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Assez étrangement, lorsque l’on demande aux amateurs de metal s’ils connaissent Disillusion, on se heurte à un regard interrogateur qui se conclut par une réponse négative. Certains autres pensent ne pas accrocher, car cantonnés au trop sous-estimé mais pourtant excellent Gloria, plus récent. A côté de ça, 9 fois sur 10, la même question à un individu ayant déjà tâté du Back to Times of Splendor se soldera par pléthore de superlatifs, tant cet album, sorti il y a déjà 7 ans (2004 pour les moins matheux d’entre vous), devient fétiche à quiconque pose une oreille dessus, dans la majeure partie des cas du moins.
Sorti d’un peu nulle part, mais fort d’une démo, The porter, et d’un EP, Three Neurone King, au potentiel fort évocateur, Disillusion trio Allemand a frappé très fort, très vite en accouchant d’un Back to Times of Splendor bluffant à bien des égards.
A l’époque de sa mise au monde, le Death Metal mélodique était en plein revival, séduisant par son agressivité mélodique, son toucatoucatouca© des drums et ses growls qui saupoudraient le tout d’extrême, et c’est ainsi qu’à tort, Disillusion s’est vu apposer cette étiquette, expliquant peut-être pourquoi Back to Times of Splendor s’est perdu dans la masse, passant ainsi à côté de trop nombreux tympans. Et pourtant, il ne saurait exister carcan plus étroit que celui du Death mélo pour contenir la totalité de l’univers Disillusion. Ce groupe, cette espèce de monstre besogneux, c’est du death mélo parfois, mais c’est plus, beaucoup plus que ça.
L’exercice de la retranscription est plus que jamais délicat lorsque l’on s’attaque à un album si dense, riche et complexe. Disillusion, c’est le métissage des genres. Un condensé de metal extrême mais pas uniquement, c’est un fil conducteur, une cohésion à toute épreuve, c’est aussi une heure de musique pour seulement 6 morceaux.
L’ensemble de l’édifice est massif, on ressort sonné de cette avalanche de structures, de caractères et d’atmosphères, mais aussi subjugué par le travail d’orfèvre réalisé en amont pour parvenir à un résultat tel que les écoutes se succèderont toujours en tir tendu, attrapant au passage d’un riff que l’on croyait connaître un détail insoupçonné, insaisissable de prime abord.
Ce qui définit, entre autres choses, Back to Times of Splendor c’est cette propension à surprendre là où l’on pourrait croire déjà tout connaître. Ce qui place Disillusion au dessus du panier, c’est sa capacité que d’autres n’ont pas à laisser s’exprimer leur part de sensibilité, sans se retrancher derrière un mur d’agressivité constant. Alors nous sommes d’accord, Disillusion n’est pas le premier à exacerber le brassage des genres, et par ailleurs, l’univers metal, nettement moins renfermé sur lui-même qu’il ne le fût à une époque, s’ouvre et ose l’hybride depuis quelques temps.
Disillusion lui, à la maturité terriblement précoce, a savamment dosé la mixture metallisante et parvient à se forger une identité unique, sans qu’elle soit pour autant parfaitement définissable.
Le chant guttural, très couillu et puissant côtoie le chant clair, indifféremment proposé par un Andy "Vurtox" Schmidt dont on découvre les talents indiscutables de vocaliste, l’acoustique, d’une beauté majestueuse taquine le blast beat et le riff fouillé et mordant, les atmosphères contemplatives taillent la part du lion à celles nettement plus mélancoliques, chaque morceau est à lui seul un fier représentant de tout ce que propose Disillusion, porte-étendard d’un metal libéré de ses contraintes et de ses codes. Vous serez assénés de vagues death metal, martelés de léger accents indus (voix samplées notamment) ou caressés par des atmosphères nobles, mélancoliques sans que vous ne ressentiez d’à-coups.
Prenons pour exemple And the Mirror Cracked. Ce morceau d’ouverture saute à la jugulaire dès son arrivée, massive, mélodique et frénétique et propose une dégustation de 8 minutes 30 de savoir-faire et de maîtrise technique. Contenue à mi-parcours d’une pause semi-acoustique racée et majestueuse, la violence introductive s’estompe et laisse place à l’atmosphère musicale, mais surprend à nouveau, le riff arabisant d’introduction surgit violemment, et la célérité reprend le dessus. Ainsi, le relief tout en nuance de Back to Times of Splendor s’apprécie autant dans ses morceaux écoutés individuellement que dans sa globalité, les 56 minutes du disque sont 56 minutes de délectation et de grand 8 musical, dont seule peut-être Fall pourrait être attaquée, non pas dans sa qualité mais dans son originalité, sensiblement moins prononcée que sur les 5 autres titres.
Le morceau titre imprègne la mélodie d’orchestrations bienvenues et chargées en émotions, quoiqu’un peu desservies par un son trop synthétique, A Day by the Lake, morceau semi-acoustique, mid-tempo et intégralement en chant clair berce l’oreille malmenée quoique ravie par ce déluge de structures et d’atmosphères différents, parfaite accalmie avant LE morceau de bravoure disque : l’incomparable The Sleep of Restless Hours.
Près de 18 minutes d’un condensé insolent de tous les éléments qui parcourent l’album, une entreprise magistrale et capiteuse maîtrisée jusqu’au moindre coup de caisse-claire, la traversée est sinueuse, prend le temps de se développer et laisse à l’auditeur le loisir d’explorer l’univers coloré de Disillusion à son aise. Les mots paraissent un peu désuets face à un morceau qui se ressent, se vit plus qu’il ne se décrit, qui apparaît comme un aboutissement magistral à tout ce qu’ont mis en place les 5 morceaux précédents.
Nombreux sont les groupes à se chercher dans le mélange des styles, plus nombreux encore, ceux qui mêlent avec cohérence mais d’une manière trop convenue agressivité et accalmie. Il n’aura fallu à Disillusion qu’une démo et un EP un peu fourre-tout pour accoucher d’une œuvre monumentale narguant avec insolence nombre de ses contemporains.
Je pourrais continuer à pérorer ainsi pendant encore des paragraphes entiers, voire même me lancer dans une description track by track de Back to Times of Splendor, sans parvenir pour autant à être exhaustif.
Mais il va pourtant falloir conclure, malheureusement. Vous m’aurez trouvé excessif ou dithyrambique ? Vous auriez raison, et cet album le mérite largement.
Car en définitive dirai-je que cette chronique a surtout vocation, au-delà de rendre justice à un album qui m’enthousiasme toujours autant, après 7 années d’écoute régulière, et dont je ne me suis pas encore tout à fait remis, à favoriser la découverte d’un groupe trop méconnu et d’un album à la richesse extraordinaire. Si ces paragraphes peuvent vous mener à cet album, j'en serais terriblement fier.
Il se pourrait même que vous teniez là la claque qui vous faisait défaut depuis longtemps, et si la bête séduit dès sa première écoute, elle ne se laissera apprivoiser pleinement qu’au fil du temps, ce qui est loin d’être un frein à sa découverte, tant je n’ai aucun doute sur le fait que vous prendrez plaisir à vous replonger dans ces temps de splendeur encore, et encore.
Incontournable, magique, inoubliable.
1. And The Mirror Cracked
2. Fall
3. Alone I Stand In Fires
4. Back To Times Of Splendor
5. A Day By The Lake
6. The Sleep Of Restless Hours