Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Juste avant l'été 2015, une pure bombe débarque dans le rayon Stoner/Pop/etplussiaffinités : le missile s'appelle Bleeder et le bombardier Mutoid Man. Bilan total : une demi-heure d'absolue jouissance et une attente fébrile de deux ans pour voir arriver la seconde salve. Et c'est de nouveau juste avant l'été que le trio Brodsky (Cave In) / Koller (Converge) / Cageo décide de remettre le couvert avec un nouvel album, War Moans.
Attente fébrile donc, tant Bleeder était un bijou de folie et de maîtrise, travaillé avec soin mais spontané et vivant. Or, quand l'attente est fébrile, si déception il y a, elle est encore plus lourde. Et là, on tape dans la catégorie très grosse déception. Par où commencer ? Par ces morceaux qui vous font headbanger comme un dingue sur la première moitié et qui font pschitt à mi-parcours (Melt Your Mind, Micro Agression) ? Par les titres tellement anecdotiques qu'il n'en reste presque rien quand on essaie de se refaire l'album de tête (Bone Chain, Kiss Of Death) ? Par la propension agaçante qu'a développé le groupe à se singer lui-même, usant et abusant de gimmicks au point de déjà les poncer jusqu'à la corde au troisième album ? Argh ! Voilà, vous l'avez compris, War Moans est raté sur pas mal de plans, et même si quelques titres s'en sortent pas trop mal (on y revient plus loin), l'ensemble sonne mou et recuit. Et c'est le genre de truc qui me fait mal au cul à écrire tant Bleeder m'avait totalement séduit.
Dans les choses intéressantes qui parviennent, difficilement, à émerger de cet ensemble, il y a deux catégories : d'un côté, les fulgurances au milieu d'un morceau moyen, et de l'autre, quelques titres apportant un peu de saveur à un album qui en manque beaucoup. Dans la première catégorie, on trouve le début survitaminé de Micro Agression, sur lequel Brodsky balance un tourbillon de notes sur une rythmique nerveuse dont Koller a le secret, et là, on retrouve la patte et l'énergie qui faisaient le sel des deux premiers albums. Dans le même registre, Afterlife provoque quelques pics de folie, avant de s'avachir lamentablement à son tour.
Concernant les morceaux qui, dans leur totalité, sont intéressants, il y a la triplette Irons In The Fire / War Moans / Wreck And Survive. Le premier est une remise au goût du jour des sonorités Heavy 70/80, sans le côté kitsch qui se dégage des anciennes productions (avis purement personnel pour cette dernière affirmation). Même le ralentissement de tempo sur ce titre lui donne du relief, là où sur les morceaux précédents, la moindre baisse de régime faisait immédiatement tomber le tout à plat. War Moans, quant à lui, développe quelque chose de plus thrashisant, avec un couplet-cavalcade implacable, un refrain qu'on a envie de reprendre en cœur avec Brodsky et un solo qui propose quelque chose de différent que les désormais trop attendues avalanches de notes. Quant au dernier titre de la série, Wreck and Survive, passé l'intro furibarde, on se balade dans quelque chose d'un peu flou et troublant, triste et beau à la fois ; la voix de Chelsea Wolfe, bien qu'assez discrète, n'y est pas pour rien. Vient également s'ajouter une composante noisy avec cette guitare qui crie dans les aigus, procédé que Unsane n'aurait pas rejeté.
Trois bons morceaux, quelques miettes de riffs et des capsules rythmiques intéressantes par-ci par-là, et c'est tout. C'est tout ce qu'il y a à garder de ce War Moans. Quand on compare avec Bleeder, ça fait pas lourd. Mutoid Man s'est un peu trop reposé sur ses lauriers, jouant trop sur les mêmes effets de style avec pour résultat de les affadir complètement. En ressort un album globalement vide et une déception assez violente. Dommage.
Tracklist de War Moans :
01.Melt Your Mind
02.Bone Chain
03.Micro Agression
04.Kiss Of Death
05.Date With The Devil
06.Headcrush
07.Irons In The Fire
08.War Moans
09.Wreck And Survive
10.Afterlife
11.Open Flame
12.Bandages
