Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
C'était avec No Matter Where It Ends que les Californiens de Black Sheep Wall avait provoqué un bonne secousse tellurique à base de sludge dense et coléreux. Ce deuxième album avait propulsé le groupe dans les noms à suivre de la musique pesante. Entre temps, Trae Malone s'est fait la malle et c'est le bassiste Brandon Gillichbauer qui prend le micro tout en gardant la quatre cordes.
Un larsen qui monte progressivement, un roulement de caisse claire qui s'approche et puis un premier cri qui fend l'air. Le début de The Wailing and The Gnashing and The Teeth met directement les choses au clair : Black Sheep Wall a changé. Si No Matter Where It Ends avait une force de frappe tout en lourdeur, le premier contact avec I'm Going To Kill Myself est radicalement différent. Déjà au niveau de la voix, fini les beuglements sourds et génialement excessifs, place à une voix criarde, vaguement screamo sur les angles. Pareil pour la partie instrumentale, là où Black Sheep Wall cru 2012 te mettait des murs d'accords en pleine face, la guitare est ici légère, des petits accords vaguement tristes, petites arpèges mélancoliques sur ce roulement de caisse claire qui compose la rythmique de ce premier morceau. The Wailing and The Gnashing and The Teeth ressemble au final plus à un morceau de screamo/emo/je sais pas quoi qu'au slduge poisseux que balançait le groupe auparavant. Avec ce premier morceau, on a presque l'impression d'écouter autre chose que Black Sheep Wall, même le final plus énergique (voir même plutôt chaotique) du morceau ne rapelle en rien les précédents efforts du groupe.
Tetsuo The Dead Man arrive ensuite et remet les choses un peu plus en ordre : retour des tempos écrasants et des grattes saturées ras la gueule. On retrouve des repères connus, et Black Sheep Wall se réaproprie la lourdeur. Mais reste la voix, bien trop criarde à mon goût, la puissance de Trae Malone me semblait plus savoureuse à l'écoute, plus prenante également. Malgré le retour des guitares épaisses sur ce deuxième morceau, le style du groupe a grandement évolué. Plus imprévisibles, plus saccadés, les riffs s'entremêlent d'une séquence à l'autre, on avance péniblement dans un attentisme un peu frustrant, cherchant l'explosion qui n'arrive jamais tout à fait. Comme pour la première piste, Tetsuo The Dead Man se termine sur un bordel bruitiste avant que ne démarre White Pig. De nouveau on se rapproche d'un cran supplémentaire du passé du groupe, tout en gardant cette forme plus étirée : ces trois premiers morceaux approchent des dix minutes chacun.
Mais c'est la dernière piste qui est la plus difficile : Metallica, trentre trois minutes, respire pronfondément, on y plonge. Cette longue plage ce déroule grosso modo en trois parties, avec entre chacune d'elle une transition bruitiste à l'image des fins des trois premières pistes. La première séquence se déroule autour d'un riff ternaire en déconstruction progressive, lente avancée monolithique sur laquelle Brandon Gillichbauer s'arrache la gorge (non, vraiment pas à mon goût sa voix). Dans cette première partie (et sur la suite du morceau également) Black Sheep Wall est écrasant comme jamais. La transition avec le second mouvement se fait sur la base d'un break de batterie interminable et déstructuré sur fond de brodel sonore affreux puis le morceau redémarre. Cette deuxième salve est une horreur rythmique, dans le sens où, même si le tempo est lent, la structure est complétement imprévisible. La guitares lâches des accords sur lesquels appuie la grosse caisse, mais de manière complétement irrégulière, avec des notes supplémentaires ou manquantes histoire de rendre complétement fou. En live ce passage risque d'être un expérience impressionante. Enfin la troisième partie est une sorte de synthèse des deux premières, retour du rythme ternaire mais avec des variations toujours plus tordues et surprenantes.
Au final difficile de se forger un avis définitif sur cet album. Black Sheep Wall a voulu changer et explorer au plus loin le sludge, sans concession et sans intention de rassembler. Mais à vouloir trop faire dans la complexité, Black Sheep Wall perd la hargne qui faisait le coeur de No Matter Where It Ends et le propos s'en trouve plus confus. Une chose est sûr, I'm Going To Kill Myself en laissera plus d'un sur le carreau tant il est difficile à cerner, de la pochette absurde aux structures mouvantes des morceaux. Accrochez-vous.
Tracklist de I'm Going To Kill Myself :
- The Wailing and The Gnashing and The Teeth
- Tetsuo The Dead Man
- White Pig
- Metallica