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Mon premier contact avec Caïnan Dawn fut leur concert de l’été dernier à Chambéry, dans le cadre de l’Under Black Horizons II. Et quelle expérience ! Il ne leur a fallu que quelques minutes pour me convaincre. C’est donc tout naturellement que j’ai porté une attention particulière sur leur travail.
Après une démo prometteuse en 2007 (« In Darkness I Reign ») et leur premier album de bon calibre quatre ans plus tard (« Nibiru »), les savoyards remettent le couvert en cette année 2014 avec leur nouvel opus « Thavmial », sous la bannière d’Osmose Productions ; en tant que vieux briscard du metal extrême, le label français a par le passé produit des formations devenues internationalement reconnues par la suite (Enslaved, Marduk, Immortal…), autant dire qu’ils ne signent pas n’importe qui. Il est donc légitime de s’attendre à quelque chose d’intéressant.
Dès les premières secondes, le quatuor nous plonge dans de troublantes ténèbres, une introduction où se mêlent bruit assourdissant, voix ritualistique et clavier mortifère. Le décor posé, la fougue du Black Metal prend le relai. Appuyé par une production véritablement parfaite, un mur sonore s’empare de l’auditeur, avec des guitares conquérantes et pernicieuses, sur lesquelles viennent par moment se poser des mélodies tranchantes à la manière de certaines formations scandinaves (Setherial, les anciens Dark Funeral…le côté occulte en plus). Un des instruments dont on ne parle pratiquement jamais revêt ici un rôle important : la basse. Derrière son instrument, Keithan fouette ses cordes tel un bourreau, procurant à la musique un caractère hautain et méprisant, voire autoritaire. La partie vocale assurée par Heruforod -leader originel du combo- n’est pas en reste, rauque à souhait, antipathique au possible, elle établit une certaine distance à l’auditeur, presque de l’arrogance, ce qui est loin d’être un reproche pour ce style musical se voulant malveillant. En cela, elle a un timbre finalement assez proche de celle de Corven…Car oui, venons-en. L’âme de Nehëmah plane au-dessus de Caïnan Dawn et ce n’est pas si étonnant. Plus que la ville d’origine, ce sont les liens entre les membres des deux groupes qui existent (Sorghal a assuré la partie guitare pour le précédent opus). On retrouve en effet cette même atmosphère, l’occultisme en fil conducteur, avec tantôt un côté oppressant, parfois des envolées cosmiques et une obscurité quasi permanente. Le titre le plus symbolique dans cette comparaison est sans doute « World among worlds » où peu à peu on s’immisce dans une sorte de rituel mystique, où les claviers, dosés, font leur apparition dans la mélodie. Un morceau d’une grande noirceur. Nehëmah étant pour moi l’un (le ?) des meilleurs groupes de Black Metal que la scène ait connu, l’analogie ne peut être que flatteuse.
Outre la certaine homogénéité entre les différents chapitres, en termes de production et d’état d’esprit j’entends, la fluidité de l’œuvre est assurée par les courtes plages ambiantes liant les titres entre eux. Cette structure confère ainsi une grande cohérence à l’album, pouvant être écouté d’une traite sans vraiment s’en rendre compte. Au fur et à mesure que défilent les minutes, on se régale de riffs très inspirés, comme cette atmosphère montant crescendo sur « The Brood », à l’instar d’un Darkspace, stellaire, le côté épique sur « Kaon » ou enfin les ultimes minutes de l’opus, sidérales, qui concluent avec brio ce Thavmial, avec un réel final dans la structure. Plus que des joueurs d’instruments, cette finesse dans la composition et dans les plans me font penser que nous avons affaire ici à de vrais musiciens, rigoureux dans le travail, se donnant les moyens de mettre en forme leur inspiration, sachant très bien où ils vont.
Côté artwork, c’est à l’image de leur musique : ésotérique. Il a été réalisé par Diktat Design, comme ce fut déjà le cas pour Nibiru. On y retrouve le visage des quatre membres, version macchabées. Ceux qui manient le langage énochien pourront avoir le plaisir de trouver les paroles, ajoutant une énième touche de mystère.
Caïnan Dawn a montré avec ce Thavmial toute l’étendue de son talent, en proposant un album sombre, hypnotique, inspiré et construit. Les savoyards rentrent dans la cour des grands et on n’a probablement pas fini d’entendre parler d’eux, c’est du moins tout le mal que je leur souhaite.
1. Keter
2. The Brood
3. Legionem Daemonicus
4. World Among Worlds
5. Karon
6. Vigrid
7. Raunen
8. Thavmial