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Nous avions quitté la bête à l’orée de ses célébrations infernales dans le chaos des flammes et de la chair. Déception artistique pour prouesse visuelle, cette dernière œuvre paraissait en effet bien pâle et peu flamboyante en comparaison des fresques passées, entre les paysages torturés et schizophréniques des débuts ou clairement plus grandiloquents et pointilleux des travaux récemment, notamment un impressionnant "Hangman's Hymn" qui renouait avec un certain génie disparu au début du nouveau millénaire.
Il est cependant incontestable que face à un manque chronique et incompréhensible de support de la part des médias ou des auditeurs, les japonais de Sigh n’ont jamais été à un niveau médiatique qui correspondait à l’avant-gardisme de leur démarche et de leur son. Près de vingt ans après leurs débuts, Mirai et ses acolytes délivrent avec "In Somniphobia" un album qui ne semble pas plus attendu que cela, et qui est loin de défrayer la chronique à seulement quelques jours de sa sortie.
Toujours supportés par Candlelight, c’est sous l’égide d’une bien étrange pochette que le neuvième album des fous furieux s’apprête à être publié. Malsaine et dérangeante, évoquant le "Youthanasia" de Megadeth mais dans un contexte aristocratique certain, l’artwork est en lui-même une prouesse graphique à placer au même niveau que celui de "Scenes from Hell".
Musicalement, c’est un Sigh beaucoup plus expérimental et par antithèse plus accessible que jamais que nous retrouvons en ce début d’année.
D’une variété déconcertante, trouvant enfin un point d’encrage cohérent avec la présence plus discrète mais essentielle de Mikannibal, Mirai s’enfonce dans les tréfonds d’un heavy metal traditionnel au chant black et écorché, bercé par une théâtralité horrifique de tous les instants, et une recherche sonore de chaque instant, conférant à l’ensemble une aura glauque et malsaine sans pour autant perdre de son impact mélodique. "Opening Theme : Lucid Nightmare" ouvre les portes d’un théâtre des horreurs, véritables portes menant à un enfer coloré, un cauchemar souriant de toutes ses dents cariées, une pourriture à l’haleine aigre-douce…"Somniphobia" se pare alors de ses couleurs metalliques, souffrant comme ses prédécesseurs d’un manque évident de puissance dans le son, mais confectionnant une aura très jazzy à l’ensemble. Des sonorités de claviers cybernétiques discrètes abreuvent un riff lent et le chant possédé de Mirai, entre hurlements et narrations démoniaques. De multiples breaks cloonesques et des symphonies évoquant le cirque (cela devient une mode dirait-on) s’envolent entre deux soli de guitare typiquement heavy metal.
Heavy metal. Il en est clairement question sur "The Transfiguration Fear", où la mélodie chantée par un chœur extrêmement cheap fera sourire de prime abord avant de finir par réellement convaincre, notamment grâce aux lignes vocales de Mirai et Mikannibal complètement hallucinées. On regrettera une production si avare de guitares, se contentant de rendre audible les leads mais s’effaçant complètement au profit des claviers sur les phases rythmiques. Un solo de claviers et de saxophone vient apporter une dimension épique avant que la guitare très britannique n’abreuve l’auditeur de sa fluidité. Volontairement kitsch et un brin ridicule si l’on prend le tout au complet premier degré, il faut reconnaitre une maitrise technique sans faille, même si le son du groupe peut paraitre anachronique en 2012. Ou alors serait-il au contraire hors de tout espace temporel…
Plus propre à l’univers d’un Sigh des débuts dans le fond, "Amnesia" laisse transparaitre les souvenirs d’une âme errante, à l’ambiance jazzy et intimiste se parant de vocaux déchirés sur des airs de saxophone mélancoliques. Toujours présents, les sonorités expérimentales et dérangeantes de claviers apparaissent ci et là pour provoquer un malaise latent, un dysfonctionnement chronique d’une mécanique pleine de démons.
Les longues compositions permettent à Sigh de dévoiler un univers différent à chaque compositions, de ce morceau ci de bravoure à l’univers plus conventionnel de son successeur "Far Beneath the In-Between" ou encore la magie gracieuse de "Amongst the Phantoms of Abandoned Tumbrils", surement le morceau le plus marquant du disque. Beau et violent, prière d’une chapelle hantée et proche d’un black mélodique sombre et rageur aux envolées de trompettes magistrales (si l’on ôte ce son immonde et cet écho insupportable de production de supermarché). Car c’est bien là que le bât blesse et que Sigh pèche…Si cette production était la force de certaines de leurs anciennes réalisations, l’orientation à la fois plus symphonique et en même temps plus accessible (bien que les mélodies catchy soient une constante depuis le début des japonais) nécessiterait réellement un impact supplémentaire, une aura plus dense et une production qui enfin amènerait le groupe vers de nouvelles ambitions (même si aujourd’hui, il y a fort à parier que ce son est aussi une volonté de Mirai).
Il reste que cela reste un point noir dans l’écoute global du disque, qui semble constamment manquer d’un petit quelque chose pour se révéler véritablement marquant…grand…
Certes, "In Somniphobia" est musicalement très riche et travaillé, barré et musical, intéressant et intriguant…mais le fait est que cette production brouillonne annihile non seulement un certain confort d’écoute mais aussi, à l’instar de son prédécesseur, l’ensemble de la complexité de l’œuvre tant certains éléments sont complètement bouffés dans le mix.
Sigh reste néanmoins fidèle à lui-même, et continu sur une route qu’il a lui-même tracé depuis près de deux décennies. Intègre et attaché à ses valeurs, Mirai poursuit son voyage initiatique dans les tréfonds de la haine humaine et du malaise musical. Bon voyage dans son monde…
1. Purgatorium
2. The Transfiguration
3. Opening Theme: Lucid Nightmare
4. Somniphobia
5. L'excommunication a Minuit
6. Amnesia
7. Far Beneath the in-Between
8. Amongst the Phantoms of Abandoned Tumbrils
9. Ending Theme: Continuum
10. Fall to the Thrall
11. Equale