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Quand on compare la pochette de Resurrect On The Razor Edge et celle de Grovel At Her Feet, on voit que la Madone des Franciliens de Madonagun a suivi la pub pour les yaourts qui pourrait dire : « avant je ressemblais à un squelette et je faisais peur aux gens, maintenant que je mange du Madonagun tous les matins, j'ai le teint un peu comme du plâtre mais les gens ne changent plus de trottoir en me voyant! ». Ce changement, cette évolution marque le chemin parcouru depuis le premier EP que ce soit visuellement qu'au niveau du lineup. Tout d'abord l'intégration de Nach au clavier est maintenant complète, actée et posée dans la composition. De plus un transfuge du groupe Argentum Mori, répondant au pseudo de Voron, a pris le poste de deuxième guitariste et d'ingénieur du son, puisqu'il en a façonné une bonne partie dans son studio. On remarque aussi un passage de tous les symboles qui entourent le groupe des os à la chair, du noir au blanc, tout en respectant le fil directeur de la Vierge qui n'en perd pas pour autant son côté rebelle et inquiétant. On salue unanimement ce changement qui s'éloigne un peu du cliché « tête de mort » du métal tout en se demandant si tout ce blanc ne va pas trop éblouir le chaland et lui faire remarquer un message minimaliste à l'extrême.
En général, toutes ces questions se règlent un fois la musique lancée. Et quand le mot inquiétant était évoqué quelques lignes plus haut, il valait aussi pour l'introduction « Descent » dont les notes de piano façon l'Exorciste installent une ambiance malsaine qui tend l'auditeur qui du coup ne s'attend pas à se prendre Bloodlust dans les tympans. Et pourtant il faudra être bien attentif parce que le ton d'ensemble est donné dans ce titre : compact sans être brutal, mélodique tout en restant âpre et technique sans être complexe. Vous vous rendrez compte aussi que le fossé qui sépare les deux disques du groupe est conséquent : claviers à gogo, voix claires et virtuosité mise en avant font maintenant partie intégrante de l'identité de Madonagun.
Cette identité se construit autour d'une certaine façon de présenter leurs morceaux, certaines plus sensibles que d'autres. La première c'est de choisir une atmosphère pesante plus que la rapidité. Les tempi ne sont pas très élevés par contre la doublette guitare / batterie qui souvent se suit et se complète vient appuyer le côté écrasant / rouleau compresseur des rythmiques. D'ailleurs si la batterie n'en fait pas des tonnes, le groove qu'elle peut parfois dégager n'en marque pas moins les morceaux.
Le clavier, quant à lui, met l'ambiance voire parfois porte l'âme de la chanson elle-même. Écoutez Bloodlust, Chaos Seeds ou Stairway To Hell (faites attention à la finesse de la partie en fond), ces titres ne seraient pas les mêmes sans l'apport du clavier et donc de Nach, qui a su s'adapter aux contingences du genre sans perdre sa patte. Il a fallu dépasser le simple soutien des rythmiques comme il sait aussi le faire dans d'autres titres comme Scars pour créer et se détacher.
Pour finir, on ne peut pas écouter Grovel At Her Feet sans s'incliner devant la guitare de Julien Damotte. On a parfois l'impression que le groupe lui ouvre la voie, le prépare le chemin pour qu'il nous sorte tout ce dont il est capable. Certes ils ont aussi l'intervention de Ron Thal sur Bloodlust qui en calmera plus d'un, mais on sent que le guitariste s'est lâché avec un petit clin d'oeil à Scar Symmetry sur Twilight Of The Men. Mention spéciale aux tonalités arabisantes de Or Die Free, passage obligé de tout bon groupe qui se réclame d'une façon ou d'une autre du prog !
L'avantage d'écrire un album quand on vient d'horizons aussi différents c'est que le résultat d'ensemble est parfois inattendu. Lorsque l'on écoute Chaos Seeds ou encore Or Die Free, il faut être bien accroché à ses écouteurs tant rien ne se donne à la première écoute. On se demande même s'il n'ont pas volontairement mis le bordel dans leur chanson tant certaines parties semblent dissonantes ou chaotiques. J'en veux pour preuve le clavier de Chaos Seeds qui sonne comme une alarme d'évacuation et les refrains sont, dans un certain nombre de cas, audacieux même s'ils risquent de soulever quelques réserves. En effet le chant clair semble parfois bancal alors que le chant « crié », lui, colle parfaitement à la musique rendant des morceaux comme Twilight of The Men encore plus dramatiques.
Et à l'autre bout du spectre le titre Grovel At Her Feet joue la carte de l'efficacité mais dans une simplicité qui semble tellement extrême que l'on ne ressent presque pas le lien avec le reste. Le titre est plutôt unilatéral et classique, ce qui n'est en rien la marque du groupe. On se dira que c'est pour reposer les oreilles de l'auditeur qui auront été mises à contribution auparavant. On remarquera aussi un quasi hommage aux groupes de black symphonique sur l'intro de Stairway To Hell avant que l'esprit Madonagun ne reprenne le dessus.
Ainsi Grovel At Her Feet navigue entre prise de risque dans le chant, dans la construction de certains titres et un certain plaisir immédiat dans les soli, le côté rentre-dedans des morceaux. Alors si on ne tient pas encore l'album de référence, on se sent satisfait face à l'évolution du groupe. Le chemin pris nécessite certes encore quelques réglages mais l'identité, la marque de fabrique est là, le mélange des genres prend bien et Madonagun n'a plus qu'à prouver sa valeur et celle de son album sur scène pour qu'ils puissent enfin se faire un nom et une place... en Enfer !
01. Descent
02. Bloodlust (avec Ron "Bumblefoot" Thal)
03. Chaos Seeds
04. Twilight Of Men
05. Scars
06. Or Die Free
07. Grovel At Her Feet
08. Stairway To Hell
09. Burning Gates