Un mec qui écrit des trucs.
Certaines collaborations prêtent parfois à sourire.
Paul Speckmann et Rogga Johansson qui font des albums communs c'est un peu comme si on me disait que Ben Affleck allait incarner le héros du prochain film de John Favreau (le mec qui a réalisé des Iron Man ou Cowboys & Aliens de manière tellement anecdotique qu'on connaît même pas son nom) : super, deux "tacherons qui font leur job mais c'est tout" qui bossent ensemble, du coup on va avoir un truc neutre, appréciable mais dont on se fout un peu et vite oublié. Genre c'est pas comme si on nous promettait du Devin Townsend meet Serj Tankian ou Dan Swanö feat Lil Wayne quoi. Parce que voilà, ils sont mignons nos deux petits gars.
Paul Speckmann, la tête pensante de Master qui enchaîne désormais les albums dans l'indifférence générale, qui a sorti ses classiques il y a 25ans et patine sévèrement avec une intégrité toute relative depuis. Et Rogga Johansson, machine à riffs increvable qui nous sort un album tous les trois mois avec l'un de ses douze millions de projets, de qualité très variable allant de "nul à chier" à "en fait ça va" désormais. Hé beh, quelle belle alliance. Deuxième album qu'ils sortent ensemble en plus.
Bref. Les groupes de Johansson, c'est un peu toujours pareil. Aux débuts, Paganizer et Ribspreader cassaient des gueules, maintenant les deux sont devenus tout simplement honteux. Et dans les side-projects, y'a de tout. Et tout dépend juste d'avec qui il travaille. C'est sympa quand Megascavenger fait du gros Gang Bang, quand on le met avec Kam Lee, Dave Rotten ou Dave Ingram il nous sort des trucs parfois dingues (Bone Gnawer, Putrevore et Down Among the Dead Men respectivement) parfois juste miteux (The Grotesquery juste naze) et quand on le laisse seul avec ses mercenaires habituels c'est souvent même pas la peine d'y jeter une oreille car on sait ce qu'on va y trouver : sa voix d'ogre, des riffs basiques, des grosses rythmiques et de la pédale Suédoise. Genre c'est pas mal si on découvre maintenant mais c'est juste facile le 40e album de la sorte qu'il nous sort alors les habitués passent leur tour. Et donc ici on a un album réalisé avec l'un des barbus les plus illustres du monde du Death Metal qui prend le micro tandis que l'hyperactif suédois se charge de toute l’instrumentation. Et c'est exactement ce qu'on pouvait prévoir : c'est correct, mais on s'en cogne un peu.
Pendant ces quelques 32min on regarde donc tranquillement Speckmann essayer de chanter comme Johansson pendant que Johansson essaie de faire des riffs comme Speckmann. Popol growle encore n'importe comment en marmonnant ses glaires dans sa barbe, arrachant sa voix si particulière et alcoolisée sur des riffs lourds, basiques et dont on cerne bien la patte, mais se faisant plus Thrash que d'habitude, la grosse HM-2 étant un tantinet cachée cette fois au profit de guitares plus claires. Comme si on était dans un album de Master boosté plusieurs fois, lourdement chargé en double pédale et en blasts réguliers. Après, c'est bien évidemment linéaire à en crever et pas toujours formidablement intéressant, mais il est assez cool de pouvoir élever un titre au dessus de la masse : "The Bringer of Pain" est un putain d'hymne incitant au headbang, avec tout ce qu'il faut là où il faut, parfaitement bien gaulé et apte à donner la trique. Pour le reste, bah c'est sympa, c'est bardé de riffs qui font mouche (surtout la seconde partie de l'album, l’enchaînement entre la très Death "Within Reach" et "Enslaved in Filth" qui Thrash ta mère laisse des traces) mais c'est déjà du vu et revu. Et de la part des géniteurs.
Genre okay c'est bien beau tout ça mais bordel ces riffs et ces structures on les connaît. Et c'est même pas un problème de "olalala ça ressemble vachement à cet autre groupe, on sent l'influence, superbe hommage", non non, c'est carrément "putain ce groupe fait de membres de Master et de Paganizer a l'air vachement repompé sur Master et Paganizer quand même" et pffff c'est chiant. Suffit pas de voler des riffs à Bolt Thrower sur le dernier titre pour faire passer ça. C'est exactement le genre d'albums qui légitime le fait que des gens crachent sur la scène Revival : okay on a une prod atomique avec une batterie qui claque tellement qu'on dirait juste une BAR et des guitares Michael Bay, mais derrière ça provoque tout juste un peu plus d’entrain que l'annonce d'un nouvel album de Master, c'est à dire franchement pas grand chose. On écoute le skeud une fois, deux fois, trois fois, on apprécie quelques riffs marteau pilon qu'on oublie quand même par la suite, puis on le range et c'est terminé. Et perso c'est pas ça ma notion du bon album, y'a tellement de sorties ces derniers temps qu'il est plutôt ardu de défendre bec et ongles ce genre de trucs.
Bref, à l'image des géniteurs. Des tacherons solides, qui connaissent leur job, les meilleurs ouvriers, mais sûrement pas des génies en leurs domaines. Deux bâtisseurs émérites qui s'allient, ça fait une tour très solide, mais sans l'architecte qui va bien ils seront jamais auteurs d'une vraie œuvre d'art. Et c'est ce qu'on a là. Un album qui fonce dans le tas, qui fait des dégâts, mais que tout le monde même eux aura déjà oublié dans 6mois.
J&S : Quand deux des artistes les plus bateaux d'une scène s'allient, ça fait un album bateau. Voilà.
Tracklist :
1- Mask of the Treacherous
2- Inhuman Lust
3- Through the Filth and Riddled Ages
4- The Wicked Marches on
5- The Bringer of Pain
6- I'll End Your Rotten Life
7- Within Reach
8- Enslaved in Filth
9- A Grave for This World