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Parfois on fait aveuglément confiance à son instinct et à son expérience. Alors quand ces dernières années les termes « origine : Canada » pour un groupe d'extrême n'ont apporté que de la satisfaction, vous comprendrez que je décide sans tergiversation de me tourner vers le premier album de Beyond Creation. Entre la création du groupe et la sortie de The Aura, 6 ans se seront passés. La recherche de musiciens dont un, Dominique Lapointe, le bassiste, a fait partie de grands groupes Québécois (Augury, Quo Vadis) la composition, les vicissitudes des changements de lineup et enfin l'enregistrement. Les voilà donc, les quatre gaillards, prêts à en découdre avec dix morceaux autant death que brutaux que techniques. Par contre la pochette fait peur, on sent la touche « je suis un gros méchant » à la Suffocation, dans des teintes sombres, verdâtres et un graphisme qui n'incite pas à la joie de vivre.
En même temps, on n'est pas là pour faire dans le bisounours dès les premières secondes le blast s'installe. No Request For The Corrupted semble prendre son élan avant de tout défoncer. Et déjà les marques du groupe se font sentir : une basse qui sonne et se tord en fond avec un groove démentiel, une brutalité qui file toujours droit et un petit côté shred / technique qui vient rappeler à l'auditeur que pour ne pas le faire tomber dans une torpeur mal-à-propos, Beyond Creation va le surprendre à tous les coins de chansons.
Ils sont doués et ils le savent, et l'équilibre quasi-parfait de leur son fait ressortir des détails qui mettent en avant leur gros travail de composition. Quand le tempo diminue comme sur Omnipresent Perception, chaque instrument a son importance et si chacun joue sa partition, l'ensemble va dans le même sens. Sans mettre la tête de l'auditeur complètement à l'envers, ils arrivent à lui faire tendre les oreilles vers des endroits éloignés. Comble du luxe, vous aurez même le droit à un solo de basse sur ce morceau entre deux shreds de guitare. C'est pas beau ça ? Et pas audacieux ?
Mais l'apogée de l'audace vient à la fin de The Aura : un morceau de onze minutes, intitulé The Deported. Pour occuper l'espace, ils vont faire jouer leur groove avec une première partie qui sent presque l'improvisation puis ils vont travailler sur un crescendo de plus en plus prenant, en travaillant sur la vitesse mais aussi sur des riffs qui vont vous prendre à la gorge. Le tout entre deux couplets bien sûr. Là encore on remarque une marque de fabrique : un mouvement oscillatoire dans les tempi puis une cassure assez technique. L'ensemble est homogène mais il faut suivre la vague comme sur Injustice Revealed, ne perdez pas le fil un temps sinon vous avez gagné le droit de recommencer car vous avez loupé un morceau.
Les riffs font mouche et j'ai beau refaire le tour de l'album pour la énième fois, je ne vois vraiment rien à jeter. Sans jouer la carte de l'originalité à fond, les Canadiens savent quels canaux ils doivent utiliser pour faire vibrer l'auditeur. Ils savent surtout en donner à tous, car on imagine aisément qu'un album simplement rempli de brutalité ou à contrario de branlette de manchette avec quelques blasts pour faire joli aurait lassé rapidement.
Ils composent autour du genre, sans apporter un élément archi-original (comme un instrument rare ou des ambiances particulières) qui aurait pu encore pousser leur personnalité plus loin et leur donner un caractère complètement unique. Beyond Creation n'a sûrement pas besoin de gimmicks pour s'exprimer et c'est ça qui fait leur force. Le seul que j'ai dégoté c'est le morceau en français Le Détenteur.
Difficile de vous dire un mot sur les textes, mais au vu des titres on s'éloigne de la frange « faits divers » sanglants du death. Là encore une preuve qu'ils réfléchissent sur le monde qui les entoure et c'est peut-être ce qui donne la complexité à la musique. Et cette façon d'écrire donne un album avec des morceaux de toutes les durées, on ne s'étend pas de la même manière sur tous les sujets. Mais j'extrapole.
Ai-je vraiment besoin de vous donner mon avis en conclusion ? Je n'écoute pas des tonnes de death technique, mais là je dois vous avouer que Beyond Creation m'a littéralement mis sur le cul. The Aura est un album excellent, mûrement travaillé et réfléchi, encore une preuve qu'au pays de l'érable, la scène est plus que vivace. Je ne saurai que vous le recommander chaudement.
01. (4:56) No Request for the Corrupted
02. (7:37) Coexistence
03. (1:54) Chromatic Horizon
04. (6:12) Omnipresent Perception
05. (3:55) Injustice Revealed
06. (2:35) Le Detenteur
07. (7:07) The Aura
08. (5:30) Social Disability
09. (1:45) Elevation Path
10. (11:09) The Deported