Akroasis Europa 2016
Divan du monde - Paris
Les dates 100% Tech Death, ça ne court pas les rues. En général, la rareté de l’événement pousse les amateurs à ne pas réfléchir à deux fois avant de prendre leur ticket. Un nouvel exemple de ce phénomène nous est donné par cette monstrueuse tournée menée par Obscura, qui affiche complet ce soir. En même temps, avec Revocation en support, mais surtout avec Beyond Creation et Rivers Of Nihil (deux groupes hyper rares par chez nous), on n’est qu’à moitié étonné de ce sold-out.
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Pour leur première prestation en France, les Américains présentent ce soir leur dernier skeud Monarchy, plus technique et moins beatdown que son prédécesseur. Du coup, le groupe s'intègre mieux à l’affiche. La salle est déjà bien remplie quand Rivers Of Nihil commence à jouer, alors que la fouille à l’entrée n’est toujours pas terminée.
On commence par Perpetual Growth Machine, morceau au rythme effréné qui n’attend pas que tu sois bien installé avec ta bière pour envoyer la pleine puissance. On est sur du Tech Death qui met le paquet sur la vitesse, quitte à sacrifier un peu le riffing. Même si ce n’est pas toujours aussi contrasté, notamment avec deux trois samples et lignes de basse qui viendront pimenter les morceaux comme sur Sand Baptism, la redite arrive vite.
S'ils peinent à étonner, les Américains gagnent pourtant haut la main la médaille de l’efficacité. Les musiciens, à l'étroit entre le public et la grosse batterie d’Obscura qui prend la moitié de la scène, forment une masse compacte et puissante. Le front man rigole zéro, avec son gros coffre de bonhomme et tire vers le haut les compos qui gagnent en violence et en sincérité. Bonne communication de la part du groupe, on comprend ce qu’on nous raconte, sans laisser retomber le soufflet avec un long speech inutile.
Malheureusement, la qualité sonore va venir jouer les trouble-fête. Le début de set est à la limite du concert de double pédale, triguée à mort, qui plus est. Ca s’améliore par la suite, mais les guitares sont toujours un peu noyées par le combo basse/batterie. Il faut souvent chercher les solos à l’oreille. Niveau volume, rien à redire.
La foule réagit en conséquence : il est 18h40 et les premiers circle-pits (pour ce que ça vaut au Divan) apparaissent, suivis par de lourds applaudissements et encouragements. Rarement une troisième-première-partie aura suscité un tel engouement. Après, c’est sûr que le sold-out aide pas mal.
Même si Rivers Of Nihil a préféré jouer ses titres les plus rentre-dedans et efficaces pour se promouvoir (ce qui est parfaitement compréhensible), on n’aurait pas craché sur des morceaux qui tentent plus de choses, comme Terrestria II ou Circles In The Sky. Mais là on va chercher la petite bête.
Bien joué les Américains : une première partie prenante et énergique, qui, si on gratte un peu plus loin que la setlist de ce soir, peut s’avérer intéressante. A voir jusqu’où la transition beatdown/technique du groupe va l’amener.
Perpetual Growth Machine
Reign Of Dreams
Rain Eater
Monarchy
Sand Baptism
Soil & Seed
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Quand c’est marqué Death Technique et que ça vient du Québec, y’a de bonnes chances que ce soit un groupe qui vaille la peine de tendre l'oreille. En 2011 sort le monstrueux The Aura, premier skeud de Beyond Creation, permettant au groupe de beaucoup tourner au Canada et aux USA. Puis en 2014 vient Earthborn Evolution, toujours au-dessus du game, mais moins bon que TheAura, et surtout toujours pas de tournée en Europe. Mais pas cette fois mon précieux, pas cette fois ! Après 5 ans d’attente, les Canadiens passent enfin en France, ce qui justifie largement le déplacement au Divan.
Le groupe est accueilli par une foule chauffée à blanc. BeyondCreation était donc bel et bien attendu. Là où on pouvait logiquement prédire une ouverture sur un titre d’EarthbornEvolution, le groupe commence son set de la plus belle des manières avec la doublette de The Aura qui casse tout : Omnipresence Perception / Coexistence. Ni une ni deux, la fosse part au quart de tour pour un pit très méchant. Ca joue bien, ça joue propre, la scène est bien tenue. Messieurs Philippe Boucher et Hugo Doyon-Karout, respectivement nouveau batteur et nouveau bassiste de la formation, s’intègrent parfaitement au line-up. Outre le fait qu’Hugo se la donne grave et ne donne aucun répit à son instrument, le plus impressionnant des deux reste Philippe. Le bougre se paie le luxe d’headbanger à tout va en jouant des parties speed et complexes. Respect. Simon et Kevin, les deux guitaristes, ne sont pas en reste, souriant souvent pour témoigner de leur joie de jouer en France. Ils iront même jusqu’à demander une photo avec le public avant le dernier morceau. Mais revenons à la musique.
Après cette entrée bien gratinée, arrive le plat de résistance : trois titres de Earthborn Evolution. Le premier, éponyme, fait un peu retomber l’intensité, car au final assez convenu pour le groupe. Le second, l’énervé The Great Revelation, permet de relancer un pit qui a encore faim. Le set des Canadiens file quasiment sans temps-morts (on en a compté trois), pour privilégier le temps de jeu. Le show est sacrément rodé, à l’image des musiciens qui ne boivent qu’une seule fois durant tout le concert, et ce exactement en même temps, à la levée de coude près.
Pour terminer, le troisième titre, Theatrical Delirium, nous emmène sur des plans plus planants, pour une ambiance éthérée réussie, contre toute attente. La basse fretless fait toujours son petit effet, même si comme souvent, les guitares gagnent à être d'avantage mises en avant. Arrive le moment love avec la fameuse photo devant le public, et on se dit que le concert vient de se terminer, de manière abrupte. Heureusement, le groupe nous sort du chapeau Fundamental Process, toujours de leur dernier skeud, qui prend le temps de développer une atmosphère assez triste et mélancolique, fait rare pour les Québecquois. Une bonne piste pour clore un concert bien trop court.
Intimement, on aurait bien aimé que Beyond Creation joue The Deported. Plus globalement, on aurait aimé que Beyond Creation ne se limite pas à deux titre de The Aura pour sa première française. Contrairement aux Américains, nous n’avons pas eu, nous pauvres Européens, de titres magistraux comme The Aura, Social Disability, ou ... The Deported. Mais il paraît difficile d’être rancunier pour si peu tant la prestation de ce soir est à la limite de l'irréprochable. L’attente et l’appréhension d’avant concert laissent place à la satisfaction. Pas non plus THE best show ever, mais content de voir un Beyond Creation très solide, à la hauteur de ses compositions, et qui prend la peine de montrer plusieurs facettes de sa musique. Difficilement attaquable sur CD, difficilement attaquable en live. Allez le merch, va bien te faire défoncer. A revoir, forcément, mais avec plus de temps de jeu.
Omnipresence Perception
Coexistence
Earthborn Evolution
The Great Revelation
Theatrical Delirium
Fundamental Process
Pas plus de deux ans entre chaque album ! Depuis leur changement de nom et leur premier EP Summon The Spawn en 2006, Revocation garde un rythme soutenu. On est en 2016, et les Américains ont déjà 6 full-length au compteur. Précédemment vus au Trabendo pour défendre Deathless, c’est à présent au tour de Great Is Our Sin de passer l’épreuve du live.
Placer Revocation entre Beyond Creation et Obscura permet de se mettre à l’abri du déluge de notes ambiant, histoire de souffler un peu. Même si le combo possède une facette technique non négligeable, c’est le bon mix Death / Thrash qui fait la force brute du groupe. Révocation ne prend pas les chemins de traverse et va à l’essentiel. On commence le set avec Arbiters of the Apocalypse, nouveau titre tiré de Great Is Our Sin, qui reprend la formule du groupe explicitée plus haut. Bon titre d’entrée, qui dégage la vue et affiche tout de suite la couleur : pure violence direct dans la gôle. Le pit répond à cet appel et se fait plus de câlins que sur les deux derniers concerts. On conserve l’inertie avec la plus incisive et groovy Dismentle The Dictator, seule piste d’Existence Is Futile jouée ce soir. Ca permet de se dandiner tout en accrochant son voisin au passage.
La fosse a beau proposer un joyeux foutoir, sur scène les musiciens restent assez statiques et font le minimum syndical. Après, on ressortira l’argument de la petite place allouée, où les musiciens se marchent dessus, certes, mais mis à part l'indéboulonnable David Davidson qui nous gratifie de sa célèbre danse du ventre sur les riffs les plus catchy, on reste souvent les deux pieds collés au sol. A noter que les roadies ont oublié de virer le backdrop de Beyond Creation, qui du coup a été utilisé pour toutes les premières parties de ce soir. On est également étonné de voir que Revocation prend son temps entre les morceaux, ce qui donne un set en dent de scie. Après attention, durant les morceaux, c’est plus la même tambouille, avec notamment Ash Pearson, tout nouveau batteur du groupe, qui matraque ses fûts comme un gros bucheron. Cachez cette caisse claire tabassée et défigurée durant tout le concert que je ne saurais voir !
Les gars de Boston ne sont pas nostalgiques. Il faut vivre avec son temps, que voulez vous ! C’est pourquoi le groupe enchaîne uniquement des jeunes titres par la suite, sortis sur Deathless ou sur le dernier bambin en date. Ils proposent ainsi plusieurs aspects de la musique qu’ils font actuellement, pas celle qu’ils faisaient il y a 6-7 ans. C’est une décision respectable qui permet d’assumer totalement l’humeur actuelle du groupe, mais aussi et surtout d’assister à des concerts de Revocation différents à chaque fois.
Grande remarque journalistique : on a toujours le droit aux speech hypers rapides du père David. En Américain qui plus est, où le gars ne fait même pas l’effort d’articuler ou de diminuer le débit. Le public du Divan se retrouve comme celui du Trabendo il y a deux ans, à crier "YEAH" sans avoir compris un traître-mot de ce que mister Davidson nous raconte.
On perd le groupe sur Crumbling Imperium et ses plans définitivement trop calmes pour du Revocation, mais on le retrouve très fort sur Communion, où ce fameux mix Death/Trash permet de changer de riffs à foison sans perdre de vitesse, permettant même de placer un solo pas dégueulasse en plein milieu. Définitivement un titre qui témoigne de la maturité et du savoir-faire des Américains. Et puis, d’un coup, le groupe décide de jouer 3 morceaux de Deathless dans la foulée, avec le très plaisant Witch Trials que l’on avait pas entendu lors de leur dernier passage au Trabendo. Si le concert a pris un peu de plomb dans l’aile en milieu de set, la fin tient toutes ses promesses. Le pit quand à lui semble essoufflé, réduit à soutenir chaudement le groupe par des mains en l’air et des exclamations.
Revocation conserve cette particularité qu’il a en live : proposer une prestation toujours solide, et en même temps différente. Ce concert au Divan garde l’intensité de celui donné au Trabendo, alors que les setlists respectives de ces deux dates n’ont que deux morceaux en commun. A quand une tournée en headliner, avec plus de temps de jeu, pour apercevoir au coin d’une setlist des titres d’Empire Of The Oscene ou de Revocation?
Arbiters of the Apocalypse
Dismentle the Dictator
Crumbling Imperium
Communion
Madness Opus
Scorched Earth Policy
Witch Trials
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Elle remonte à loin l’époque où le père Grossmann et Münzner quittent Necrophagist, après un Epitaph de haute volée, pour rejoindre Obscura. La bande de Steffen Kummerer, déjà bien lancée avec Retribution, sort ensuite Cosmogenesis et Omnivium, deux skeuds qui propulsent les Allemands en leader de la scène Tech Death. Mais depuis, l’eau a coulé sous les ponts. Exit Grossmann et Münzner, partis s’amuser ensemble sur plein de nouveaux projets (Alkaloid, Eternity’s End, Hannes Grossmann), exit également Fontainhead, parti après de gros problèmes avec Kummerer, sur fond de “on m’a volé mes chansons”, et nous voilà avec Akróasis, le dernier album d’Obscura. Un album qui me fait sortir de mon objectivité. Un album qui sent bon le SteffenKummerer en roue libre, sans plus personne pour l’arrêter. Un album avec, certes, ses moments de gloire totale, mais pour beaucoup de frime et de plans qui ne servent à rien, et au final un Obscura qui déçoit beaucoup.
C’est tout le paradoxe de ce concert. D’une part on est très content de retrouver les Allemands sur scène, d’autre part on est très sceptique tant sur la setlist que sur l’humeur des musiciens et le ton donné sur scène.
L’heure du boss final de ce soir est arrivée. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les Allemands n’y sont pas allé avec le dos de la cuillère. Enorme drapeau de fond, plus deux autres draps sur les côtés de la scène, batterie à $40.000, et le tout, installé par des roadies ! Il est temps de savoir si la version 2016 d’Obscura tient la route. Et c’est même l’heure de me réconcilier avec Akróasis. Les Allemands s’installent, et on est parti avec la doublette d’ouverture Ten Sepiroth / The Monist. La première sans réel grand intérêt, la seconde en revanche a plus de matière. C’est une des bonnes pistes d’Akróasis, alors on ne va pas non plus cracher dans la soupe.
En ce début de concert, on se rend compte assez rapidement que le son ne sera jamais au point. On entend mal toutes les subtilités des guitares, à base de polyrythmie dans tous les sens, de soli de basse en arrière fond, bref, vous connaissez le client. C’est très dommageable car ce sont les principaux atouts d’Obscura. Ainsi, sans connaître les morceaux, il paraît difficile de rentrer correctement dans le concert.
On passe ensuite à une compo d’Omnivium, joie ! Et là, qu’est-ce qu’a choisi Steffen Kummerer comme morceau, hein ? Ocean Gateways. Il aurait pu choisir n’importe quelle autre chanson de cet album, on est bien d’accord. Non, il prend juste la pire piste du skeud, celle qui de base ne correspond à rien, ne veut rien dire. Quelle déception ! Bon, après ça permet au pit de bien se lâcher, de poser son cerveau cinq minutes, et de le reprendre pour le titre éponyme d’Akróasis. Et contre toute attente, ce morceau passe brillamment le baptême du live, grâce à ses riffs hyper catchy : bonne surprise.
Pour terminer sur les compositions et leur rendu en live, on est toujours à la fois excité et anxieux de connaître la prochaine chanson. Le concert nous tient en haleine, garde un côté imprévisible en dépit des riffs millimétrés et de l’exécution robotique des musiciens et c’est un énorme bon point pour Obscura ce soir. On a le droit à des moments de bonheur avec Anticosmic Overload, des moments de malheur avec Ode To The Sun, et des moments de redécouverte totale des morceaux en live comme sur The Centric Flow.
Sans transition, Obscura a beau communiquer correctement et être assez proche de son public, les Allemands se la jouent un peu quand même, ce qui peut irriter certaines sensibilités. Au délà du fait qu’il y a beaucoup trop de cordes sur scène pour ne pas être poseur, le groupe, malgré tous ses sourires, fait parfois dans la démonstration, à coup de jambe écartées, de "regarde mes doigts comme ils vont vite" ; et puis merde des sangles de guitare avec le logo du groupe brillant dessus ? Comme si le merch n’avait déjà pas assez de gadgets à l’effigie du groupe. Des relents prétentieux et arrogants apparaissent aléatoirement pendant le concert. Rien qui ne vienne gâcher la fête, mais rien qui ne vienne améliorer la nouvelle réputation d’Obscura.
Un petit mot sur le pit de ce soir, qui est d’une exemplarité rare. Quand le groupe découpe des bûches, le pit se met dessus, quand le groupe joue une partie prog, le pit s’arrête. Depuis le balcon du Divan du monde, on a l’impression que la fosse vibre littéralement au rythme du groupe. Par ailleurs, cela va sans dire, mais ce serait malhonnête de ne pas le souligner : Obscura n’a pas fait un seul pain, et à maîtrisé son show de bout en bout. On finit sur l’excellente Incarnated, avant de laisser le groupe prendre congé.
En général, dans le Death Technique, les rappels spontanés sont assez rares. Quand le groupe revient alors, et qu’il annonce que c’est une reprise qui va être jouée, les possibilités se réduisent comme peau de chagrin à mesure que la hype grandit. Quand on sait que le père Steffen aime bien traîner avec les gars des Death DTA Tours, et qu’Obscura a, par le passé, déjà enregistré une reprise de Death sur la compil' Illegimitation (Flesh And The Power It Holds), on se demande bien quel groupe va être repris. C’est donc Trapped In A Corner qui est lancé en pâture au Divan, qui clôt parfaitement un concert très attendu, qui a déçu parfois, qui a surpris également, mais qui dans sa globalité est très satisfaisant. Pas vraiment réconcilié avec Akróasis, mais moins fâché avec lui, c’est toujours ça. Obscura perd son titre de tueur Tech Death sur CD, c’est évident, mais reste dans le top du game pour ce qui concerne le live, assurément.
Merci à Garmonbozia et au Divan du monde de permettre l‘organisation de ce genre de date. Merci aux quatre groupes de ce soir pour la qualité de leur jeu et pour leur énergie. Enfin, merci à vous, lecteur, d'avoir suivi jusqu’ici.
Ten Sepiroth
The Monist
Ocean Gateways
Akróasis
Anticosmic Overload
Sermon Of The Seven Sun
Ode To The Sun
Perpetual Infinity
Centric Flow
Incarnated
Trapped In A Corner (Death)