Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Après un premier EP plus que prometteur, Mutoid Man revient cette année avec un long format répondant au nom de Bleeder. Ce qui devait être le projet défouloir de Ben Koller (Converge, All Pigs Must Die) et de Stephen Brodsky (Cave In) se transforme donc en quelque chose de bien plus concret et sérieux avec cette seconde offrande des plus délectables.
Toute la difficulté d'écrire une chronique réside dans la capacité du rédacteur à mettre des mots sur de la musique, à choisir les bons termes, les bonnes comparaisons pour faire comprendre au lecteur de quoi il en retourne stylistiquement. Pour certains groupes la chose est simple (Cannibal Corpse ----> Death Metal qui fait saigner les oreilles, par exemple) mais pour d'autres la tâche est bien plus ardue. Et l'album dont il est question ici fait partie de cette deuxième catégorie, celle des choses complètement inclassables. Parce que oui, Bleeder est, comme je le disais en intro, excellent mais absolument incernable. Avec Bridgeburner on pourrait penser à un Mastodon période Blood Mountain en plus rock'n'roll, avec des mélodies biscornues mais entêtantes, un chant plus clair, le tout porté par le jeu de batterie nerveux de Ben Koller. Si cette description peut s'appliquer à plusieurs titres de l'album, elle est en revanche bien trop réductrice pour couvrir l'ensemble de la bête. Bleeder est complétement insaisissable, mouvant, on passe par une multitude de style sur un même morceau, les riffs tous plus géniaux les uns que les autres vont taper dans le stoner popisant (au moins un par morceau), le sludge (Deadlock), le hardcore un peu chaotique (1000 Mile Stare), le tout avec une énergie débordante et un son qui arrive à s'adapter à chaque séquence.
Bleeder c'est dont un patchwork subtil de milles choses qui sent bon le rock'n'roll, le genre de premier album qui ne peut provenir que de musiciens expérimentés tant la cohérence dans la diversité est bien amenée. En effet, si sur le papier tout ça peut sembler un peu désordonné et fourre-tout, Bleeder est en fait un album parfaitement cohérent où tout s'enchaîne sans effort et de manière rapide. Les coupures entre les morceaux sont réduites à leur strict minimum, l'effet d'urgence n'en est que plus intense et l'écoute se fait d'une traite, la tête en mouvement perpétuel et le pied battant la mesure. La musique de Mutoid Man est parfaitement addictive, les mélodies restent, le chant de Stephen Brodsky est toujours aussi envoûtant dans les parties claires, puissant quant il hurle. Le sieur varie entre la gueulante hardcore (Beast) et la voix aérienne (le refrain de Dead Dreams) en passant par le chant typé un peu heavy ponctuellement (Surveillance), et, une fois encore, malgré la diversité, ça reste complètement pertinent sur la durée.
Techniquement, c'est évidemment parfait, sans être dans la démonstration stérile. Que ce soit le jeu de Ben Koller précis et énervé ou la déferlante de note dans les riffs de Brodsky sur lesquels la basse de Nick Cageao met de la rondeur, tout respire la maîtrise totale. Soft Spot In My Skull en est l'exemple parfait (mais les neufs autres morceaux le sont aussi), avec ses riffs en descente de gamme bizaroïdes et sa batterie épileptique, on est presque dans le mathrock/mathcore mais sans que l'on s'en rende vraiment compte. C'est là toute la force de Bleeder, un concentré d'efficacité qui fait presque oublier que tout ça est incroyablement riche musicalement.
Bleeder est donc parfaitement indescriptible de manière exhaustive, la seule chose qui me reste à vous dire c'est écoutez-le. Écoutez-le jusqu'à plus soif parce que ce premier long format de Mutoid Man est un pur bijou. Ecoutez-le parce que les mots, quels qu'ils soient, ne seront jamais à la hauteur du ressenti auditif.
Tracklist de Bleeder :
1) Bridgeburner
2) Reptilian Soul
3) Sweet Ivy
4) 1000 Mile Stare
5) Surveillance
6) Beast
7) Dead Dreams
8) Soft Spot In My Skull
9) Deadlock
10) Bleeder