Non.
Si vous pensiez que le Doom à chanteuse ne serait qu’une étape dans les tendances musicales extrêmes du XXIe siècle, sachez qu’on en a sans doute pour encore un bon moment. Et ce n’est pas pour nous déplaire lorsqu’il s’agit des Italiens de Messa. En 2016, un premier album largement apprécié par la critique et le public sortait. Belfry et son feeling bluesy-jazzy sortait pas mal du lot, bien que le style soit loin d’être inédit. L’épopée rock’n’roll de « Hour of the Wolf » et les parties de clarinette et de saxophone de « Blood » avaient déjà tout pour piquer la curiosité de certains.
Cette année, c’est Feast for Water qui se dévoilait en avril, suivi d’une tournée qui passait notamment par la France et la Belgique en mai. C’était donc l’occasion de découvrir le nouvel album en live et, surtout, de comprendre à quel point cette chanteuse est talentueuse, tant en studio que sur scène. Sara est indéniablement l’atout principal du groupe, puisque sa voix est ensorcelante, et maîtrisée sur le plan technique et dans l’émotion qu’elle dégage. On y retrouve à la fois de l’influence de Sabbath Assembly, de The Devil’s Blood, GOLD et Dool, le groupe étant assez inspiré par la scène actuelle des Pays-Bas.
Ajoutons à cela des compositions tout à fait étonnantes dans la sphère Doom actuelle. Loin de s’enfermer dans une case, le groupe sait jouer sur les atmosphères différentes et amener de la diversité dans son nouvel album. On sent que les musiciens derrière le projet écoutent des tas de groupes variés et piochent tout ce qui leur plaît pour créer leur monument.
Feast for Water joue d’ailleurs encore davantage que Belfry sur les contrastes, entre des atmosphères très éthérées, portées par les claviers 70s et quelques mélodies vocales intimistes (« Leah », « She Knows »), jusqu’à des explosions rock’n’roll (« The Seer »), voire parfois bien Black Metal (« Tulsi »). Parlons-en, d’ailleurs, de « Tulsi », qui vient exploser après « She Knows » de manière tout à fait extravagante et inattendue pour l’auditeur. Rythmiques Black Metal, hurlements, le monde semble s’écrouler dans un scénario post-apocalyptique après la tranquillité de l’album. Les riffs ravageurs qui suivent annoncent le sang et la vengeance. Une excellente démonstration, pour le groupe, du fait qu’il sache sortir de sa zone de confort. Sur tous les niveaux, Feast for Water est plus mature et moins brouillon que Belfry, qui était bien moins abouti dans les arrangements.
C’est aussi sur « Tulsi » que le saxophone fait son retour, pour terminer le titre en douceur. Les claviers Fender Rhodes sont également largement utilisés dans la composition, parfois même centraux, parsemés çà et là dans l’album pour donner un feeling nocturne, doux et étrange à l’atmosphère déjà bien sombre et occulte de Messa (« White Stains »). Le son et les tonalités de l’album donnent indéniablement l’impression de se retrouver sous l’eau à couler, les yeux ouverts, tournés vers une unique lumière inatteignable dans une obscurité suffocante. Submergé, l’auditeur l’est par le son et la thématique aquatique omniprésente. L'album a beau être sorti en avril, l'été et les chaleurs nocturnes sont un écrin parfait à l'écoute de cet album qui transpire l'orage.
On sent finalement qu’après des expérimentations plutôt aléatoires et sans avoir véritablement de ligne directrice ou d’objectif sur Belfry, le nouvel album reprend tout cela en main. La matière première est finalement presque la même, mais les compositions sont arrangées d’une manière bien plus harmonieuse, l’ensemble a été remodelé pour subsister dans le temps et s’installer dans le paysage de manière durable. Dans un sens, l’album a également un concept bien plus intimiste, fermé sur lui-même, dans une bulle. D’un groupe de musiciens talentueux amenant leur humble petite pierre à l’édifice Doom à chanteuse, Messa a monté d’un grade pour proposer son propre son, inédit et aussi puissant que touchant.
1. Naunet
2. Snakeskin Drape
3. Leah
4. The Seer
5. She Knows
6. Tulsi
7. White Stains
8. Da Tariki Tariqat