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« Tous les génies sont des cinglés…et Tolkki avait un putain de talent »
Jorg Michael
Les facéties d’un maniaco-dépressif ne sont jamais simple à gérer. Celle d’un maniaco-dépressif emprunt de génie, d’égocentrisme sous couvert d’un hédonisme hypocrite (bercé par la religion soit dit en passant) le sont encore moins.
Les multiples raisons de la chute de Timo Tolkki de son trône doré de mythe vivant et de créateur du speed mélodique à tendance néo-classique n’existe aujourd’hui plus que dans la légende, tant la mythologie autour du personnage semble avoir pris le pas sur un homme devenu terne et étrangement morne.
Suite à une auto-éviction du monstre qu’il avait lui-même fondé, les échecs personnels affluèrent comme des perles. Entre un opéra rock ("Saana – Warrior of Light") ridicule et niais au possible et un nouveau groupe qui avait pondu un album d’une grande linéarité ("New Era", tout juste sauvé par l’interprétation parfois angélique du grand Michael Kiske), Tolkki semblait reprendre quelques peu ses esprits, notamment avec un "Age of Aquarius" différent mais inspiré et surtout un "Trinity" qui laissait surgir de nouveau la rugosité et la fluidité qui avait fait de lui l’un des exemples du genre.
Mais voilà, suite à une gestion de groupe catastrophique, un manque cruel d’intérêt de la part des médias (Timo avait-il au moins envie de promouvoir ses disques ?) et une absence scénique incompréhensible, Revolution Renaissance devait, à l’instar d’une entreprise sans bénéfices, mettre la clé sous la porte et laissé les musiciens bêtes et seuls.
Evidemment, Timo avait déjà tout prévu puisque quelques semaines plus tard, l’arrivé d’un nouveau projet, en très grandes pompes, est déjà planifié. « Les fans de métal mélodique n’en reviendront pas » harangue le principal intéressé…
Symfonia (tout aussi inspiré que Revolution Renaissance) voyait donc le jour avec un line up, sur le papier tout au moins, de rêve.
André Matos (ex Angra, ex Shaman) derrière le micro, Mikko Harkin (ex Sonata Arctica) aux claviers et le grand Uli Kusch (ex Helloween, ex Masterplan, Beautiful Sin) aux futs…autant dire que ça en jette méchamment, Jari Kainulainen, le bassiste n’ayant pas survécu à la nouvelle monture de Stratovarius, étant peut-être le plus anonyme des cinq.
Néanmoins, il était également évident, dans la tête d’un public loin d’être dupe, que le projet semblait tout autant être un all-star band qu’une opération de la dernière chance pour chacun d’eux. Clairement, que fait André Matos depuis son départ du magnifique Shaman ? Un bien pauvre "Mentalize"…Uli Kusch est-il aussi productif depuis le départ de Masterplan ? Oui mais en membre de session…quand à Mikko et Jari, ils se sont fait bien discrets depuis la fin de leurs activités dans des groupes dont ils n’étaient pas les têtes pensantes.
Symfonia laissait donc planer beaucoup d’interrogations, de peurs et envisageait une certaine esbroufe pédante dont Tolkki semblait bien avoir le secret depuis quelques temps ("New Era" n’était-il pas composé de Tobias Sammet et Michael Kiske ?).
"In Paradisum" voit aujourd’hui le jour et on ne peut pas dire, une nouvelle fois, que l’artwork n’est pas hautement clichesque.
La musique se suffit à elle-même et sur ce point ; nous sommes en terrain connu. Timo a retrouvé sa vigueur et c’est manifestement du côté d’"Episode", d’"Infinite" et de "Visions" qu’il faudra aller voir pour puiser les nombreux riffs présents sur cet album.
"Fields of Avalon" s’ouvre sur un riff typique de Timo, et les claviers de la grande époque : fluide, technique et omniprésents. Sans grande surprise, la musique se laisse bercer par un André Matos beaucoup plus convaincant que sur son dernier effort solo, retrouvant la grâce et la grandeur qui était la sienne il y a encore peu. Techniquement et émotionnellement, sa performance est une nouvelle fois de grande volée, comme le démontre le pont de ce premier morceau, particulièrement intéressant puisque André s’envole sur une partie de batterie judicieuse avant de voir (ou d’entendre) débouler une orgie boulimique de notes.
On remarquera que Timo a privilégié des tempos majoritairement plus élevé que dernièrement, entre un "Forevermore" empruntant beaucoup à "Glory of the World", un "I Walk in Neon" évoquant étrangement "Black Diamond" ou encore un "Santiago" beaucoup plus lourd et oppressant. D’ailleurs, on retrouve ici beaucoup d’éléments semblant venir du brésilien, notamment cette façon de marier parfaitement la ligne vocale (sublime et pure une fois de plus,) à son environnement extérieur. On se prendra à chantonner très rapidement ce refrain majestueux, simple et beau sur un riff épais et nerveux, parfaitement mis en exergue par un Uli survolté. Discrets, les claviers apportent ce qu’il faut de féérie, par l’intermédiaire de chœurs très subliminaux, puis de s’exprimer sur un break onirique, peuplé de quelques notes acoustiques. La patte de Tolkki explose alors sur un solo à la finesse et la pureté si caractéristique ("Before the Winter" ?) avant que ne réapparaisse ce riff si heavy, puis un déploiement technique de claviers sauvagement attaqué par une attaque vicieuse et jouissive de guitare. Un morceau complet et créatif, comme il y en a finalement si peu dans "In Paradisum".
On regrettera par exemple que le très catchy "Come by the Hills" fasse tant penser au "Falling to Rise" du dernier Revolution Renaissance, même si l’interprétation de Gus Monsato n’est pas comparable à ce que André arrive à créer comme lien avec l’auditeur. Car c’est bien lui qui s’en tire avec les honneurs, notamment sur l’épique titre éponyme (musicalement une repompe éhontée d’"Elements" et "Trinity"), bardé de chœurs en tout genres et d’orchestrations pour le moins synthétiques (dans le sens péjoratif du terme). Néanmoins, on retiendra la prestation époustouflante du sud-américain, d’une pureté affolante en introduction, pour atteindre des notes si hauts perchés sur le refrain qu’on pensait bien qu’il n’en serait plus jamais capable (et ce souffle angélique qu’il introduit dans la musique).
Que dire sincèrement au final ? "In Paradisum" est honnêtement très bien produit, réalisé et interprété mais l’étincelle de magie, de créativité et d’éclat attendue n’est pas ici. Il y a même fort à parier que le résultat aurait pu être catastrophique sans la présence de quelqu’un comme André Matos au chant. Timo Tolkki semble produire constamment les mêmes albums, parfois décevant, parfois plus vifs et dignes de la grande époque mais sans une once de renouveau ni de remise en question. "In Paradisum" apparait comme téléphoné, stéréotypé et en cruel manque d’inspiration et de personnalité ("Pilgrim Road" ne tirerait-il pas sa mélodie d’un certain "Future World" ?).
L’éclaircie entrevu sur les deux derniers Revolution Renaissance se couvre nouveau de nuages, particulièrement à la question d’un hypothétique avenir d’un tel « groupe ». Les interrogations trouvant leurs réponses dans l’écoute de l’album en amènent néanmoins beaucoup d’autres…tout en affirmant que Timo Tolkki semble avoir définitivement renoncé à naviguer de nouveau à travers les cieux des dieux. Stratovarius eux, auront finalement tiré part de leurs erreurs pour donner naissance à un véritable monstre. Symfonia semble en être encore très loin…
1. Fields of Avalon
2. Come by the Hills
3. Santiago
4. Alayna
5. Forevermore
6. Pilgrim Road
7. In Paradisum
8. Rhapsody in Black
9. I Walk in Neon
10. Don't Let Me Go