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Avant de vous mettre à hurler au scandale, avant même d’affûter vos plus incisives lames pour pourfendre d’un assaut vengeur U-Zine pour oser faire figurer The Cure dans ses colonnes, lisez plutôt ces quelques lignes et rangez l’espace d’un instant les a prioris dans leurs fourreaux.
1982, la plupart d’entre vous, tout comme votre serviteur, n'avaient pas encore eu la chance de voir le monde. La sphère metal était déjà bien implantée, mais son penchant le plus obscur tendait à peine à se former, les projets fondateurs des musiques aujourd’hui dites extrêmes étaient encore trop embryonnaires pour parler de réel mouvement.
Pourtant, et en dépit des modes, dans l’ombre se tramait un album nommé Pornography, d’un trio plus connu aujourd’hui pour ses tubesques et candides singles à l’instar d’un Boys Don’t Cry, témoin des acceptions punk du groupe à ses débuts, ou d’un Close To Me, pour la fin des années 80.
Mais The Cure, bien avant d’être la machine à single que l’on connaît aujourd’hui était, et est toujours, un groupe à part entière, qui n’a jamais eu pour vocation de se délecter des Charts quand bien même il s’y hisserait systématiquement, et avec la plus grande discrétion.
Pornography, c'est largement différent.
Pornography, c’est l’aboutissement d’une démarche radicale entamée par The Cure.
C’est l’apothéose d’une noirceur effleurée par 17 Seconds et acceptée par Faith (le couple final d’un The Drowning Man/ Faith restera gravé à jamais dans les annales).
Le premier révélait, derrière sa pureté éclatante, une certaine vision du malaise typiquement adolescent, mais tout juste évoqué, le second, quant à lui, nous plongeait vers des teintes plus grises, plus sombres sans pour autant nous tirer droit vers l’abyme.
Pornography, dernier né de cette Trilogie Glacée comme on l’évoque aujourd’hui, est la fin de cette insidieuse descente aux enfers, une mise en musique d’un mal-être intérieur, intemporel, qui ne souffre aucune discussion. La quintessence du Noir. La définition de l'Anti.
Pornography c’est un début aussi scindant qu’un ‘It doesn’t matter if we all die’, c’est une œuvre qui n’hésite pas à aller droit à l’essentiel, sans jamais s’encombrer de fioritures. De paroles à double niveau de lecture à une instrumentation minimaliste, Pornography est l’incarnation de ce que Noirceur veut dire. Retranchés derrière des murs de caluches et autres drogues inavouables ingurgitées, Pornography s’est écrit dans la douleur, dans le doute, dans une spirale engendrée d’excès en tous genres, alors que dès leurs débuts, Lol Tolhurst, Simon Gallup et le Sacro-Saint Robert Smith vivaient les premières affres du succès.
Pourtant au fur et à mesure que le moral a décliné, Pornography a pris place, parvenant ainsi à devenir l’album le plus représentatif de la cold-wave, que vous distinguerez facilement de la new-wave à la lecture de cet écrit.
Pornography entame ses premières notes, une boîte à rythmes, un tempo, une basse, rien d’autre. It doesn’t matter if we all die. Le ton est donné, mécanique implacable quasi-inquisiteur. La voix de Smith est lointaine, la basse omniprésente tandis que la batterie déroule son rythme sans interruption, qu’importent les évolutions du morceau ou de la mélodie.
Et ainsi ira Pornography.
Drogue hallucinées, culpabilité, introspection, rapports humains instables, peurs intrinsèques, volonté de toucher l'auditeur droit au cœur sans pour autant concéder une once d'espace à quiconque ne serait pas initié.., Voilà que 3 adolescents ont eu la capacité hallucinée de mettre en musique des maux éternels, des doutes intemporels, des tourments universels, des maladies curables. Ou presque.
Les deux morceaux (in)dispensables de l’album, quand bien même ils évoqueraient des sujets sulfureux, que sont A Short Term Effect et The Hanging Garden, laissent davantage de place à l’exceptionnel tournant que prend cet album à l’aube d’un Siamese Twins déchirant.
Lol Tolhurst, minimaliste, comme à son habitude et limité simplement par son niveau technique, donnera le ton martial à ces morceaux à jamais marqués d’une empreinte noire. Un enchaînement tout juste aéré par un Strange Days viendra prendre l’auditeur attentif, lui laisser un peu d’espace pour le laisser plonger définitivement vers les méandres noueux d’un Cure maladif, en proie à ses propres démons.
Puis vient The Figurehead, chanson absolue sur la culpabilité, Cold et son atmosphère à te glacer les cœurs les plus chauds. Puis le morceau titre, issu des cauchemars les plus noirs, parfaitement ‘adaptables’ à quiconque se retrouverait dans les paroles incisives de Robert Smith…
The Cure, c’est avant tout des couilles et pas de budget, The Cure c’est un Robert Smith implacable. The Cure, c’est ce que tout le monde cite en braillant Boys don’t Cry sans jamais vraiment savoir à quoi ça correspond ni pourquoi ce groupe instable est devenu l’influence majeure de pléthore de combos d’ici ou d’ailleurs.
The Cure pour moi, c’est 17 Seconds – Faith – Pornography.
Pornography est un album gravé à vie, une sorte d’entité sans laquelle je n’aurais jamais pu découvrir d’autres courants musicaux.
Pornography est l’album le plus sombre qu’il m’ait été donné de sonder.
Passée la piqûre Pornography, merci de vous en imprégner et de remonter aux origines du Mal.
Le meilleur aussi, et, ad vitam;
Noir. Noir. Noir.
1. One Hunderd Years
2. A Short Term Effect
3. The Hanging Garden
4. Siamese Twins
5. The Figurehead
6. A Strange Day
7. Cold
8. Pornography