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Certaines catégories estampillées 'metal' sont nettement plus sujettes à division que d'autres. Le DSBM, Depressive and Suicidal Black Metal, suscite chez le profane autant que chez pléthore de black metalleux les gloussements les plus moqueurs, chacun y allant de son venin assassin pour en qualifier l'absurdité de l'intitulé pour les uns, le côté trop tendance pour les autres.
Et je ne donnerais tort à aucune des deux parties tant les griefs invoqués à l'encontre du genre sont tout à fait recevables.
Absurde oui, le DSBM l'est parfois, et à plusieurs égard. Au delà de son libellé passablement amusant (que les acteurs du genre se gardent pour la plupart de revendiquer) c'est aussi dans la démonstration d'un mal être outrancier que se fourvoie une frange tout entière de formations, pensant que des riffs lancinants, martelés en mineur et soutenus par des hurlements plaintifs suffisent à créer la qualité nécessaire pour créer l'intensité émotionnelle prédisposant l'auditeur au voyage introspectif, ce dernier étant pourtant la condition sine qua non d'un album de DSBM réussi.
Par voie de conséquence, les black metalleux les plus chevronnés emboitent le pas des profanes et se gaussent grassement de ce triste constat, tout un éructant avec délectation les plus incisives assertions contre la fâcheuse tendance qu'à le style à être tout particulièrement prolifique dans l'underground, et finalement trop apprécié dans cette même sphère pour être digne de cette précieuse qualification.
Alors oui, le DSBM souffre de son nom, de son image et de la piètre qualité/agaçante inutilité de la plupart des sorties qui s'embourbent dans cette fange. Mais de ce portrait un peu acerbe et pourtant tristement réaliste peut émerger une nuance. Qui aime bien châtie bien dit-on, et les quolibets sont proportionnels à l'infini potentiel que renferme le DSBM.
Dès lors qu'il sait s'affranchir de ses propres carcans, réducteurs, qu’il n'hésite pas à évoluer et qu'il est interprété avec autant de force que de conviction, le DSBM peut proposer une expérience intense et unique pour qui saura en saisir les essences. Et Austere embrasse aisément cette façon de percevoir et de pratiquer le genre en dépit d’un Withering Illusions and Desolation qui ne le plaçait guère en chef de file du DSBM.
Trop convenu, se contentant de mimer outrageusement ce qui avait été déjà fait, mille fois et mille fois mieux, voilà que deux splits et un EP (chacun fort dispensables) plus tard, To lay like old ashes paraît dans les bacs, et dévoile un Austere que nous ne soupçonnions pas, plus indépendant, plus démarqué de ses illustres prédécesseurs et contemporains, plus libre et plus créatif.
Le duo australien, prolifique en termes de groupes de black metal depressif, fusionnent ainsi un certain savoir faire, parvenant à rappeler les incontournables du genre tout en les hissant vers le haut, et surtout en se les appropriant, balayant d’un grand coup de personnalité ses acquis bien trop installés, vous l’aurez compris.
La grande force de cet album pris dans son unité, et non au regard de la discographie du groupe, se trouve dans sa capacité à ne pas hésiter à explorer. Téméraire, aventureux, To Lay like Old Ashes à le courage d’Oser, avec un grand ‘O’, tout simplement. Comme s’il ne suffisait que d’une étincelle de bravade pour dépoussiérer un genre dont nous croyions connaître tenants et aboutissants.
Austere ne néglige pas pour autant la base solide sans laquelle ne pourrait exister un groupe de DSBM. Attendez vous bien entendu à 6 pistes pour près d’une heure de musique, des riffs hypnotiques, aliénants, mélancoliques qui se répandent à outrance pour mieux créer la tangibilité de l’atmosphère, et last but not least, des hurlements schizophréniques, qui comme toute formation de DSBM qui se respecte rappellera ce bon vieux tonton Nattramn, de feu Silencer.
Mais là où nous pourrions nous croire, eu égard aux premières minutes de l’album, nous trouver sur un terrain déjà et depuis longtemps balisé et conquit, Austere surprend en premier lieu par l’abandon d’une production typée ‘le petit DSBM dans ta cave illustré’, prépondérant et caractéristique du style – pas nécessairement désagréable par ailleurs -, et l’adoption d’un traitement sonore rond, grave et riche, où les choix de mastering rendent hommage à chaque instrument.
Surprenante volonté qui nous emmène déjà par son unique existence hors des sentiers battus, le choix d’Austere se révèle autant agréablement déconcertant que terriblement judicieux. Car là où le DSBM, y compris ses formations phares, multiplie les ambiances épaisses à s’en ouvrir les veines, au point que l’auditeur les trouvera banales car devenues trop éculées, Austere ose injecter à cette débauche de mélancolie une touche de lumière, renforcée en cela par la générosité de la production évoquée plus haut. Nul mégarde néanmoins chers lecteurs, vous aurez votre lot de sensations désespérées, de tristesse caractérisée, de souffrance partagée qui conduisent à l’introspection.
Mais c’est aussi dans par cet élan douloureux vers la lumière qu’Austere intègre le chant clair, cristallin et juste ce qu’il faut de bancal pour nuancer la noirceur du propos, et insuffler un mince espoir dans une marrée ténébreuse.
This Dreadful Emptiness, qui oscille entre pensées suicidaires et contemplation béate, quoique saupoudrée d’une sombre résignation, marquera l’auditeur dans sa seconde moitié, par cette fameuse et inattendue intervention de la voix claire, contrastant intelligemment avec ce que nous avions entendu sur la première moitié de To Lay like Old Ashes.
Véritable instant charnière de l’album, bouleversante charnière par ailleurs, le DSBM d’Austere se meut en une envolée plus sereine, entretenant les fondations établies par le groupe, mais bâtissant avec une pudeur et une sincérité touchante autre chose…
Autre de chose de plus calme, de plus onirique, et Just for A Moment, pièce maîtresse de l’album, n’est pas noire à s’en passer la corde au cou, mais est plutôt le reflet d’une agréable nostalgie, que l’on se complet par masochisme à se remémorer, cherchant désespérément une odeur, une vision, qui ramènerait l’esprit à des moments plus heureux.
Malheureusement, Austere n’est pas parfait d’un point à l’autre. Succédant au grandiose morceau que nous venons d’évoquer, intervient Coma II, suite d’un Coma, paru sur le précédent full lenght.
Coma, premier du nom, était un morceau sans rythmique, un riff de gratte dégueulasse, malsain et abyssale, qui par sa répétitivité entrainait l’auditeur dans une spirale hypnotique, mais dont le mimétisme dans le son et la composition rappelait bien trop l’avant dernier track de l’excellent Filosem de Burzum, sans en exalter ni la force ni la maestria.
Coma II, reprend les bases là où elle les avait laissées et s’étale sur plus de 20 minutes et par excès d’orgueil, Austere s’est fourvoyé. En dépit d’une qualité sonore que nous écoutons d’une oreille nouvelle et donc plus attentive, l’alchimie ne prend que très difficilement, et la longueur du morceau est prétentieuse à l’excès, inutile, et quoi qu’il arrive ne sera jamais aussi poignante que l’inspiré Rundgang Um Die Transzendentale Säule Der Singularität du Count Grishnackh.
Malheur à Austere pour cette erreur de parcours dans une même rondelle, qui entache la qualité pourtant indiscutable de ce To Lay like old Ashes.
Mais soyons honnêtes sans être pour autant bon public, Austere a frappé un grand coup avec cette sortie, il s’est hissé à force d’audace, de sincérité et de conviction en haut du panier, et enterre largement les idées selon lesquelles le DSBM est déjà mort.
Moins diversifié qu’un Gris, moins radical qu’un Make a Change… Kill Yourslef, Austere est devenu Austere, et croyez bien que rien que pour cela, et pour cet album, nous ne pouvons que nous incliner et lui offrir tout notre soutient.
1. Down
2. To Fade With the Dusk
3. This Dreadful Emptiness
4. To Lay Like Old Ashes
5. Just for a Moment...
6. Coma II