faire partie de ces trucs mais ce n'est pas la seule façon.

Thomas : Tout ce que tu peux voir dans le clip est à nous. Les vinyles et albums Metal, c’est à moi et en regardant ça j’ai réalisé que je possède tout ça mais ça ne représente rien pour moi. C’est de la musique que j’adore mais le posséder ça n’a pas de sens pour moi. 

Tout ce qu'il y autour, ce n’est pas de l’art. C’est de l’identité et ça ne représente rien. Oublie ton identité, travaille sur ta personnalité. Deviens quelqu’un de meilleur.  « No Image » ça voulait dire ça : « No Image ». Ne pas se présenter d’une manière qui exclue d’autres personnes. Bon, ça peut paraître contradictoire car je vends des t-shirt tous les soirs à nos shows (rires)

Milena : Les t-shirts ça peut servir aussi à taquiner un peu.

On parlait de American Beauty mais il y a d’autres films important pour vous avec un message fort?

Thomas : On consomme beaucoup de musique, de littérature et de cinéma mais ce qui m’a marqué récemment c’est un documentaire de la BBC nommé « HyperNormalisation » et réalisé par Adam Curtis. Si tu veux c’est une version longue de notre clip vidéo « Servants » (rires).  C’est très intéressant. C’est un point de vue intelligent de comment on est arrivé là politiquement dans le monde. 

Milena : De l’autre côté, ce n’est pas vraiment le genre de film dont je voudrai parler ici. Un de mes films préférés c’est « Incendies ». Un très bon film franco-canadien à propos de la guerre. C’est très triste mais l’histoire est très forte. 

Thomas : Bien sûr on peut te parler aussi de réalisateurs comme David Lynch ou Kubrick.

Des films pour réfléchir…

Milena : Exactement même si on peut regarder des trucs plus légers (rires).

Thomas : Il y a aussi des séries, comme « Rectify ». Je crois que c’est la dernière saison actuellement. C’est tellement réel. Tu as différentes éventualités sur la vie dans le monde. Après, on regarde ça aussi pour se divertir (rires).

Je crois Thomas que tu étais engagé pour le Partij voor Dieren (le parti des animaux en français) aux Pays-Bas ? 

Thomas : C'est une période de ma vie qui est terminée maintenant mais oui. J'ai fait de la politique pendant deux ans au parti des animaux. C’était assez unique en Hollande mais depuis la fondation du parti il y a quinze ou vingt partis dans le monde. C'est bien d'avoir des gens qui viennent de là qui s'investissent dans l'économie. Agir pour la nature et les animaux. C'est quelque chose qui résonne aussi dans notre musique.

Milena : Ca peut sonner très hippie mais si tu ouvres ton coeur à tout le monde, tu peux changer la manière de penser sur les animaux et la nature. Si tu dépasses les frontières de l’égocentrisme, tu peux te sentir mieux et je pense que c’est important actuellement. Le monde et la nature partent en vrille.

Thomas : A cause de nous, pas des animaux. J'ai été très heureux d'avoir fait ça mais je pense que ça résonne dans notre musique. 

Retour à la musique. Thomas, difficile de ne pas te parler de ton expérience dans The Devil’s Blood.  Quels sont les souvenirs que tu gardes ?

Thomas : Il y en a tellement, je ne pourrais pas t’en ressortir juste un. Ca n’a duré que trois ans mais ça m’a paru plus long et intense. J’étais beaucoup plus nihiliste à cette période mais en même temps c’est bizarre car j’étais très engagé politiquement. Ca m’a permis d’apprendre de moi-même. Pour moi honnêtement dans The Devil’s Blood mes souvenirs ont deux côtés : d’un côté une période brillante : s’amuser, rencontrer beaucoup de gens, etc. D’un autre côté, j’ai rétréci beaucoup mon monde. Par la suite, j’ai eu besoin de rouvrir mon monde.

Un groupe qui a été très influent en peu de temps finalement…

Thomas : En effet mais Metallica ou Ghost, c’est pareil après deux albums aussi. Ils ont influencé beaucoup de gens et de groupes en très peu temps. Metallica a eu un impact dès le premier album. C’est démentiel bien sûr. Ces groupes peuvent influencer des mauvais groupes mais aussi beaucoup de bons groupes.

Tu as bien connu Selim ? Comment as-tu réagi à l’annonce de sa mort en mars 2014 ?

Thomas : Oui. Je l’ai connu en rejoignant le groupe mais on a partagé trois ans vraiment intensivement. Concernant sa mort, c’était bizarre car je n’étais pas vraiment surpris mais….

Milena : On savait que ça arriverait un jour mais on ne savait pas quand.

Thomas : Après la sortie du premier album, il disait qu’il y en aurait probablement pas un second. Selim pouvait être absent à n’importe quel moment et il a repoussé ça. Bien sûr, quand on l’a appris c’était un choc pour nous mais on s’y attendait. C’était une triste période. On connaît très bien sa sœur Farida qui est une amie. Sa famille aussi.

Y a t-il des groupes, passés ou actuels, avec qui vous sentez une connexion ?

Thomas Je pense que non mais avant oui, sûrement. C’est sans doute arrogant de dire ça mais je me sentais connecté avec des groupes comme Velvet UndergroundJoy Division, Sonic Youth ou les Stooges. Ca marche aussi pour Black Sabbath ou Metallica. Bien sûr notre musique est moins primaire que ce que faisait Black Sabbath mais … (réfléchit). 

Milena : On peut aimer beaucoup d’artistes mais ce n’est pas pour ça qu’on se sent forcément connectés.

Avec quels artistes aimeriez-vous partager l’affiche ? Vous pourriez jouer avec beaucoup d’artistes différents sans que ce soit choquant. Je pense à une association avec Urfaust par exemple.

Milena : Oui en effet, on n’est pas enfermé dans un genre.

Thomas : Il y a peut être un groupe avec lequel on est vraiment connecté c’est (DOLCH). Un groupe allemand. Ils sont sur le même label que nous et c’est à la fois un groupe punk, black metal et rock mais ils sont enfermés dans aucun de ces styles. Ils ne jouent pas souvent mais c’est un groupe avec lequel on pourrait facilement partager l’affiche. Urfaust aussi, bien sûr.

Milena (DOLCH) ont une manière différente de faire de la musique et on apprécie beaucoup ce qu’ils font. 

D'ailleurs, pour cette tournée  pourquoi ne pas avoir embarqué avec un autre groupe ?

Thomas : On n’est pas encore assez gros pour avoir un « support act » et être une première partie d’un autre groupe ça peut être très contraignant. 

Milena : Pour nous cette tournée c’est juste parce qu’on vient de sortir notre album et il y aura plusieurs tournées de toute façon.

Il y aurait de quoi faire avec la famille Vàn Records...

Milena : Le mot famille est parfait pour Vàn Records. C’est vraiment ça. Une famille tu ne la choisis pas. Parfois c’est compliqué mais tu passes des moments incroyables. 

Y a t-il des artistes ou des nouveaux albums qui vous ont marqués récemment ?

Thomas : (réfléchit) C’est difficile à dire mais même si ce n’est pas une nouveauté, j’ai découvert récemment le compositeur américain David Lang. Il fait de la musique classique comtemporaine. Il suffit d’écouter l’album « Death Speaks », c’est magnifique. J’adore aussi le dernier album de Sun Kil Moon. C’est un artiste folk. Il a sorti un double album. C’est à la fois dérangeant et magnifique. Il y a aussi un artiste électro que j’adore, c’est Amnesia Scanner. C’est quelqu’un de Berlin, vraiment mystérieux. Il fait de l’électro assez lourd et éclectique.  Sinon, pour moi la découverte de l’année c’est un artiste de New-York qui s’appelle M Lamar. C’est opératique, théâtral, sombre. 

Milena : Rien vraiment. Peut-être Solange Knowles, la soeur de Beyoncé. Je trouve qu’avec son dernier album elle a trouvé son propre style. C’est sans doute le dernier album que j’ai vraiment apprécié. Après, je n’écoute pas beaucoup de nouveautés. 

Thomas : J’en profite aussi pour dire que pour cette tournée notre intro et notre outro ont été composés par Arca, un artiste éléctro vénézuélien. Il a déjà produit Björk et FKA Twigs

Que pensez-vous du phénomène montant Zeal & Ardor ?

Thomas : Et bien, je n’aime pas plus que ça… 

Pour un peu élargir ma question, que pensez-vous de ces artistes qui plaisent à un public d'un univers totalement différent. Je pense à Perturbator ou Carpenter Brut qui ont beaucoup de succès chez les metalheads.

Thomas : Pour moi, il y a deux côtés. D’un côté c’est bien car ça peut ouvrir l’esprit des metalheads. Certains n’ont jamais écouté de musiques électroniques et ces groupes peuvent leur ouvrir ces horizons musicaux mais...

Milena : Mais… (rires)

Thomas : Mais pourquoi on écouterait de la musique juste par rapport à l’identité et à l’image ? Pourquoi ne pas écouter Daft Punk aussi ? 

Milena : Il y a des artistes qui font de bien meilleures choses dans ces styles-là. Je ne dis pas que les groupes que tu as mentionnés sont mauvais car je n’ai jamais vraiment écouté mais je préfère écouter Daft Punk par exemple.

Thomas : Pour revenir à Zeal & Ardor, ce qu’il fait c’est très original. Si tu lis des interviews, au début il utilisait surtout certains gimmicks. Maintenant, je trouve ça très accrocheur. Il a beaucoup de potentiel. J’espère juste que dans le futur ce qu’il fera sera plus intéressant que ce qu’il fait maintenant. 

Vous pensez que le visuel est plus important aujourd’hui qu’avant ?

Milena : Non, je ne pense pas. Dans les années 90, c’était déjà très important. 

Thomas : Regarde les photos de Black Sabbath dans les années 70 ou les photos de Slayer mi-80.

Ca vous semble plus facile d’avoir une identité visuelle aujourd’hui ?

Milena : C’est plus facile aussi d’avoir une imagerie merdique aussi. 

Thomas : Tout le monde se copie un peu. Tu le vois dans la scène Black Metal et c’est ce qui fait que cette scène est devenue vraiment barbante pour moi. C’est devenu très facile. C’est que  je veux dire avec la notion d’identité : “Fuck identity” (sic). Pourquoi tu n’écouterais pas un groupe car tu penses que c’est “hipster” ? Si c’est de la bonne musique, c’est de la bonne musique !

Milena :  Tu dois faire ce que tu veux faire.  Avec le premier album, on voulait juste que je sois jolie et sexy sur scène. Au début tu crois qu’il faut faire certaines choses, que c’est nécessaire mais il faut se sortir de ça.

Thomas : Pour moi tout devient assez ironique. Regarde la scène Heavy Metal avec des leitmotivs comme “Keep the spirit alive” ou “Keep it True” alors que le véritable esprit de Judas Priest ou Iron Maiden c’est de copier personne. C’est à l’opposé de ce que beaucoup font actuellement et tu le vois partout. C’est ironique. Le vrai punk c’est pas d’être un mouton noir parmi les moutons noirs, c’est d’être un mouton noir parmi les moutons blancs ou un mouton blanc parmi les moutons noirs.

Vous vivez à Rotterdam. C’est une ville vivante musicalement ?

Thomas : Ca se passe plutôt bien. On a de bonnes salles de répétition. Une scène indie rock assez vivante. Il y a beaucoup de choses aussi pour la musique éléctronique et le hip hop. Après, pour un groupe comme nous c’est difficile mais ce n’est pas lié à Rotterdam.

Un mot pour les lecteurs français...

Thomas : Soyez-vous mêmes et on espère vous revoir bientôt.

Milena : Libérez-vous…

Thomas : Et suivez votre coeur pour les prochaines élections…

Milena  : Allez voter. Pour celui que vous voulez mais allez voter, c'est important.
 

 

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Interview réalisée le 30 mars à Lille.