hell god baby damn no!
Dans une scène grecque black metal très marquée par le son de ses pionniers, on oublie parfois que la péninsule hellénique détient aussi un joyau unique comme Hail Spirit Noir. Groupe discret, confidentiel tout en ayant un nom bien installé, cela fait déjà 24 ans que le trio, devenu sextet en 2018, propose un mélange singulier de rock psychédélique et de black metal. Une ligne directrice à laquelle ils n'ont jamais dérogé, mais qui a bel et bien évolué avec le temps : dans l'alliance des genres, dans les tonalités, dans l'apport, toujours, de nouveaux éléments et de nouvelles idées. Hail Spirit Noir reste reconnaissable tout en ne proposant jamais deux fois la même chose. La formation de fait ne semble toujours pas arriver à percer pour atteindre, au delà d'un public de niche, les fans plus “mainstream” des genres auxquels ils touchent. Les scènes extrêmes ont pourtant vu nombre de groupes évoluer et faire sensation, d'Oranssi Pazuzu à White Ward, en passant par les derniers Enslaved, avec des étiquettes assez similaires. En témoigne l'explosion des termes post black, black avant-gardiste ou progressif... Mais si tout peut vite se ressembler sur le papier, il reste bien difficile de trouver d'autres formations offrant un son similaire à Hail Spirit Noir.
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Après un Eden in Reverse très (trop) progressif, qui manquait pour mes douces oreilles de vrais moments marquants, les Grecs avaient encore plus semé la confusion en sortant Mannequins : un ovni total dans un style synthwave, conçu comme la bande son d'une histoire écrite par le chanteur du groupe. Trois ans plus tard, Fossil Gardens nous ramène vers des paysages musicaux plus familiers, mais vogue vers de nouvelles thématiques. Aucune référence en effet à Satan : le groupe nous emmène vers de vraies thématiques psychédéliques, pour une exploration philosophique du temps et de l'espace.
N'ayez crainte : fidèles à leurs habitudes, les Grecs ne vous noieront pas dans un interminable album, mais se limitent à 40 petites minutes, et des morceaux plutôt courts, à l'exception d'une pièce “centrale” de 10 minutes. C'est un format d'écriture assez constant au fil de leurs quatres précédents albums, un squelette autour duquel faire évoluer leur son un peu plus loin à chaque reprise.
Ces quarante-deux minutes s'écoutent d'une traite : Fossil Gardens est en tout point un album de prog. Seules les sonorités employées, blasts, riffs et growls, le rattachent au black metal, mais il n'en n'a au final aucune des caractéristiques. La violence du black et la douceur du rock progressif ne sont d'ailleurs pas mis en opposition. Grande caractéristique pourtant des albums précédents du groupe, le pari est fait cette fois d'utiliser leurs outils habituels à des fins différentes. Loin des riffs très frontaux de Mayhem in Blue par exemple, le black est ici employé dans ses tonalités les plus atmosphériques, que certains qualifieront sûrement de “post-black”. Hail Spirit Noir ne joue plus tant que ça sur la dualité des styles, mais explore toutes leurs alliances possibles, faisant des éléments black metal un outil de plus pour créer des structures progressives au sein des morceaux, les fondre au milieu du chant clair ou des arrangements psyché.
L'album en lui même a donc forcément une structure évolutive. La tension monte petit à petit, avec deux morceaux d'ouverture plus planants, plein de chant clair, où l'on s'enfonce petit à petit vers des riffs plus pesants, plus agressifs, des vocaux plus éraillés et des ambiances plus sombres. On arrive vite sur des ambiances cosmiques portées par les claviers et arrangements psychédéliques, pour culminer sur le morceau éponyme aux riffs clairement black metal mais au rayonnement lumineux et planant.
Dans toute cette abstraction, on n'en perd pour autant jamais le sens de la mélodie, qui est un gros atout de l'album (en particulier face à Eden in Reverse). Fossil Gardens propose tout du long des riffs porteurs et des lignes de chant évocatrices, dont on se souvient dès la première écoute. Il s'écoute certes comme un tout, mais les morceaux s'identifient et se détachent facilement. On en ressort avec l'impression d'avoir écouté un album complexe et dense mais terriblement accrocheur, qui nous a offert plein de points d'attaches et de moments de grâce donnant envie d'être vécus à nouveau. Le chant propose toujours plus d'émotions, explorant toutes les déclinaisons possibles du chant clair pur et doux, à différentes voix éraillées jusqu'au cri black metal classique. Tout est maîtrisé, ciselé à la perfection, blindé d'arrangements, de différentes couches, sans en oublier des moments de respiration et d'interludes.
Hail Spirit Noir signe peut être bien l'album le plus abouti de sa carrière. C'est un voyage cosmique ambitieux et complexe, tout en restant mélodique et accrocheur. Fossil Gardens n'est en tout cas clairement pas un album de black metal ; il ravira en revanche tout fan de musiques progressives et psychédéliques pour qui le metal extrême n'est pas un obstacle à l'écoute.
Tracklist :
1. Starfront Promenade
2. The Temple of Curved Space
3. Curse you, Entropia
4. The Blue Dot
5. The Road to Awe
6. Ludwig in Orbit
7. Fossil Gardens