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La Guerre en Irak reste l'un des plus grands drames (en plus d'un beau raté) de ce début de millénaire. L'élan d'indignation qui a accompagné l'unilatéralité de l'intervention américaine a, pourtant, créé une ferveur artistique impressionnante dans le milieu du Metal Industriel. On savait Ministry et particulièrement son leader Al Jourgensen en croisade contre l'administration Bush avec son fameux triptyque Houses Of The Molé – Rio Grande Blood – The Last Sucker. Il avait été précédé une année auparavant par Killing Joke qui sortait de nulle part pour nous pondre un chef d'œuvre dont seuls Jaz Coleman, Youth et Geordie Walker ont le secret.
L'indignation était telle que Jaz, bien occupé avec son orchestre symphonique de Prague, a décidé de ressortir Killing Joke de sa torpeur. Depuis 1996 et l'album Democracy, le groupe n'avait plus rien sorti et rien n'annonçait une possible sortie de ce stand by qui pour beaucoup ressemblait à un split définitif. Mais que nenni, Killing Joke va doublement prendre son monde à contre-pied. En plus de ce retour, le groupe britannique ne va pas suivre le chemin tracé par Democracy mais revenir à ce qui a fait son grand succès au milieu des années 90 : Le Metal Industriel. Pandemonium avait été un sacré succès au point que le groupe, en France, s'était retrouvé dans Nulle Part Ailleurs chanter « Millenium », repris plus tard par Fear Factory sur Transgression. Ça vous situe un groupe ça.
Sauf qu'avec ce second album éponyme que nous appellerons par commodités ici Killing Joke 2003 va bien plus loin à tous les niveaux. Jaz Coleman est une personne entière et quand il écrit un concept autour de la Guerre en Irak, il ne fait pas les choses à moitié. Pour pouvoir aller jusqu'au bout des choses, il fallait compléter le line up avec un batteur qui puisse être à la fois groovy mais robotique, tribal mais brutal. Dave Grohl (Nirvana, Queens Of The Stone Age, Probot, Foo Fighters, Tenacious D... J'arrête ou je continue encore ?) était la personne rêvée pour tenir ce rôle. La légende veut qu'il y ait participé gratuitement d'une parce qu'il était fan du groupe depuis sa jeunesse et de deux, pour compenser le fameux plagiat du riff d'« Eighties » sur « Come As You Are » du temps de Nirvana. C'est donc bénévolement qu'il délivre une prestation magistrale surtout pour un groupe comme Killing Joke où la batterie joue un rôle crucial. L'apparition de cet instrument totalement sur-mixé sur « The Death & Resurrection Show » assomme littéralement et donne le ton d'un album qui sera long, éprouvant et jouissif...
Éprouvant, ce n'est pas peu dire. Des titres comme « Total Invasion » et « Dark Forces » sont inécoutables. Jaz sort de sa gorge les paroles comme s'il la raclait pour nous cracher un gros mollard en pleine gueule. Il y a donc de quoi être incommodé devant leur malsanité commune. Mais s'il est difficile d'écouter ces titres, ils ne sont pas mauvais et ne manquent pas de pertinence sur ce disque. Ils ne sont rien d'autres que des réalités tellement réelles et difficiles à assumer qu'on souhaite les éviter le plus possible. En plus, hormis « You'll Never Get To Me », Killing Joke 2003 est un monolithe d'une heure dont il est difficile d'entrer. Tout est répété à l'infini et il y a très peu de points d'accroche une fois « The Death & Resurrection Show » passé. Ce disque risque bien d'avoir votre peau.
Sauf que s'il est difficile d'y entrer, il est encore plus difficile d'en sortir. Le sujet ne laisse personne indifférent dans le groupe et ça se sent. Le groupe a mis les bouchées doubles à commencer par Jaz dont l'indignation se fait sentir à chacune de ses paroles. Cette guerre le dégoute au plus haut point et il donne tout ce qu'il a pour le démontrer. N'attendez donc aucune pitié et on peut compter sur les doigts ses interventions avec sa voix calme et encore c'est plus du désespoir qui en ressort qu'une certaine joie de vivre (« The Death & Ressurrection Show », « Implant », « Blood On Your Hands »). Il n'y a que « You'll Never Get To Me » qui apporte un sentiment d'optimisme. Killing Joke relâche son étreinte le temps de ce morceau plutôt mélodique et « Post-Punk » pour mieux resserrer par la suite. Pour le reste, c'est un enchainement de rythmiques aussi brutales que lancinantes, aussi intenses que majestueuses. Cet album vous fait entrer dans une espèce de transe qui vous fait immanquablement bouger la tête et ne vous fait que prendre conscience un peu plus de l'horreur de la guerre, surtout quand elle peut être évitée comme celle-ci.
Je ne sais pas si j'explique convenablement pourquoi ce disque est un chef d'œuvre dans cette chronique mais à mon sens, il doit être vu comme tel, non pas parce que je me retrouve pleinement dans son concept mais bien parce qu'un groupe qui revient de nulle part de cette manière, qui vous sort un album avec une musique aussi géniale et sans fausses notes et avec une telle aura malgré l'âge, ce n'est pas du domaine du commun. Plus encore, Killing Joke 2003 est tout simplement le meilleur album de Metal Industriel que je n'ai jamais entendu et dont je n'arrive pas à me lasser malgré un nombre d'écoutes important.
1. The Death & Resurrection Show
2. Total Invasion
3. Asteroïd
4. Implant
5. Blood On Your Hands
6. Loose Cannon
7. You'll Never Get To Me
8. Seeing Red
9. Dark Forces
10. The House That Pain Built
11. Inferno