Chronique Retour

Album

06 février 2025 - Dolorès

Zero Absolu

La Saignée

LabelAOP Records
styleBlack metal
formatAlbum
paysFrance
sortiejanvier 2025
La note de
Dolorès
8/10


Dolorès

Non.

Si on m'avait dit qu'en 2025, la première mouture de Glaciation proposerait un nouvel opus... Derrière Zero Absolu, c'est bien Valnoir et sa bande (François Duguest et Hugo Moerman) qui se cachent. Si vous n'avez rien suivi à l'histoire, sachez simplement que le line-up de Glaciation a connu bien des changements depuis l'EP originel, dont une prise de micro par Rose Hreidmarr sur le premier album, suivie d'une prise de pouvoir en s'attachant au nom corps et âme pour en faire son propre projet.

Avec La Saignée, c'est bien le noyau des premières heures qui revit plus de dix ans après, accompagné d'Indria d'Alcest à la basse et de R. R. de Regarde Les Hommes Tomber à la batterie. Deux noms dont on retrouve clairement une petite patte instrumentale au fil de l'écoute ! Côté pochette, difficile de comprendre à première vue ce qu'on regarde, qui est pourtant fort de sens : le fameux premier EP de Glaciation, intitulé 1994, littéralement cuit lors de l'incendie qu'a subi Neseblod Records à Oslo l'an dernier, pilier absolu de la culture black metal par son histoire. Le ton est donné : il semblerait qu'on tente de reconnecter aux sources du groupe dans un esprit d'auto-dérision difficile à saisir.

Alors, black metal ultra élitiste d'entre-soi, comme la France sait si bien le faire, ou juste une occasion de se faire plaisir, musicalement parlant, en glissant quelques petites piques au fil des deux pistes ? Si l'EP sert de lettre ouverte à Hreidmarr (entre les paroles qui le nomment ou le clip qui met en scène un tank qui roule sur des roses...), il n'est fort heureusement pas que ça. Certes, la thématique revancharde qui s'attarde sur les braises du passé n'aide pas à donner une aura mature à l'ensemble. Cela rapproche peut-être d'autant plus le projet de la teinte adolescente et impulsive qui participait à l'essence du black metal dans les années 90, le projet se voulant d'ailleurs, à l'origine, un hommage à cette époque. Mais puisqu'il faut de toute manière une forme de haine sincère pour créer un black metal authentique et puissant, autant puiser là où il y en a tant que le résultat est bon.

Le résultat, en l'occurrence, l'est. L'EP de Zero Absolu coche beaucoup des cases de ce qui m'a fait aimer le black metal pendant mon adolescence : une oscillation entre des minutes absolument dévastatrices et des subtilités qui éclairent presque constamment les zones d'ombre.

Les nombreux arpèges et sonorités plus atmosphériques qui survolent les espaces plus épurés de la composition ne sont pas sans rappeler la scène post-black française avec d'énormes élans post-rock. On se retrouve avec un black metal très mélodieux où tout s'enchaîne avec une fluidité monstrueuse, entre changements de rythmiques, progressions majestueuses et surtout plusieurs samples disposés çà et là (d'Antonin Artaud à des acteurs de la scène black, en passant même par un curé semblerait-il). Certes, les citations de type « le black metal, c'est la mort et ça doit rester la mort », ça me fait personnellement beaucoup rire et je ne suis sans doute pas la seule, mais ça donne aussi une teinte particulière à l'écoute.

Finalement, les instants plus violents ne sont pas tant légion. Parfois, l'énergie grandiloquente des parties de batterie suffit à redonner la pulsation nécessaire pour relancer la machine, tandis que le chant hurlé de Valnoir fait plaisir à entendre lorsqu'il est bien présent. A bien l'écouter, l'EP sonne toutefois assez moderne, épuré et très bavard, pas complètement déconnecté de ce que proposait 1994 même si le son diffère.

Y aura-t-il une suite à La Saignée ? Si, comme ils le disent eux-mêmes, « Le Temps Détruit Tout », même peut-être la rancœur, il n'y aurait pas de pertinence à écrire de prochains chapitres. Difficile de savoir où Zero Absolu souhaite réellement se diriger mais gardons l’œil ouvert.


1. La Saignée
2. La Temps détruit tout