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Si vous avez l’habitude de nous lire, vous n’aurez pas manqué de noter que Misotheism, du combo Belge Gorath m’avait fait forte impression.
D’un one band initial, Gorath s’est forgé au fil des sorties un line up véritable, sans aucun doute grâce à la ténacité de son géniteur, F.Dupont, dévoué serviteur de l’Art Noir depuis près de 15 ans.
Et comme le bon vin, Gorath semblait être de ceux qui se bonifient avec le temps, sachant surclasser le cru précédent par chaque nouvelle mise en fûts, jusqu’à l’aboutissement savoureux du fameux Misotheism. Mais, le malheur qui frappe les formations créatives, hissant systématiquement leur art vers l’echellon supérieur, est que nous, pauvres âmes en mal de fécondité artistique, ne leur pardonnons que plus difficilement les erreurs de parcours.
MXCII donc. La cuvée Gorath 2010 s’est faite attendre, c’est peu de le dire. L’imagerie décomposée de l’artwork donne les premières indications : les saveurs seront plus râpeuses, la robe plus épaisse et les arômes moins éclatants que par le passé. Néanmoins, conservant le délicat souvenir de l’étincelant Misotheism, une certaine excitation accompagne la première gorgée du breuvage Belge.
Gorath est bien vivant, cela rassure. Le constat est indiscutable, le groupe possède pleinement son univers et le façonne selon l’humeur du moment. Les structures s’emboîtent, s’enchaînent, s’accélèrent puis se temporisent, les riffs s’éloignent puis reviennent avec une insolente fluidité, en somme, Gorath reste ce qu’il a toujours été, et son Black Metal est demeuré intact dans l’esprit : capiteux et pur. La bête est toujours aussi vicieuse et ne se laisse apprivoiser qu’avec le temps et les écoutes, apanage quasi-systématique des grandes formations.
L’humeur quant à elle, s’est assurément assombrie, le paysage sonore est cendreux, l’atmosphère irrespirable, le ciel noir et menaçant. Toujours aussi imagé dans sa mise en musique, l’univers Gorath transporte donc tout autant, sinon plus que par le passé.
C’est ailleurs que s’est produit le changement. Les Belges semblent avoir opté pour l’impact direct, proposant, en dépit des nombreuses et intelligentes variations de tempo et de songwritting, une composition plus brutale et écrasante, laissant peu de place à l’oxygène.
Si cela ne peut valablement constituer une faiblesse, car le choix semble totalement volontaire et assumé, c’est en gardant dans un coin de la caboche les instants d’explosion de lumière de Misotheism et ses falaises d’émotions que MXCII trouble pour commencer et fini par décevoir.
Car loin de rendre l’écoute de l’album plus éprouvante, et donc plus marquante, l’absence de toute chaleur et de lumière finit par installer sur la durée un sentiment de platitude et de routine qui n’est pourtant absolument pas les qualificatifs qui siéent le mieux à Gorath.
Nous voguons toujours sur des flots tumultueux, embarqués dans un monde ésotérique et intelligent, mais la traversée se fait trop en force là où elle aurait gagnée à être abordée en subtilité.
Il y a plus de poumons dans la voix, plus de muscles dans les poignets, et cette décharge d’agressivité ne laisse pas de place à des envolées plus chaleureuses, qui auraient été indispensable pour trancher davantage dans les émotions ténébreuses et glaciales développée sur MXCII.
Alors oui, l’album est maîtrisé jusqu’au bout des doigts, l’atmosphère et l’abandon des inoubliables échappées acoustiques est un choix opéré sciemment, le talent et la construction sont bien là.
Et le groupe joue largement au dessus de la mélée en termes d’identité, livrant là encore une musique racée et un Black Metal progressif d’une noblesse frappante.
Mais, voilà, MXCII est une réponse un peu trop fade émotionnellement parlant à son prédecesseur, et c’est franchement très con, car encore une fois, on est pas passé loin du millésime.
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