Non.
Les termes de Post-Black et de Depressive Black Metal sont tout de même de sacré niches dans la large façade du Black. Ils m'ont d'ailleurs toujours posé souci dans le sens où, comme de nombreuses étiquettes, ils peuvent être interprétés de différentes manières, ou ne suivent pas ce qu'on attendrait du terme, dans son sens premier. Si on suit la cohérence de la chose, « Post-Black » devrait représenter tout groupe qui propose de la modernité en gardant une plus ou moins légère trame Black. En effet, on peut l'utiliser de cette manière, mais on a tout de même plutôt tendance à l'associer aux groupes qui puisent une large part de leurs influences dans le Post-Rock.
Il se trouve donc que de nombreux groupes actuels ne savent pas où se ranger, risquant d'être affiliés, dans les esprits, à d'autres groupes dont parfois ils ne partagent pas grand chose au niveau des sonorités et du concept même.
C'est également ce qui fait que ce terme m'évoque directement les formations récentes, copies de copies de plagiats (et ainsi de suite) des principaux et en vrac Alcest, Lantlôs, Heretoir et compagnie, en somme un terme qui ne m'enchante absolument pas à première vue.
Dans le genre « mêlons donc un peu de Post-Rock, de touches éthérées et mélancoliques, à un Black moderne, torturé et planant », voici Vaer, fruit d'une énième collaboration bulgaro-belge/anglaise entre Déhà (l'homme aux mille projets) et Daniel N. (l'homme... aux mille projets, second du nom). Déhà siégeant déjà sur deux places dans mon top albums 2014, à savoir avec We All Die (Laughing) et Imber Luminis, voyons voir ce qu'il nous réserve avec un autre duo.
L'album serait-il aussi intéressant si l'un des deux personnages manquait à l'appel ? Bonne question, Daniel N. ne s'occupant que d'une partie du chant et non de la composition (100% made in Déhà), la réponse est déjà orientée. Néanmoins, il faut bien avouer que si le charme opère de cette manière, c'est bien pour la confrontation de ces deux chanteurs exceptionnels, dont les voix se reconnaissent dès le premier hurlement.
Les compositions sont, bien évidemment, assez proches de ce qui se fait déjà avec Imber Luminis, c'est à dire une sorte de Black Atmosphérique un peu dépressif sur les bords (la touche Doom en moins, en tout cas moins perceptible). Si on peut tout de même différencier les deux projets par une dynamique différente, plus marquée chez Vaer et, le chant de Daniel N. qui apporte une touche nouvelle, on y retrouve les mêmes qualités : au premier plan, la variété des riffs qui s'enchaînent avec un naturel et une spontanéité incroyable.
Non mais, ces compositions, sérieusement. Comme de nombreux autres noms modelés des mains de Déhà, Vaer a ce pouvoir étrange de réussir à aligner ses parties de manière ultra fluide, naturelle, si bien qu'une fois lancées, les 13 minutes de chaque titre nous passent sous le nez sans qu'on ait rien vu venir.
La seconde raison qui crée l'intérêt de cet album, c'est la violence mise en valeur ici, assez rare dans la tendance Post-Black et la veine Black Dépressif actuelle pour être soulignée. C'est ça, en fait Vaer est un imposteur, qui se vend sous cette étiquette sans vraiment s'y conformer, proposant des compositions aux riffs ni complètement novateurs ni inédits, mais qui y ajoute une puissance rarement employée pour ceci. Le mur sonore créé par toutes les pistes superposées, de la batterie aux hurlements synchronisés, rend la chose assez agressive finalement.
En ce sens, on a envie de différencier Vaer de ses voisins, auteur de sonorités correspondant plus à un Black moderne, à la touche atmosphérique et mélancolique, qu'au Post-Black stricto sensu.
Les opposants à ces nouvelles vagues modernes pourraient éventuellement enfin y trouver leur compte. « For So Many Reasons » propose trois titres planants, violents aussi, comme évoqué précédemment, un ensemble qui se détache de ce à quoi on a l'habitude d'assister dans cette scène. « Beneath The Shade Of Time » met un peu de temps à poser ses fondations, puis décoller, mais une fois les premiers hurlements donnés, on renverse tout et c'est parti pour quasiment quarante minutes d'écrasement intensif.
Mon coup de cœur ira à « Left In The Cold » qui, grâce à la production merveilleuse, donne un départ en trombe plus que surprenant, et toujours, toujours, ces chants qui refilent des frissons à la pelle. Néanmoins, les trois titres ont les mêmes qualités : des progressions internes plus ou moins subtiles, cette batterie écrasante, du riff rythmé, des mélodies dosées comme on l'espérait, et constamment, cette production folle qui harmonise le tout et lui donne sa touche plus furieuse.
« For So Many Reasons » n'est pas l'album de l'année, ni complètement novateur, ni tape-à-l'oeil, ne relevant pas du génie non plus. Mais il se permet tout de même de démonter les trois quarts des sorties de la scène à laquelle il se rapporte. Terriblement efficace, ce premier essai laisse peu d'amertume en fin d'écoute. On a eu ce qu'on souhaitait, des titres torturés sans tomber dans aucun cliché, du propre, du carré, et de la puissance. On est rassasié. Ce qui fait également qu'on n'en reprendra pas tout de suite, le temps de laisser la chose reposer, être digérée. Puis on y reviendra avec plaisir, la confiance accordée, les yeux fermés.
1. Beneath The Shade Of Time
2. Disheartened
3. Left In The Cold