Himinbjorg
Zahaah (leader)
Avec près de vingt années d’existence, Himinbjorg fait partie du paysage français en matière de metal. Aujourd’hui, l’entité compte pas moins de sept albums, un EP et deux démos. Après cinq années de silence, le fer de lance de la scène Pagan revient avec son nouvel album Wyrd, qui ne manquera pas de surprendre le public, qu’il soit de l’ancienne génération comme de la nouvelle. L’occasion est toute trouvée pour nous entretenir avec Fred’, alias Zahaah, leader et tête pensante indissociable d’Himinbjorg.
// Himinbjorg, le groupe //
S. : En vingt ans d’existence, Himinbjorg a connu de nombreuses modifications au niveau du line-up. Aujourd’hui l’équilibre semble avoir été trouvé, peux-tu nous présenter chacun des membres, comment les as-tu rencontrés et depuis quand ont-ils intégré le groupe ?
Zahaah : Il y a un équilibre plaisant et productif en ce moment, mais Himinbjorg a une âme organique et en constant mouvement. Certains sont de vieux compagnons de chemin comme K.H. d'Hysteria qui jouait déjà la batterie sur Golden Age en 2003, Europa en 2005. Nous sommes de vieux camarades de scène à présent ! Ensuite il y a « nos p'tits jeunes » comme nous les nommons avec K.H. : Sven du groupe AntiCorpse que j'ai connu en Bretagne où je viens de vivre 2 ans, et Avgruun de Caïnan Dawn et Allobrogia qui est un Savoyard qui nous a rejoints l'année dernière.
Et puis il y a le prodigieux Baptiste Labenne de Boisson Divine et Christophe Morvan célèbre musicien Breton qui ont joué sur l'album, et qui j'espère viendront faire quelques dates avec nous !
S. : Himinbjorg est avant tout un projet qui t’es personnel, quelle est la contribution des autres membres ? Participent-ils aux compositions ou sont-ils uniquement des interprètes ? Leur laisses-tu une marge de manœuvre ou contrôles-tu absolument tout ce que produit Himinbjorg ?
Zahaah : En fait Himinbjorg est le chemin de ma vie dont je raconte certains éléments. Je rencontre parfois des personnes avec qui j'ai envie de réaliser cette musique quand humainement et musicalement je pense que nous avons quelque chose à faire ensemble. Si elles sont partantes nous travaillons et faisons un bout de route ensemble, mais chacun va et vient en fonction des besoins d'Himinbjorg mais aussi de ses envies et disponibilités personnelles. Tous les intervenants sont musiciens de session dans Himinbjorg. Je dirige effectivement tout, je joue tous les instruments sauf la batterie et quelques riffs de guitare trop difficiles pour moi sur l'album, hors instruments traditionnels évidemment. Ce qui n'empêche pas de vivre de vrais échanges de valeurs avec mes compagnons loin de toute promesse de fraternité éternelle puérile ou ce genre de conneries… et à vrai dire des conditions claires produisent des relations claires, mais il est vrai que j'apprécie particulièrement mes compagnons actuels.
S. : Depuis 2010 et la sortie de « Chants d’hier, chants de guerre, chants de la Terre », et aujourd’hui avec la sortie de « Wyrd », les productions d’Himinbjorg paraissent sous ton propre label « European Tribes ». Y a-t-il eu une raison particulière de t’être détourné des labels existants ? Une volonté de tout maîtriser ? Une mésaventure passée ?
Zahaah : La volonté de faire les choses comme je l'entends sans me préoccuper de qui que ce soit. Les labels veulent bien distribuer les cd mais ne payent plus les productions à part rare exception. Mieux même, beaucoup des groupes payent pour être sur les catalogues de labels ou pour jouer en concert, non mais quelle blague !! Les ventes de cd ont été divisées par 10, il est très difficile de faire un bénéfice financier avec un album, donc en faisant tout le travail seul je m'en sors.
Je vous laisse imaginer la quantité de travail que ça peut représenter, mais heureusement tout ça m'a conduit à rencontrer des personnes formidables qui m'apportent leur aide et leur amitié de toute part, et pour moi le vrai bénéfice sont toutes ces rencontres que j'ai faites ces dernières années.
Rajoute à ca les caractères du marché actuel qui produit une surabondance de musique aussi insignifiante les unes que les autres, jouée par des logiciels de studio, mais qui impressionne dans les enceintes car a un « gros son », portée par un plan promo à la con garni de photos et vidéos où les mecs font les warriors ou les gars ultra sombres alors que dans la vie ce sont de pauvres merdes qui ont des vies de nazes...non vraiment pas grand-chose à faire avec ce monde-là.
// Le nouvel album //
S. : Le nouvel album d’Himinbjorg s’intitule donc « Wyrd » et sortira le 1er mars prochain. J’ai eu le privilège de l’écouter en avant-première. Moi qui suis un inconditionnel du groupe, j’ai véritablement ressenti l’âme des premiers opus (Where ravens fly & In the raven’s shadow), dans son esprit guerrier, tout en ayant un son contemporain. Ce nouveau cru est selon moi à classer aux côtés des Falkenbach, Bathory, Moonsorrow, Primordial ou encore Belenos. Peux-tu nous en dire plus sur le concept de cet album, sur ce qui t’a poussé à revenir vers une musique plus brutale, moins « progressive », par rapport à tes précédentes réalisations davantage « posées » ?
Zahaah : Wyrd est véritablement un grand album qui va surprendre. Il n'y a aucun concept derrière tout ça, je l'ai nommé Wyrd car je pense que ce que j'y expose est une expression assez évocatrice de la forme que peut prendre la réalisation du Wyrd dans mon existence. Le Wyrd est le chemin, la structure, le destin de l'âme germanique tout autant que ses lois, il est l'expérience germanique du cosmos. Lorsque j'ai écouté l'ensemble des morceaux une fois maquettés, il m'est apparu évident qu'ils étaient comme des petites balises permettant de retracer mon chemin parcouru, et comme le disait une chanson fort amusante des VRP : « comprenne qui doit, ou qui peut... » ! Donc rien de prémédité, planifié, carriérisé...quel ennui tout cela serait.
S. : Comment se sont passés la composition et l’enregistrement du nouvel album, sachant que les quatre membres composant Himinbjorg sont répartis aux quatre coins de la France ? Comment vous êtes-vous organisés ?
Zahaah : Je compose toujours seul avec ma guitare folk, lorsque certains jours je sens que quelque chose est là et attend.
S. : A la différence des derniers opus où la production était un peu faiblarde, ce Wyrd présente un mixage excellent, puissant, donnant un grand relief aux compositions tout en assurant une cohérence et une place à chacun des instruments. Dans quel studio avez-vous enregistré ? Quels groupes y ont été produits à part vous ?
Zahaah : Je l'ai enregistré sur mon magnéto chez moi, mais il a été mixé par Patric "Darkhyrys" G. au WSL studio à Montpellier. Son engagement a été total, c'est un perfectionniste et une personne de valeur. Il s'est montré surtout très motivé pour faire quelque chose des pistes que je lui ai mis entre les mains! Il a su respecter le fait que je voulais que ça reste de la musique jouée par des vrais êtres humains, pas de la programmation informatique qui constitue la norme aujourd'hui. Donc l'album a gardé son côté roots renforcé d'un mix puissant et précis.
Le studio ouvre juste ses portes, mais Patric a déjà produit le 1er album de Boisson Divine qui est une perle!
S. : Des « guests » venus d’horizons à première vue bien éloignés du Black Metal ont participé à cet album en apportant leur pierre à l’édifice au niveau des instruments folkloriques. Je pense en particulier à Christophe Morvan (Soldat Louis, Try Yann…). Comment s’est faite l’approche et quelles ont été les conditions techniques d’enregistrement ? Peux-tu nous lister les différents instruments traditionnels utilisés ?
Zahaah : Ce sont des bons exemples des rencontres dont je parlais. J'ai rencontré Christophe un soir en envoyant un mail au Bagad du village breton où j'habitais. Je travaillais sur le morceau de musique traditionnelle pour la compilation trad’ Season Of Mist qui réunissait Kampfar et Primordial...je cherchais un sonneur pour le morceau et qui me répond ? Lui ! Sachant que je suis un grand fan de Soldat Louis et de Tri Yann, je peux vous dire que la surprise fut grande. Puis nous sommes devenus amis, car Christophe c'est vraiment un sympa ! Il m'a proposé lui-même ses services, il connaît le métal et avait dépanné Eluveitie. Il joue donc de la flûte et de la cornemuse.
Il a enregistré chez lui, tout comme Baptiste Labenne qui est co-fondateur de Boisson Divine avec le frère d'un ami, individu ô combien brillant ! Alors lui joue autant de la guitare que de la flûte, de la mandoline, de l'accordéon, de la boha (cornemuse Gasconne). Il est aussi un chanteur hors pair.
S. : D’ailleurs, les « guests » en question ont-ils écouté l’album ? Quels ont été leur retour ?
Zahaah : Christophe m'a contacté ce matin pour me féliciter, il considère que c'est vraiment un bon album ! Autant dire que ça me touche énormément venant de lui.
Baptiste pense la même chose alors qu'il n'est pas fan de musique extrême.
Tout le monde est fort satisfait.
// Les lives //
S. : Pour avoir pu assister à plusieurs de vos concerts, l’expérience live avec Himinbjorg est quelque chose d’assez intense. Il s’en dégage une certaine force et une communion avec le public. Quelle est ton approche du live avec Himinbjorg ?
Zahaah : Je monte sur scène, j'enlève mon t-shirt et je joue.
S. : Avez-vous prévu une tournée en 2015 pour promouvoir le nouvel album ? Vous avez déjà été annoncés pour le Ragnard Rock en juillet prochain dans l’Ain, d’autres dates sont envisagées ?
Zahaah : Les tourneurs attendent de recevoir l'album, ça va se faire.
S. : Le groupe envisage-t-il d’intégrer des instruments traditionnels en live, ponctuellement ou sur la durée ? Jusqu’à présent il ne me semble que ça n’a jamais été le cas.
Zahaah : Oui si on nous donne les budgets nécessaires, je négocie actuellement pour le Ragnard Rock fest. Si j'avais les moyens il y aurait toujours un musicien trad’ avec nous, je n'aime pas les samples sur scène qui n'ont rien à voir avec la présence d'un vrai gars qui envoie son énergie à travers son instrument. C'est trop facile de faire croire qu'on est un groupe énorme parce que des bandes enregistrées envoient des sons trippants et gigantesques dans les enceintes, souvent c'est d'ailleurs le meilleur moment de ce genre de concert ! Un jour je ferai des concerts avec des cailloux et des morceaux de bois comme il m'est arrivé de faire dans la forêt, et je parviendrai toujours à faire passer plus de choses que ces groupes-là !
S. : Y a-t-il eu une expérience live qui t’a marqué plus que d’autre ?
Zahaah : Non, ça va de Gruttle sur la tournée Isa qui passe dans le couloir et nous félicite pour notre concert, à l'accueil ultra familial de Asgard Hass en Suisse dans une chouette petite salle au milieu des Alpes, avec un logement comme à la maison avec des gens d'une très grande amabilité.
// Zahaah, l’âme d’Himinbjorg //
S. : « Zahaah », quel est l’origine de ce pseudo ?
Zahaah : Verbalisation spontanée, il semblait dans notre jeune âge nécessaire de trouver un pseudo. Je suis allé chercher en moi quel serait le son qui me correspondrait à peu près.
S. : As-tu d’autres projets musicaux en tête ?
Zahaah : Oui, j'aimerais retravailler sur un album avec Spher mais il est actuellement en train d'enregistrer le sien. J'ai toujours un projet acoustique que je repousse depuis 17 ans, c'est du Himinbjorg acoustique mais pour l'instant les conditions ne sont pas réunies.
S. : Tu m’avais dit une fois, lors d’une conversation, ne pas tellement suivre l’actualité de la scène metal, y a-t-il néanmoins des formations en activité dont tu surveilles les travaux ? D’une manière plus générale, quelles sont tes références musicales, metal ou non ?
Zahaah : C'est vrai, le monde actuel n'est pas le mien. Heureusement Behemoth, Marduk et Tiamat (qui termine en beauté après 15 ans de descente), My Dying Bride ont sorti chacun une perle. Les groupes actuels ne font que de la repompe sans aucune substance, aucun intérêt. En même temps les anciens semblaient fatigués, c'est cela les lois cycliques. Cette année sera également l’année de sortie pour Samael, Enslaved, et Supuration qui est pour moi un des phénomènes musicaux spirituels les plus intéressants qu'il y ait jamais eu. Entamons-nous une période de nouveau productive comme les 90' ?
Globalement je trouve le milieu métal assez stérile, on ose peu, il y a une forte pression à l'homogénéisation. Il y a d'autres milieux plus fructueux où l'on trouve des créations rituelles, ambiantes, expérimentales, électroniques...et qui sont souvent bien plus sombres que les pseudos black metaleux marketing. Je pense à Current 93, Stappleton, The Moon Lay Hiden A Cloud, In Slaugter Natives, Coil, In the Nursery… mais j'aime tout autant Souchon, Soldat Louis, Balavoine...Je trouve que Ulver fait une carrière artistique remarquable même si je n'aime pas certains albums, il y a aussi le fort regretté Peter Steele.
S. : Ta longévité dans le milieu t’offre un certain recul sur la scène, quel regarde portes-tu sur celle-ci ?
Zahaah : Je crois que j'ai en bonne partie répondu. Je trouve que les 90' étaient une période musicale très forte en âme. Le milieu est aujourd'hui à l'image du monde actuel, complètement vide, où tout n'est que communication et sens de la formule pour le combler. A grand renfort de logiciels qui recalent ou jouent carrément les parties de batterie, de guitare et de chant en studio.
Rien qui ne me plaise, un monde virtuel où l'on croit que l'on fait de plus en plus alors que c'est totalement l'inverse. Le savoir et le savoir-faire se perdent, à cause d'un mode civilisationnel dégénérant qui perd le goût de l'effort, de la précision et de la persévérance au profit du culte de la satisfaction immédiate.
S. : Les textes sont emplis de références à la terre, à la culture, à l’héritage. Quel est ton avis sur la société d’aujourd’hui ?
Zahaah : Tes questions cheminent logiquement et je t'ai précédé ! Alors pour conclure je pense que nous sommes alimentés par une illusion de liberté et de savoir, d’omnipotence alors que peut-être nous n'avons jamais été en telle régression. L'électronique omni présent dans nos vies permet le contrôle de chacune de nos pensées, faits et gestes. Les gens passent leur temps devant des écrans en ayant l'illusion de faire quelque chose, alors qu'ils ne savent plus rien faire dans la vie concrète et qu'ils sont dépendants en tout. Tout est perverti, la notion de respect, de culture, de savoir, le fort est diabolisé et le fourbe porté aux nues ...dans le but de détruire tout obstacle qui freinerait l'avènement d'un monde sans culture ni savoir traditionnel où tous les êtres seraient intervertissables à l'infini dans un système financier mondialisé. Tout cela promet de bonnes heures à venir...
S. : Merci d’avoir accordé de ton temps à cet échange. Comme le veut la coutume, je te laisse le mot de la fin.
Zahaah : Vraiment, j'en rajoute une couche ?
Discographie :
1997 : Hedning (Demo)
1997 : Where Ravens Fly (Demo)
1998 : Where Ravens Fly (Album)
2000 : In the Raven's Shadow (Album)
2001 : Third (EP)
2002 : Haunted Shores (Album)
2003 : Golden Age (Album)
2005 : Europa (Album)
2010 : Chants d'hier, chants de guerre, chants de la terre... (Album)
2015 : Wyrd (Album)
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