U-zine.org, webzine musical metal actif entre 2004 et 2015. Fermé en 2015 suite à sa fusion avec 2Guys1TV, ses articles (chroniques, live-report, interview, dossiers, ...) sont désormais disponibles directement sur Horns Up via ce compte !
Le fardeau de Dieu…
Nous. Notre existence. Nos excès. Notre faiblesse et, paradoxalement, notre force. L’humanité.
Le temps est enfin venu, la fin semble plus proche, mais surtout plus inéluctable que jamais. Les prophéties, sans se concrétiser, reçoivent du crédit des multiples catastrophes qui embrasent le monde depuis le XXIe siècle. Les artistes, de tous horizons, élaborent des concepts apocalyptiques présentant cette fin du monde si proche et terrifiante, mais pourtant si absconse, abstraite et indéfinissable.
C’est donc sans grande surprise que les français de Nightmare, développant des thèses largement pessimistes depuis quelques albums, aboutissent enfin à ce concept sur la fin d’un monde au bord du gouffre. "Genetic Disorder" annonçait une invasion détruisant notre planète pour la ravager en ruines, Insurrection dépeignant les révoltes d’une société anarchique tandis que ce nouvel opus, "The Burden of God", évoque la destruction future de notre équilibre actuel.
Présentant sa nouvelle œuvre avec un artwork sublime, évocation de la religion non plus corrompue ici, mais littéralement dépassée par le mal et la négativité, à la fois prêcheuse et guerrière, ayant succombé aux croisades contre elle. Loin des visuels précédents, "The Burden of God" laisse entrevoir une certaine grandeur, une religiosité et une forte ambition de la part du groupe de Jo Amore, qui accueille dans ses rangs un nouveau guitariste, bien que Franck Millileri ait été l’artisan principal des parties de guitare du disque.
"Gateways to the Void" ouvre l’album sur une introduction symphonique relativement rare chez le groupe, mettant en avant des orchestrations synthétiques très fines rappelant directement l’atmosphère lointaine de "Cosmovision". Une voix narrative sentencieuse surgit de cet océan mélodique, évoquant le Rhapsody des débuts, à l’époque où Christopher Lee n’était pas encore le narrateur officiel des italiens. "Sunrise in Hell" déboule et une première indication dévoile la ligne stylistique que semble prendre ce huitième album : il s’annonce bien plus mélodique et mid tempo que les deux précédents, clairement plus furieux et orientés vers le thrash, voir le death sur certains aspects rythmiques qui se révélaient particulièrement efficaces et virulents. Ici, un riff très simple, pour ne pas dire légèrement bateau, se taille des couplets syncopés où Jo démontre qu’il n’a rien perdu de ses talents pour moduler sa voix. Un refrain très mélodique, où on retrouve des guitares très power, met en avant le lyrisme de la voix de Jo, qui s’envole mais garde une certaine retenue, comme s’il ne désirait plus en mettre plein la vue comme fut un temps. Bien qu’efficace et rondement mené, on ne pourra cependant pas dire que ce premier morceau est anthologique et encore moins qu’il nous rend enthousiaste pour la suite.
Le titre éponyme poursuit l’écoute sur un riff bien plus sombre et lourd, dans une atmosphère plus proche de celle d’"Insurrection", pendant que les vocaux se font eux-aussi plus saturés. Quelques subtiles orchestrations se distinguent dans une production qui, malgré toutes les louanges que le groupe et la presse lui attribue en ce moment, déçoit par son manque de puissance et d’impact global. Les expériences du Fredman Studio et de l’Allemagne avec Alex Kohler avaient permis au groupe de se forger un nom et surtout de profiter des qualités de ces producteurs reconnus, particulièrement sur Insurrection qui était de ce fait taillé pour l’Allemagne avec sa production énorme et ultra tranchante. Rien de tout cela ici, où le raffinement de Patrick Liotard lui offre certes un spectre sonore très important mais aussi un manque évident de puissance et d’agressivité, rendant une copie finalement emplie d’une certaine mollesse.
Cela n’enlève en rien la qualité de composition du groupe, mais le plaisir, si ce n’est la jouissance, d’écoute, est tout de même amenuisée. "The Preacher" par exemple, se place dans la droite lignée des compositions comme "The Dressmaker", avec l’intégration de vocaux plus dark et une richesse des arrangements très importante. Montant lentement en puissance, le morceau explose sur un gros riff heavy qui risque de faire effet en concert. "The Doomsday Prediction" est tout aussi puissant, intégrant même les vocaux death du chanteur de Loudblast Stephane Buriez, malheureusement tellement compressés au vocodeur qu’ils en deviennent impersonnels et mécaniques.
En parlant de guest, le plus remarqué sera sans aucun doute l’interprétation magistrale de Magali Luyten (décidément partout en ce moment) sur le dernier épisode de la trilogie "The Dominion Gate". Contant l’apocalypse en se plaçant comme une princesse perse, la chanteuse belge intervient sur la composition la plus ambitieuse de l’album, avec son timbre si reconnaissable. Pétri d’ambiances plus orientales, parfaitement intégrées au power metal de Nightmare, les voix unies de Jo et Magali se mêlent magnifiquement pour illustrer cette fin du monde qui nous menace. Un pont symphonique grandiose parcourt le morceau mais apparait malheureusement comme maladroitement emboité dans la composition globale, posé entre deux parties metal sans réelle cohérence, plus pour la forme que le fond.
Nightmare est avec ce nouvel album le cul entre deux chaises, entre un style qu’il maitrise parfaitement, mais qu’il distille ici avec moins de panache et d’agressivité, et une ouverture vers un monde plus symphonique qu’il ne maitrise que partiellement. On ne pourra qu’être dubitatif sur une composition comme "Children of the Nation", affreusement passéiste et traditionnelle, sans éclat ni génie, de plus affreusement plate en raison de cette production qui, décidément, ne sied pas à mon gout aux français. Et là où "Crimson Empire" est une complète réussite dans la composition, avec un refrain hymnique et chanté d’une voix de maitre par un Jo en état de grâce, on ne peut que fantasmer sur le résultat qu’aurait été l’album avec la production d’"Insurrection" (les soli à la fin du morceau et les multiples lignes de chant qui se croisent sont merveilleux).
C’est donc déçu, et perdu dans les songes de ce qu’aurait pu (dû ?) être "The Burden of God" que l’écoute se termine et laisse une sensation d’inachevée. Comment une composition aussi belle et mélodieuse que "Final Outcome" peut à ce point émerveiller et décevoir en même temps ? Une nouvelle preuve qu’aujourd’hui, certes les compositions sont fondamentales, mais la production est également primordiale dans la réussite et l’impact d’un album. Nightmare en fait les frais et signe un disque juste moyen, dépourvu de magie malgré son grand professionnalisme. 2012 est décidément l’année des rendez-vous manqués pour nombre de groupe jusqu’à maintenant…
1. Gateways to the Void
2. Sunrise in Hell
3. The Burden of God
4. Crimson Empire
5. Children of the Nation
6. The Preacher
7. Shattered Hearts
8. The Doomsday Prediction
9. The Dominion Gate (Pt. III)
10. Final Outcome
11. Afterlife