
Colour Haze @ Paris
Petit Bain - Paris
Alors que les beaux jours commencent à poindre, y a t'il meilleure occassion d'aller flâner sur les quais de Seine pour célébrer les 30 ans de Colour Haze ? Groupe majeur d'une scène en perte de vitesse, c'est devant un Petit Bain tout de même pas honteusement rempli que le dimanche soir s'achève en douceur.
Mario Lalli & the Rubber Snake Charmers
Comme beaucoup le savent, le stoner rock est né dans les generators parties, ces fêtes en plein désert californien où les amplis étaient branchés sur des générateurs et qui ont donné l’occasion à de nombreux musiciens iconiques de former ce qui deviendra plus tard le fleuron de la scène. Parmi eux, Mario Lalli. L’Américain n’a pas eu le succès d’un Garcia ou d’un Brant Bjork mais Yawning Man et Fatso & Jetson font partie de ces formations cultes qui ont émergé de cette genèse quasi mythique. De manière assez logique, et en particulier dans le stoner qui est un genre codifié, les premières parties ont tendance à proposer des choses assez scolaires voire génériques. Ce soir, ce fut néanmoins l’exact inverse.
En effet, bien que Mario Lalli soit la « star » du projet, l’attention se porte sur le chanteur, Sean Wheeler et son jeu de scène à la Jim Morisson. Se faisant lascif, récitant de la poésie en spoken words, feuilles à la main, se déshabillant tout en se fouettant avec sa ceinture qu’il transforme ensuite en serpent dont la boucle le « mord », le tout est beaucoup trop intense pour un dimanche soir. Surtout que ce côté chamanique pouvait sans doute hypnotiser il y a 50 ans quand un sex symbol d’une vingtaine d’années hypnotise une population aux prises à un conservatisme qu’ils cherchent à ébranler. Là nous sommes en 2025, on peut voir des vidéos de skibi toilets à toute heure et notre gourou de 55 ans a 5 chicots en moins, forcément, le résultat perd en pertinence. J’ai quand même eu un rire mi gêné mi ému devant cette proposition sincère mais loufoque dont vous pourrez avoir un aperçu ci dessous.
Josiah
A l’inverse, Josiah a tout du groupe trop académique pour faire ressentir quoi que ce soit. Power trio qui tente le difficile équilibre entre des passages directs et des plans plus jammés et psychédéliques, le résultat est forcément assez indigeste. Pourtant, le groupe semble expérimenté et a bien 20 ans de carrière au compteur, mais depuis la prolifération d’excellents groupes new school, difficile d’espérer survivre avec une recette respectée scrupuleusement sans la moindre prise de risque. Trop scolaire dans les passages inspirés de Kyuss et de QOSTA (ce fameux « Spacequake » qui pompe « Song for the Dead »), le titre à rallonge du milieu de set ne m’a pas fait décoller alors qu’il semblait composé pour cela. Comme c’est souvent le cas dans le stoner rock, on ne passe pas un mauvais moment, la faute à un groupe franchement pas antipathique mais on se retrouve assez vite avec cette sensation de « sitôt passé sitôt oublié ».
Colour Haze
Colour Haze a un statut assez particulier au sein de la scène stoner et assimilés. Forts de 30 ans de carrière, les Allemands bénéficient du respect de leurs consorts, cependant le côté très abstrait de leur musique leur a, je pense, fermé les portes d’un large succès. En effet, cette approche très douce, où les riffs bouclent et se recomposent, où les ambiances se développent et les paroles se font rares ont, à mon sens, permis l’émergence de groupes comme Elder qui ont fait le choix d’une approche beaucoup plus lourde et technique qui a touché une audience plus large. Ainsi, le quatuor a toujours eu des places de choix dans les festivals spécialisés mais n'a jamais réussi à percer au-delà des passionnés. Le public de ce soir d’ailleurs est assez différent de ce qu’on a l’habitude de croiser habituellement : peu de metalleux et beaucoup de personnes qui semblent venir du rock 60/70s et qui doivent apprécier l’approche assez hippie de la tête d’affiche du jour.
Bien que Colour Haze soit un groupe qui écume, ces dernières années, assez fréquemment les clubs et les festivals d’Europe, je n’ai jamais réussi à les voir avant ce soir. Cela fait d’ailleurs partie des rares « gros » groupes de cette scène qui me manquait et, dix ans après les avoir découverts, j’avais légèrement peur de les voir un peu trop tard. Non pas que le groupe ne soit plus en forme, mais cela fait quelques années que je ne me suis pas perdu dans les méandres de Tempel, ou de l’album éponyme. Et pourtant, je n’ai pas regretté un seul instant d’avoir bravé le froid en ce dimanche soir tant le groupe affiche un niveau de maîtrise qui n’a d’égal que sa générosité et ses qualités humaines. Souriant et disponible pendant l’intégralité du concert, répondant aux demandes du public réclamant tel ou tel titre (« désolé on n’aura pas le temps pour celui-ci »), Stefan Koglek dégage une force tranquille mêlée d’une bonhomie et d’une douceur naturelle qui le rend incroyablement sympathique. Musicalement, un réel écart est constatable entre le groupe sur album, assez enveloppant, et en live, où la frappe du batteur alourdit considérablement le propos. D’ailleurs, celui-ci semble complexifier parfois ses patterns afin de proposer un résultat plus technique et percutant comme vous pouvez le constater lors d'un live récent :
Par ailleurs, le fait que le trio fut rejoint ces dernières années par un claviériste permet au propos de gagner en texture et renforce le côté enveloppant de la musique de Colour Haze. Au terme d’une grosse heure 45 qui a mis un Petit Bain bien rempli sous orbite, le groupe se retire comme des rois absolus. Avec des enchaînements d’une pureté absolue (la doublette « Skydance » – « Skydanser » avec « Tempel » m’a fait chavirer), un mapping discret mais cohérent, un son incroyable et une setlist variée, Colour Haze a prouvé que l’indifférence polie que peuvent avoir une partie du public stoner/doom à leur égard est limite criminelle quand on voit le niveau affiché après 30 ans de carrière. Chapeau bas et à très vite.
Setlist :
Turquoise
Goldmine
Aquamaria
Labyrinthe
Skydancer
Skydance
Tempel
Ideologigi
Überall
Transformation
House of Rushammon
Pulse
Merci à Garmonbozia pour le plateau et l'invitation, à Petit Bain pour la qualité d'accueil et à Colour Haze pour l'intégralité de leur carrière