Si l'on devait faire un bilan très très rapide de l'évolution du Big Four au tournant des années 2010 – parce que hey, on l'a quand même bien entamé notre décennie maintenant – il semblerait que Anthrax ne s'en sorte pas si mal que ça franchement. Facile vu l'état de la concurrence vous me direz... Et c'est bien vrai l'ami. D'autant plus qu'en tout bien tout honneur nos New-Yorkais s'étaient plutôt faits discrets aussi dans les années 2000 avec seulement un album au compteur en 2003 (je ne compte pas The Greater Of Two Evils, pas franchement inoubliable d'ailleurs, passons).
Alors je sais pas vous mais du coup j'avais plutôt bien accueilli la sortie de Worship Music en 2011. Non seulement à cause du retour de Belladonna vingt et un ans après sa dernière apparition en studio, mais aussi parce que sur un plan purement qualitatif faut admettre que l'album ne verse absolument pas dans l'auto-parodie et reste honnête avec son public. Bref tout ça pour vous dire qu'après avoir pas mal apprécié Worship Music, je ne vous cache pas que j'en attendais beaucoup de ce For All Kings, malgré le départ de Caggiano chez Volbeat.
Le premier constat que l'on peut dresser déjà c'est que la composition varie carrément plus les tempos que le précédent opus. Avec tout de même cette grosse préférence pour le mid, exercice qu'après tout Anthrax maîtrise plutôt bien depuis State Of Euphoria et Persistence Of Time notamment. Sans avoir à chercher trop loin on a donc surtout affaire à des main riffs à la fois pêchus et entraînants, assez heavy disons-le, qui s'écartent pas trop des premières frettes pour un maximum de groove sans pour autant sonner hyper fat non plus (on reste loin d'un Keep It In The Family pour bien resituer les choses).
Le tout servi enfin par un Belladonna ultra-pro comme à son habitude, notamment sur l'épique For All Kings ou le méchant Monsters At The End, mais qui ma foi a encore du mal à se lâcher complètement derrière son micro. Comme si le bonhomme tentait bizarrement de s'approprier trop le style de John Bush parfois.
Du coup cette grosse perte de vitesse est carrément mise au service d'une musique plus « easy listening » si vous me passez l'expression. Ce qui fondamentalement reste assez accrocheur dès la première écoute sur des pistes comme You Gotta Believe ou Defend / Avenge qui ne lésinent pas sur un riffing minutieux, avec une rythmique chiadée et plutôt intéressante, dont on pourrait facilement imaginer les dégâts en live. Le seul contre-exemple un tant soit peu intéressant à ce niveau restant Suzerain et son début beaucoup plus coriace, bien plus dans la dynamique de Worship Music finalement.
Mais le problème c'est qu'après plusieurs écoutes on s'aperçoit très vite que cette composition souffre quand même d'un gros manque d'ambition et d'un léger goût d'inachevé. Certains titres sont somme toute d'une qualité assez pauvre avec à la clé des structures assez plan-plan et quelques passages vraiment indignes de Scott Ian, qui ont souvent la fâcheuse tendance à finir en queue de poisson. Je dénoncerai entre autres Blood Eagle Twin et son riff principal complètement à côté de la plaque ou certains passages hyper balourds de This Battle Chose Us, limite atteints par le syndrome du Black Album du pauvre.
Après ça n'empêche pas non plus le nouvel opus de proposer une ambiance assez neuve, ambiance que l'on pourrait très paradoxalement assimiler à la période John Bush justement. Bien qu'en même temps ça reste autre chose... Car en réalité certains passages permettent de mettre en valeur la gratte avec des p'tits effets d'écho par-ci et une pointe de delay par-là, un truc un peu dans le délire d'Only ou de Nothing finalement, comme sur Breathing Lightning ou sur les ¾ de You Gotta Believe et son passage plutôt cool à la basse, merci Bello en passant.
Ce qui instaure une atmosphère assez épurée et aérée parfois, presque religieuse finalement comme le suggère les statues à l'effigie des membres présentes sur l'artwork. Même si dans le fond la chose ne m'a pas paru faire non plus de gros gros miracles sur la longueur. Ça apporte un peu plus de relief en terme de compos, et ça a tendance grosso modo à nous présenter un Anthrax « un peu plus posé et réfléchi ». Mais globalement le fil directeur sur Worship Music tenait carrément plus la route sans avoir à en faire des caisses.
Je dois admettre que je ressors un poil déçu de ce nouvel album, ce qui casse un peu les bonbons tout de même quand on sait qu'on aura attendu près de la moitié d'une décennie pour ce résultat aussi bancal. Même si cela dit les intentions au départ sont clairement loin d'être mauvaises, ça je n'en doute pas. Du coup, pour en revenir à mon intro, il semblerait bien que nos New-Yorkais se soient un peu fait détrôner cette fois-ci par Megadeth et son Dystopia, Slayer ayant entre-temps complètement lâché l'affaire avec son Repentless... Plus qu'à attendre au tournant le quatrième larron donc...
Tracklist :
1. Impaled
2. You Gotta Believe
3. Monster At The End
4. For All Kings
5. Breathing Lightning
6. Breathing Out
7. Suzerain
8. Evil Twin
9. Blood Eagle Wings
10. Defend / Avenge
11. All Of Them Thieves
12. This Battle Chose Us
13. Zero Tolerance