Dans les musiques grasses et boueuses, à peu près tous les maîtres ont dégainé en 2014 (Down, Electric Wizard, Eyehategod, Crowbar, C.O.C pour ne citer qu’eux). Il est donc normal qu’en 2015, les fans n’aient droit qu’à des opus de groupes moins influents, mais néanmoins considérés comme cultes dans le milieu, des groupes vivant dans l’ombre des dits maîtres, en essayant de se faire une place à leurs côtés, en sortant l’Album. Dopethrone fait partie de ces groupes. Jeune combo canadien formé en 2008, fort de 3 opus qui ont tous fait bonne impression et leur a permis de tourner à l’international, le trio sortira Hochelaga (ancien village iroquois qui se situait à l’actuel emplacement de Montréal, désormais ce terme renvoie au quartier ouvrier de la ville québécoise) en Avril. Où se situe cet album par rapport à ses prédécesseurs ? Constitue-t-il une rupture par rapport à eux ? Est-ce que Hochelaga permettra aux canadiens de régner sur le sludge aux côtés de Weedeater, Eyehategod et consorts, ou resteront-ils des éternels seconds, assez connus pour jouer au Hellfest vers 17h ou pour ouvrir pour Acid King mais n’ayant pas la stature d’une tête d’affiche de Valley?
Avant même de commencer l’écoute, la durée de l’album frappe. 7 morceaux pour un total de moins de 40 minutes. Au niveau du format, on est ici proche d’un EP de Down. D’un point de vue strictement commercial cela peut sembler risquer (bien que lorsque l’on joue dans un groupe de sludge et que l’on s’auto-revendique « DIY » on a le bon goût d’au moins faire genre de se foutre de l’aspect commercial) mais cela s’avère être un réel avantage. L’opus a une certaine constance au niveau de la qualité, et ne comporte pas de morceaux réellement faibles. De plus, sa durée confortable encourage l’auditeur à l’écouter en intégralité d’une traite, ce qui permet de mieux s’immerger dans l’univers du groupe.
Et là survient le premier accroc. Bien illustré par le clip de Scum fuck Blues et sa succession de thématiques dont les fans de stoner/doom sont friands (Weed, coke, Harley, grasses filles des années 70), Hochelaga ne fait ni dans le subtil, ni dans l’original. Les mecs représentent tellement leur ghetto qu’ils en font un nom d’album : il me semble qu’avant eux, il y eu un certain Nola et quiconque a vu le récent documentaire Noisey sur la scène sludge en Nouvelle Orléans a pu constater à quel point le lien qui unit les musiciens à leur Louisiane natale est fort. Au niveau des paroles, ça parle de « dopesmoking » à tout va, les potheads s’identifieront et pourront se dire « hé on est pareil ! Dopesmoking family! » Le fameux « Smoke, drink, die » de Scumfuck blues nous rappelle qu’on a pas affaire à des Goncourts et que parfois, il serait bon d’arrêter de se complaire dans ces clichés.
On retrouve cette même sensation de « déjà vu » en ce qui concerne la musique. Mais ici, est-ce à blâmer ? L’album fait clairement le taff, est riche en riffs sublimés par une production réellement dantesque, aussi pachydermique qu’agressive. Pas le moindre désir de renouvellement, on retrouve les fameuses pistes audio issues de vieux films dans tous les nouveaux titres, un gimmick plus que récurent chez les canadiens, utilisé avant eux par Cathedral, Electric Wizard ou encore Carcass. A propos de Carcass justement, pour ceux n’ayant jamais écouté Dopethrone auparavant, les vocaux ne sont pas sans rappeler Jeff Walker, et constituent, le seul élément original de cet album qui ne sort que peu des sentiers battus. Mais, à l’écoute de Riff Dealer, et de son riff Sabbath-Like ou des sirènes qui ouvrent Bullets (meilleure pièce de l’opus) et qui rappellent bien évidemment War Pigs, on comprend très bien qu’ici, le groupe ne cherche pas à innover.
Avec Hochelaga, Dopethrone poursuit son petit bonhomme de chemin, reprend les mêmes et recommence. Un album de sludge, fait par des fans de sludge, pour des fans de sludge. Le talent est là, en démontre la qualité des riffs, ou l’alternance très réussie entre plans très heavy, et légers soli qui aèrent l’ensemble et rendent l’écoute très agréable. Mais tant que le groupe ne s’affranchit pas des lieux communs du style, trouvant par la même occasion une identité propre qui les rendront incontournables dans la scène, il semble condamné à rester dans l’ombre des mastodontes qui étaient là avant eux.
Tracklist:
1 Sludgekicker
2 Chameleon Witch
3 Vagabond
4 Scumfuck Blues
5 Dry Hitter
6 Bullets
7 Riff Dealer